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Un cartel mexicain tweete l’exécution d’une journaliste engagée

Un cartel mexicain tweete l’exécution d’une journaliste engagée

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Par Tomas Statius

Publié le

Peur sur la presse

 À Reynosa, aucun média n’est libre

Et face à ce silence, c’est sur les réseaux sociaux que les derniers mohicans de la liberté de la presse se sont retrouvés.
Comme le note le Daily Beast dans un article au titre glaçant – “Elle tweetait contre les cartels mexicains. Ils ont tweeté sa mort“, c’est grâce au magazine Valor Por Tamaulipas (“espoir pour Tamaulipas) et à sa présence sur les réseaux sociaux (plus de 500 000 abonnés sur Facebook, 100 000 sur Twitter) qu’une information libre sur les cartels continue à parvenir aux oreilles des citoyens.

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Au cours des quinze derniers jours, nous avons eu vent de sept enlèvements dans la zone. Ne baissez pas la garde.

Flux ininterrompu de dépêches, le site est un organe de presse brut et participatif. Grâce à un réseau dense de contributeurs, il renseigne sur les points chauds du moment, informe sur la présence des cartels, présente les “situations de risque” heure après heure (selon le mot-dièse #SDR) ainsi que les “ministres” de ce gouvernement fantôme qui régit la vie des habitants de Reynosa.
Ne reculant devant rien, les journalistes rendent également hommage aux victimes et lancent des avis de recherche. Ils se chargent de ce que les médias traditionnels ont peur de faire.

48 000 $ pour la tête d’un journaliste

Et comme on peut s’en douter, les administrateurs du site se trouvent constamment sous l’épée de Damoclès des cartels de drogue. Selon le Daily Beast, ces derniers offrent depuis un an et demi 48 000 dollars à qui veut bien divulguer l’identité de l’un de ces vengeurs masqués.
Dans le genre, on apprenait en février 2013 via l’agence de presse interaméricaine que huit journalistes avaient été kidnappés du côté de Reynosa en deux semaines. Trois ont été retrouvés. Deux, vivants, portaient sur leurs corps les traces de sévices corporelles. Le dernier, décédé, illustrait bien le fait qu’à Reynosa la liberté de la presse est une affaire de vie ou de mort.
Entre 2000 et septembre 2014, ils sont en tout 81 journalistes à avoir été assassinés à Reynosa.

Felina, tête de révolte

Face à l’ardeur de la répression, et la désertion de son rédacteur en chef, le mouvement Valor Por Tamaulipas n’eut pourtant de cesse de s’amplifier. Et la journaliste citoyenne “Felina” (qui signifie “félin”) – son avatar sur Twitter était Selina Kyle aka Catwoman – en était le symbole.
Postant sur le site des articles sur les points chauds de l’activité des gangs (sous le pseudo Miut3), elle aurait, selon le fondateur du site contacté par le Daily Beast, “pu remuer ciel et terre pour aider quelqu’un”. Cet engagement pour le bien de la communauté (on lui attribue l’organisation d’oeuvres caritatives entre tout genre) fut la raison de sa mise à l’écart de Valor Por Tamaulipas. Et peut-être de sa chute.
Présente IRL, abandonnant son masque en s’engageant dans la vie associative locale, Felina n’était plus administrateur du site depuis quelque temps. Pour ses confrères, il en allait de la sécurité du projet. Néanmoins, elle assurait toujours son rôle de lanceuse d’alertes de son propre compte sous le mot-dièse #Reynosafollow. Et en assumait les conséquences.

Morte sur Twitter

Depuis le 8 octobre pourtant, la menace semblait plus forte. Ce jour-là, un tweet menaçait nominalement la journaliste ainsi que les contributeurs du magazine. “Nous sommes tout prochesécrivait-il.
16 octobre. Sur le compte de Felina – supprimé depuis – on trouve ça :

#reynosafollow : FRIENDS AND FAMILY, MY REAL NAME IS MARÌA ROSARIO DEL RUBIO. I AM A PHYSICIAN. TODAY MY LIFE HAS COME TO AN END.
#reynosafollow : Amis et famille, mon vrai nom est Maria Rosario del Rubio. Je suis médecin. Aujourd’hui ma vie a pris fin.