Les séquences les plus gênantes du Fillon show dans L’Émission politique

Les séquences les plus gênantes du Fillon show dans L’Émission politique

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Par Cyrielle Bedu

Publié le

Jeudi 23 mars, François Fillon était l’invité de L’Émission politique sur France 2. Tout au long de l’émission, il a lancé des affirmations approximatives, fait des comparaisons surprenantes et laissé par moments paraître de la froideur face à des Français en difficulté… Le tout, en essayant de se montrer présidentiable, à un mois du premier tour de la présidentielle.

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Cela devait être SON moment. Une émission de près de deux heures lui étant entièrement dédiée, François Fillon pouvait s’adresser aux Français, tenter de faire oublier les affaires le concernant, parfaire sa stature présidentiable. Depuis sa mise en examen le 14 mars en effet, en dehors de ses meetings, le candidat de la droite n’avait pas eu un tel espace de parole dans les médias. Mais il semblerait que cela ne lui ait pas vraiment réussi, comme le montrent différentes séquences de l’émission. Florilège.

Quand François Fillon rencontre des aides-soignant(e)s

C’était une des séquences “vrais gens” de L’Émission politique. En amont de la diffusion du programme [qui était en direct, ndlr], des journalistes de France Télévisions ont proposé à François Fillon d’aller avec eux sur le terrain. Pour l’occasion, ils ont choisi de le confronter au personnel soignant d’une maison de retraite de Bry-Sur-Marne, en région parisienne. Sur place, l’équipe de l’établissement (dont plusieurs membres étaient syndiqués à la CGT, NDLR.) a fait part à François Fillon de ses griefs et a interpellé le candidat sur sa volonté de faire travailler les fonctionnaires 39 heures hebdomadaires au lieu de 35, s’il était élu à la tête de l’État. Séquence gênante et tendue…

“Vous voulez augmenter le temps de travail à 39 heures, vous vous imaginez la pénibilité de notre travail ?”, demande l’une des aide-soignantes. “Vous voulez que je fasse de la dette supplémentaire ?”, répond François Fillon. “Non, nous on a besoin de personnel parce que nous travaillons avec les humains”, lui rétorque une autre membre du personnel.

Plus tard, un médecin urgentiste interpelle lui aussi le candidat : “La situation sociale dans les hôpitaux est pire que celle qu’on a connue à France Télécom à ses heures les plus sombres. Vous avez vu les multiplications des suicides ! C’est catastrophique !” Mais François Fillon semble rester de marbre… “On est dans un débat totalement idéologique. C’est pas la vision globale des Français”, se contente-t-il de répondre.

Quand François Fillon compare sa situation à celle de l’ancien ministre Pierre Bérégovoy

Toujours au cours de l’émission, le journaliste David Pujadas demande au candidat de la droite si il est ou non “un homme d’argent”. En réponse, François Fillon évoque le suicide de l’ancien ministre socialiste Pierre Bérégovoy : “J’ai compris pourquoi on pouvait être amené à cette extrémité.”

Pierre Bérégovoy était un homme politique français. Après avoir été nommé Premier ministre par François Mitterrand en 1992, il a été contraint à la démission après la défaite historique de la gauche aux élections législatives. Avant ce scrutin, comme le rappelle BFM TV, Le Canard enchaîné avait révélé que, lorsqu’il était ministre de l’Économie et des Finances en 1986, Pierre Bérégovoy avait bénéficié d’un prêt sans intérêts d’un million de francs (150 000 euros) venant d’un industriel français. Avec cet argent le ministre socialiste s’était acheté un appartement parisien. À l’époque, la révélation de cette affaire avait créé un scandale national. Le 1er mai 1993, un mois après avoir quitté son poste de Premier ministre, Pierre Bérégovoy s’était suicidé en se tirant une balle dans la tête avec l’arme de service de son garde du corps.

Voilà ce à quoi faisait référence François Fillon. Pour beaucoup de gens cependant, le fait que le candidat se serve de la mémoire de Pierre Bérégovoy pour reconquérir l’opinion ne passe pas.

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Quand François Fillon affirme que François Hollande dirige un “cabinet noir” à l’Élysée

Autre moment (déjà) d’anthologie : au cours de l’interview, François Fillon déclare sans rougir aux Français : “Il y a un livre qui sort ces jours-ci, dont j’ai pu lire les bonnes feuilles, qui a été écrit par des journalistes qui sont loin d’être mes amis, car deux d’entre eux sont du Canard enchaîné. […] Un livre qui explique comment François Hollande fait remonter toutes les écoutes judiciaires qui l’intéressent à son bureau, ce qui est d’une illégalité totale. […] Vous cherchez un cabinet noir, on l’a trouvé le cabinet noir.” Et de poursuivre : “Moi, ce soir, solennellement, je demande qu’il y ait une enquête d’ouverte sur les allégations qui sont portées dans ce livre, parce que c’est un scandale d’Etat.” 


Fillon accuse Hollande d'animer un "cabinet...
par francetvinfo

Le livre auquel fait référence François Fillon s’intitule Bienvenue place Beauvau. Police : les secrets inavouables d’un quinquennat (éd. Robert Laffont). Il s’agit d’une enquête écrite par des journalistes du Point et du Canard enchaîné : Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé. Au cours de l’émission, Didier Hassoux a été contacté par France Info. Il a démenti les propos du candidat :

“On n’a jamais écrit ça. […] Je vais vous lire le haut de la page 24 […] ou le bas de la page 23 : ‘Le retour aux affaires des chiraquiens nourrit bien évidemment le soupçon sarkozyste de l’existence d’un cabinet noir. Il n’est pas possible d’en apporter la preuve formelle comme il n’est pas possible de prouver le contraire.'”

Et l’auteur du livre de poursuivre :

“La seule personne qui croit qu’il y a un cabinet noir à l’Élysée, c’est François Fillon. Il y croit tellement que le 24 juin 2014 […], il est allé voir Jean-Pierre Jouyet, qui est le numéro 2 de l’Élysée, pour lui demander d’activer ce cabinet noir. Ce cabinet noir n’existe pas.”

François Hollande n’a lui non plus pas attendu la fin de l’émission pour s’indigner des propos de François Fillon. Dans un communiqué, il a “condamné avec la plus grande fermeté les allégations mensongères de François Fillon […] sur France 2”, ajoutant :  “Le seul scandale ne concerne pas l’État, mais une personne qui aura à en répondre devant la justice.” Le lendemain, le président de la République en a remis une couche sur France Bleu : “Il y a une dignité, une responsabilité à respecter. Je pense que François Fillon est au-delà maintenant, ou en deçà.”

Dans un autre communiqué, l’actuel garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a quant à lui rappelé que François Fillon “a voté systématiquement contre tous les textes renforçant l’indépendance de la justice et favorisant la transparence de la vie politique”, soit :

  • La loi du 25 juillet 2013 interdisant au garde des Sceaux de donner des instructions individuelles aux magistrats du ministère public
  • La loi organique du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique
  • La loi organique du 6 décembre 2013  créant le procureur de la République financier
  • Le projet de loi constitutionnelle réformant le Conseil supérieur de la magistrature
  • La loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats
  • La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Quand François Fillon fait face à l’écrivaine Christine Angot

En fin d’émission, l’audience a découvert que la romancière Christine Angot était “l’invitée surprise” du programme télévisé. Face à François Fillon, l’écrivaine polémique, marquée à gauche, a tenté pendant huit minutes de donner le sentiment de beaucoup de Français, choqués par les affaires dont fait l’objet le candidat de la droite.

Christine Angot a notamment regretté que François Fillon ne se soit pas retiré de la course à la présidence, pour barrer au mieux la route à Marine Le Pen :

“Si vous vous étiez retiré, dans l’hypothèse d’un second tour Les Républicains/Le Pen, on aurait voté pour Les Républicains au deuxième tour, sans problème, sans se sentir complices de quoi que ce soit. […] Monsieur, est-ce que vous comprenez que le fameux front républicain est en danger ?”

L’écrivaine a ensuite interrogé le candidat : “Avec le coup de Bérégovoy, est-ce que vous nous faites un chantage au suicide ?” 

À lire -> Les “faits alternatifs” de François Fillon au 20 Heures de France 2