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Rétro shot : la bague-poison fait-elle encore des victimes ? Retour sur cette pièce de joaillerie

Rétro shot : la bague-poison fait-elle encore des victimes ? Retour sur cette pièce de joaillerie

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Par Allison Devillers

Publié le

Dans Rétro shot, chaque mois, on vous propose un retour vers le meilleur du passé ! Un petit voyage dans le temps, à la recherche des tendances, des fringues, des affiches d’avant… Aujourd’hui, retour sur l’histoire de la bague-poison : petits meurtres entre amis, technique de suicide ou délires de collectionneurs ?

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Incarnation du mal dans un bijou glam. Qui n’a jamais rêvé d’avoir une bague-poison pour supprimer un ex, la garce qui vous a piqué votre mec ou achever votre boss ? Un “précieux” qui est loin d’avoir fait le bien autour de lui…

Petit b.a.-ba technique

Commençons par le commencement, la bague-poison n’est pas une bague comme une autre. Sa forme d’apparence classique contient en fait une cachette ! Une spécificité qui permettait d’y glisser du poison tel que du mercure, de l’arsenic ou de la ciguë (plante toxique favorite des Athéniens).

Pire encore, certains modèles de bague étaient dotés d’une fine aiguille toxique qui mettait K.-O. n’importe qui dans d’atroces souffrances. Bref, un accessoire hors du commun qui fit les beaux jours de l’histoire de l’humanité.

Lord of the (poison) Rings

Même si ses origines sont troubles, sa rareté fait d’elle un objet très convoité par les collectionneurs. La période bénite (enfin, façon de parler) de la bague-poison remonte à la Renaissance mais son apparition dans les écrits date de la Grèce antique. Impossible de mettre la main sur son inventeur, normal, bon quel assassin digne de ce nom révélerait son identité ?

Vous l’aurez compris, il fut un temps où tout était prétexte à empoisonner. Jean-Jacques qui n’a pas fait la vaisselle, Cunégonde qui a piqué le mec de Gertrude, le roi qui veut asseoir sa toute-puissance, les mésalliances politiques et les trahisons sont tout autant de bonnes excuses pour dégainer sa bague-poison.

Une arme redoutable et discrète qui fut dans l’imagination collective, cataloguée par certains comme moyen utilisé par les faibles et les femmes. Certes les empoisonneuses ne sont pas un mythe mais en réalité l’histoire ne mentionne pas l’utilisation de la bague-poison pour faire succomber leurs victimes.

Les anecdotes croustillantes sur la bague-poison proviennent souvent des hommes ! Et surtout des hauts dignitaires. Ô combien ont fait appel à la poudre de perlimpinpin pour parvenir à leurs fins ? Tout était bon pour accéder au trône.

Une bonne technique pour se suicider

Plutôt que d’attendre son tour pour la pendaison, le bûcher ou la torture, d’autres utilisent la bague-poison pour mettre fin à leurs jours en toute tranquillité.

Comme nous le raconte Pierre Carlier dans son ouvrage consacré à Démostène, c’est cet orateur politique athénien qui ouvrit la voie au suicide avec sa bague en 322 av. J.-C. Exilé et battu par les Macédoniens, il préféra ouvrir et ingérer le poison de la bague que de se livrer à l’ennemi. Son sacrifice est la première trace notable de la bague-poison dans l’Histoire.

Dans la même lignée, le général carthaginois Hannibal (non Anthony Hopkins n’a rien à voir là-dedans) opta pour le suicide plutôt que la capture durant la Seconde guerre punique. Une bataille qui opposa Rome à Carthage dans sa quête des territoires en 183 av. J.-C.

Petits meurtres entre amis 

Malgré ces deux anecdotes historiques, la bague-poison était plus couramment utilisée pour éliminer un rival que pour la jouer suicidaire.

Et ce n’est pas César Borgia qui dira le contraire. Chérubin illégitime de Rodrigo Borgia devenu le pape Alexandre VI en 1492, père et fils ont fait de la Renaissance l’époque faste de cet accessoire, dégainant leurs bagues poison plus vite que leurs ombres.

Dans ce Vatican prospère et corrompu, ils n’hésitaient pas à faire appel à ce bijou pour éliminer cardinaux, hommes politiques, voire même un mari gênant (on soupçonne César d’être l’auteur du meurtre du mari de sa sœur). César en possédait une avec deux têtes de lions qui renfermait un aiguillon mortel. Il lui suffisait de tourner les têtes et de serrer vivement la main de sa victime pour en finir avec elle. Simple comme bonjour !

Mais la particularité de ce drôle de duo, c’est qu’il maîtrisait le contenu et le contenant. On leur doit aussi la création de ce cocktail fatal “La Cantarella” ou “sucre de plomb”, un mix de poisons à base d’arsenic, de phosphore et d’acétate de plomb. Dans son livre La Rome des Borgia, Apollinaire va jusqu’à faire un “Big up” à la famille en rebaptisant la Cantarella la “recette Borgia”.

De la haine à l’amour, il n’y a qu’un pas. Un précepte dont Mata Hari, l’espionne aux charmes redoutables, a su tirer parti. De son vrai nom Margaretha Zelle, elle s’invente un passé merveilleux et devient la danseuse orientale du tout Paris à l’aube du XXème siècle. Elle se fait approcher par les services secrets allemands et troque les danses de Java pour devenir l’agent espion “H21”.

Sa technique de persuasion pour soutirer des informations est à la hauteur de sa réputation sulfureuse, légende selon laquelle elle cachait des aphrodisiaques dans sa bague. Dès que sa cible avait le dos tourné, elle versait sa poudre dans le verre pour qu’une fois épris d’amour, il lui dévoile tout.

Mais elle ne semble pas la seule à faire appel à la bague-poison pour obtenir gain de cause. Le FSB (les services de renseignements intérieurs russes), prédécesseur du KGB a longtemps eu la réputation d’avoir un tantinet usé et abusé de l’astuce de la bague poison. Sauf que contrairement à Mata Hari, il n’y allait pas par quatre chemins et préférait tuer leurs opposants au Kremlin. Un épisode parmi tant d’autres, qui fait écho à l’ouvrage de Boris Volodarsky, un ancien officier des renseignements russes dans The KGB’s poison factory, où il dépeint les opérations d’empoisonnement qui ont débuté sous Lénine.

Les autres utilisations de la bague-poison

À l’instar de Sherlock Holmes qui troquait le poison par de la cocaïne pour tromper l’ennui, cet accessoire mystique vogue à d’autres utilisations. La bague à compartiments possède sur le même principe que sa voisine, une cachette afin d’y déposer du parfum solide, des gravures miniatures voire un message d’amour.

Un bijou qui fit les grandes heures de l’époque victorienne, avec la plus célèbre des bagues, celle à compartiments de la reine Elizabeth I. Un anneau en or incrusté de rubis, de diamants et d’une perle de culture sur lequel repose un chaton dissimulant à l’intérieur le portrait de sa mère Anne Boleyn. Sa défunte maman qui perdit l’amour du Roi Henri VIII d’Angleterre et sa tête par la même occasion durant le règne des Tudors.

Jusque dans le deuil, la bague accompagne le souvenir du défunt. Des bijoux appelés “Mourning Rings” (bagues du deuil). La bague est une commémoration d’un proche défunt. Certaines contiennent même des cheveux tissés en mémoire de l’être disparu. Glamour, quand tu nous tiens !

Une bague qui affole les collectionneurs

Son utilisation s’amenuise au cours de l’Histoire mais l’imagerie autour de la bague-poison continue de susciter le mystère. Une arme de pouvoir qui sait jouer de son esthétisme pour berner l’ennemi. Même si sa période de gloire s’étant de l’Antiquité à la Renaissance, l’avènement du mouvement grunge dans les années 1990 lui redonne un second souffle.

Un constat qui se répercute aujourd’hui sur son prix, les sommes variant du tout au tout, passant du “ruby ‘smartie poison’ ring” de Solange Azagury-Partridge estimé entre 4800 et 7000 euros à une réplique made in Taïwan à portée de clic.

Sur le terrain des enchères, les ventes se font rares mais les catalogues des maisons recèlent de bagues poison de temps à autre. Monica McLaughlin, historienne de bijoux confie dans une interview pour Collectors Weekly, sa daily routine de dénicheuse de bagues. Elle fouine quotidiennement sur des sites connus comme Sotheby’s, Freeman’s, Skinner, Bonhams, Doyle ou encore Ruby Lane, le paradis du vintage version abordable. Énigmatique et fantasmagorique, la bague-poison déclenche toujours autant d’émoi.

Pop culture et bague-poison

Mais que diable faire d’une bague-poison de nos jours ? La pop culture a tenté de faire revivre la fameuse bague. On se souvient du clip de “Paparazzi” où Lady Gaga n’hésite pas à dégainer sa bague poison pour faire clamser son mec en une gorgée. La bague poison fut même la star d’un épisode de l’émission de télé-réalité Pawn Stars, les “gros bras-bikers” de la vente aux enchères.

Bien qu’il ne soit plus d’actu d’y placer du cyanure, la bague-poison est écolo puisque recyclable. Comme le site Mashable le démontre parfaitement, cette bague a plus d’un tour dans sa boîte. Un poil de moustache en souvenir de feu votre chat Rillette, une mèche de votre cher et tendre, un réservoir à tic-tac ou pourquoi pas la photo de votre boyfriend goal. On trouve même des déclinaisons de bague-poison en bague-parfum ou bague-pommade (comme la fragrance “Daisy” de Marc Jacobs ici en format bague). Même s’il est rare d’en posséder une d’époque, rien ne vous empêche d’acquérir une bague-poison neuve ou d’occasion sur le site Etsy, le nirvana des bonnes trouvailles. Alors qui sera votre prochaine victime ?

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