Pourquoi Exodus, le prochain film de Ridley Scott, est accusé de racisme

Pourquoi Exodus, le prochain film de Ridley Scott, est accusé de racisme

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Par François Oulac

Publié le

Depuis la mi-juillet, des internautes appellent au boycott du prochain film de Ridley Scott, Exodus : Gods and Kings. La raison de la colère : un casting d’acteurs blancs pour un film se déroulant dans l’Égypte antique.
Le prochain film de Ridley Scott réécrit-il l’Histoire ? Avant même sa sortie en décembre prochain, Exodus : Gods and Kings suscite la polémique. Ce péplum biblique à gros budget reprend le mythe de la fuite d’Égypte du peuple hébreu guidé par Moïse.
Le problème, c’est qu’avec Christian Bale dans le rôle de Moïse, Joel Edgerton dans le rôle de Ramsès ou Sigourney Weaver qui incarne la mère du Pharaon, le casting d’Exodus n’est pas exactement typé oriental. Les détracteurs accusent donc le film de déroger à la réalité historique au profit d’un whitewashing, c’est-à-dire un “blanchissement” volontaire du casting d’un film, voire la réécriture d’une histoire d’un point de vue “blanc”. Une pratique très courante à  Hollywood.

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Conséquence logique, les réseaux sociaux et la blogosphère se sont emparé du sujet. Depuis la mi-juillet, Exodus fait l’objet d’un hashtag revanchard sur Twitter : #BoycottExodusMovie.



D’autres internautes pointent du doigt le fait que les seuls rôles attribués à des acteurs noirs sont ceux d’esclaves ou de subalternes, liste du casting à l’appui.

L’ironie. Coïncidence ou pas. Des acteurs noirs pour jouer les esclaves.


Dans une tribune intitulée “Je prie pour que le film Exodus soit un flop total”, un contributeur du site Chocolate Covered Lies peste contre la répartition des rôles :

Une telle imagerie est assez grotesque dans son inexplicable imagerie raciale. C’est une chose d’abîmer l’Histoire ; c’en est une autre de l’abîmer afin de représenter les Blancs comme supérieurs aux Noirs là où les Blancs ne devraient même pas exister.

Le whitewashing, aussi vieux qu’Hollywood

Les origines africaines des Egyptiens de l’Antiquité, notamment défendues par le chercheur Cheikh Anta Diop, sont encore débattues au sein de la communauté scientifique. Mais c’est surtout la sous-représentation des personnes de couleur dans l’industrie du divertissement que dénoncent les détracteurs d’Exodus : Gods and Kings. En cela, le film de Ridley Scott rejoint une longue liste de polémiques sur la question.
Le whitewashing est une tradition aussi vieille qu’Hollywood et critiquée de longue date. Les observateurs dénoncent un système de représentations figé : des acteurs principaux blancs, ayant recours au blackface ou au maquillage si besoin, et des bad guys issus des minorités, faisant de la peau blanche le standard par défaut du héros hollywoodien. Ce travers s’aggrave logiquement lorsqu’il s’agit de représenter des héros issus de la “diversité”, comme dans le cas d’Exodus. Et les exemples sont légion, comme le montre le site Complex.
Ainsi, Amanda Scherker, une contributrice du Huffington Post, s’étonne que le whitewashing grossier des débuts de l’industrie cinématographique existe encore de nos jours, sous une forme plus subtile. La journaliste cite différents exemples : Warner Oland incarnant le détective Charlie Chan, grimé en Asiatique (1930) ; Elizabeth Taylor, qui a incarné Cléopâtre (1963), et dont le rôle pourrait être repris par Angelina Jolie ; Jake Gyllenhaal dans The Prince of Persia (2010)…

Une reproduction du visage de Cléopâtre comparée au visage de Liz Taylor. (Crédit image : Sally Ann Ashton)

Amanda Shercker évoque également de nombreux cas où le background ethnique d’un personnage est tout simplement oublié. Comme lorsque les origines latines et l’immigration d’Alicia Nash, dans le film A Beautiful Mind, sont mises de côté pour mieux cadrer avec le choix de l’actrice principale, Jennifer Connelly.
La journaliste cite entre autres le réalisateur Gavin Polone, qui témoigne du whitewashing des studios dans une tribune publiée sur le site Vulture :

Les acteurs africains-américains ne se vendent pas outre-Atlantique – à moins, bien sûr, qu’ils soient Will Smith ou Denzel Washington, mais seulement dans un thriller ou un film d’action. On m’a dit plus d’une fois qu’un studio n’approuverait pas un Noir dans le rôle principal dans un de mes films parce que ça ferait baisser les chiffres à l’international.

Comme le souligne Polone, le whitewashing est avant tout un choix économique, les acteurs les plus bankables étant caucasiens. Mais il se fait, soulignent les observateurs, au risque de ne pas refléter la réelle diversité des acteurs. Reste à voir si la réception d’Exodus souffrira de cette polémique.