Docu : Skaters & Thieves dévoile une autre facette de la scène skate underground de New York

Docu : Skaters & Thieves dévoile une autre facette de la scène skate underground de New York

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Par Naomi Clément

Publié le

En exclusivité, Konbini vous ouvre les portes de Skaters & Thieves : le quotidien d’un crew de skateurs de Brooklyn, pour la plupart afro-américains, capturé par les réalisateurs Jeremy Rubier et AD Jenning.

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En 2015, Jeremy Rubier et AD Jenning, deux réalisateurs montréalais, décident de se rendre à New York. De passage dans un skate shop de Brooklyn, ils font la rencontre fortuite du collectif Skaters & Thieves, un crew de jeunes skateurs afro-américains, Brooklyn born and raised, qui deviendra bientôt l’objet de leur tout premier documentaire commun.

Fascinés par leur style, leur mode de vie artistique et leur philosophie dont le mot d’ordre est “freedom” – laquelle n’exclut donc pas la pratique du vol (d’où la partie Thieves de leur nom) –, Jeremy Rubier et AD Jenning commencent en effet à suivre les neuf membres de ce crew dans leur quotidien, avec un budget à peu près égal à zéro dollar. De cette expérience imprévue est né Skaters & Thieves, un documentaire de 23 minutes qui montre un autre visage de la scène skate américaine, souvent décrite comme blanche et masculine.

Désireux d’en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec Jeremy Rubier et AD Jennings, qui nous ont livré leur regard sur cette aventure unique, née du fruit du hasard.

“On aurait dit un concert de punk underground, auquel assistait une foule remplie de mineurs, pour la plupart de couleur”

Konbini | Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

AD Jennings | Je m’appelle Anne-Darla, mais on m’appelle souvent AD, ou ADD, mais surtout ADHD. J’ai 24 ans, je suis vidéaste, monteuse et réalisatrice en herbe. J’ai grandi à Montréal, mais j’ai passé les deux dernières années à New York. Je suis aussi très présente sur Instagram, sous le nom de @itsnotallabouthollywood.

Jeremy Rubier | Je m’appelle Jeremy, je suis un réalisateur originaire de Montréal, mais je vis actuellement à Tokyo. J’ai passé les sept dernières années de ma vie à vivre dans 14 pays différents, à réaliser des clips, des documentaires, des courts-métrages et des pubs un peu partout.

Quand avez-vous entendu parler du collectif Skaters & Thieves pour la première fois ?

AD | J’avais “sécurisé” un contrat commercial à New York et je voulais que Jeremy travaille avec moi dessus. Finalement, le contrat a été annulé à la dernière minute, mais nous avions déjà booké et payé une chambre pour un mois. Nous avions également commencé à faire un casting pour la pub, en nous rendant dans des skateparks autour de la ville dans le but de trouver des kids qui pourraient correspondre à nos recherches.

Naturellement, on a fini par passer du temps avec certains d’entre eux, à fumer, faire des photos à la con, skater (Jeremy skate depuis longtemps et, en ce qui me concerne, j’ai appris en réalisant ce documentaire). Une chose en entraînant une autre, on a fini par atterrir à une soirée complètement folle : on aurait dit un concert de punk underground, auquel assistait une foule remplie de mineurs, pour la plupart de couleur. Le groupe The Basement Sounds jouait ce soir-là et certains de ses membres font aussi partie du crew Skaters & Thieves. Le reste appartient à l’histoire.

“Le skate est décrit comme un sport de Blancs venu de la côte Ouest”

Qu’est-ce qui vous a décidé à dédier un film entier à ces jeunes skateurs ? Qu’est-ce qui vous a à ce point plu chez eux?

Jeremy | Ces gosses sont libres. Ils ont une ambition énorme, ils veulent toucher à tout et leur amitié est incroyable. Ils sont tous unis par le skateboard. Ils avaient tous des raisons extrêmement différentes, mais cette envie d’être libre était à tous leur but ultime. C’est ce qui m’a fasciné.

Et puis, il y a aussi autre chose. Je vois toujours des documentaires dédiés aux skateurs blancs. Le skate est constamment décrit comme un sport de Blancs venu de la côte Ouest, ce qui est extrêmement intéressant, car le skate a toujours été lié au hip-hop d’un façon ou d’une autre. Ces gosses, les Skaters & Thieves, inspirent clairement une nouvelle génération de skateurs.

Comment ont-il réagi quand vous leur avez parlé de votre projet de documentaire ?

AD | Ils étaient super contents, mais aussi assez sceptiques. Ils ne prenaient pas vraiment pas ça au sérieux. Ils ne nous prenaient pas au sérieux en fait. Je ne crois pas qu’ils aient cherché à comprendre notre intention, ce que nous avions fait par le passé, que nous n’étions pas là que pour déconner. Parce que si Jeremy te dit qu’il va faire un docu sur ta vie, je peux t’assurer que ce docu sortira quatre mois plus tard avec une putain d’avant-première.

Y a-t-il eu un moment particulièrement mémorable pendant le tournage ?

Jeremy | Il y en a eu tellement… Un jour, on a interviewé le créateur spirituel de Skaters & Thieves, Luke. Et le mec était tellement défoncé qu’il a commencé à vomir au beau milieu de l’interview [rires]. Un désastre !

“La youth culture noire n’est pas qu’une seule et unique chose”

À quel point les membres du collectif Skaters & Thieves influencent la jeune scène skate de Brooklyn ?

AD | C’est difficile à mesurer. Mais je suis persuadée qu’ils influencent des tonnes de gamins. Certains des événements qu’ils ont organisés ont rameuté des centaines de personnes ! En fait, je crois qu’ils font partie d’une communauté plus large de jeunes qui pensent comme eux et qui, tous ensemble, ont une forte influence sur la youth culture de New York et de Brooklyn.

Skaters & Thieves offre un regard unique sur la youth culture noire de New York, un regard que nombre de médias refusent de représenter. C’était ça votre but, donner une image différente de celle habituellement colportée par les médias ?

AD | Les médias “mainstream” ont tendance à faire entrer les choses dans des cases bien serrées, bien carrées, dans le but de créer des narrations digestes. J’ai un temps été journaliste donc je comprends ce processus, mais c’est une approche qui rend les choses trop simples et fait forcément disparaître une partie de l’histoire. À mes yeux, “la vérité” se cache quelque part dans une zone grise, ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche. La youth culture noire (peu importe ce que cela veut réellement dire) n’est pas qu’une seule et unique chose. Elle est une multitude de choses.

Maintenant que vous avez sorti ce documentaire, c’est quoi la suite pour vous ?

Jeremy | Je suis en train d’organiser le tournage de mon premier long-métrage de fiction au Japon, qui devrait avoir lieu en septembre prochain. Je suis constamment en train de tourner des documentaires sur des gens que je rencontre un peu au hasard, c’est ça ma passion. Mais la fiction, c’est mon rêve.

AD | De mon côté, je commence à prendre la réalisation plus au sérieux. Je veux faire des recherches, écrire, tourner, monter et recommencer. J’ai décidé de me concentrer sur les clips musicaux pour le moment, donc j’ai quelques clips en cours. Pour le moment, je travaille à temps plein avec Joy Ride Records. On est en discussion avec Dave Snyder, un mec génial qui travaille chez Cineflix Productions à New York, dans le but de faire de Skaters & Thieves une série documentaire.

Pour voir le documentaire en entier, c’est par ici.