Qui est Robert Bourgi, celui qui serait le “généreux ami” de François Fillon ?

Qui est Robert Bourgi, celui qui serait le “généreux ami” de François Fillon ?

photo de profil

Par Astrid Van Laer

Publié le

Les rebondissements dans l’affaire Fillon n’en finissent plus. On apprenait le 11 mars que le candidat des Républicains à la présidentielle s’était fait offrir, par un “généreux ami”, des vêtements sur mesure pour un montant total de 48 500 euros. Le 17 mars, son identité a été révélée : il s’agirait de l’avocat très controversé Robert Bourgi.

À voir aussi sur Konbini

Chargement du twitt...

L’affaire des costumes de François Fillon, révélée par le Journal du Dimanche, prend un nouveau tournant. Le 11 mars, on avait appris que ce dernier s’était fait offrir des vêtements provenant d’un chic magasin du 7e arrondissement parisien, Arnys. Il s’agiraient de deux vestes forestières, un blazer, deux pantalons et deux pulls en cachemireainsi que deux costumes faits sur mesure commandés le 7 décembre 2016 – quelques jours après sa victoire à la primaire de la droite et du centre. Au total, cela représente près de 48 500 euros, réglés par un“ami” de François Fillon.

Interrogé à ce sujet lors d’un entretien accordé aux Échos, le candidat avait répondu “Et alors?”, balayant d’un revers de la main tout lien entre ces cadeaux et la politique. Le déontologue de l’Assemblée nationale avait été saisi, comme le veut la loi, pour “tout don ou avantage d’une valeur supérieure à 150 euros” dont a bénéficié un député en lien avec son mandat, comme le rappelle Le Monde.

Même si l’identité du mystérieux mécène n’avait pas pu être confirmée, le nom de l’avocat Robert Bourgi circulait depuis quelques jours. Anonymement, il avait déclaré au JDD“J’ai payé à la demande de François Fillon. Et sans avoir le moindre remerciement depuis.” Cependant, Le Monde a annoncé vendredi 17 mars disposer d’éléments probants permettant de certifier son implication dans cette affaire. Des documents permettraient d’affirmer que ce dernier aurait commandé et réglé les coûteux costumes.

“J’avais un gros sac de sport contenant l’argent et qui me faisait mal au dos tellement il était lourd”

Robert Bourgi est ce que l’on appelle communément un homme de l’ombre. Artisan des relations franco-africaines depuis de nombreuses années, il dispose d’un lien particulier avec l’Afrique. Ce français d’origine libanaise est né au Sénégal et est très proche de dirigeants comme feu Omar Bongo (président du Gabon pendant plus de 40 ans, jusqu’à son décès en 2009). Il appelait ce dernier “papa” et est le parrain de l’un de ses fils.

Selon les journalistes du Monde Raphaëlle Bacqué et Philippe Bernard, qui ont réalisé son portrait en août 2009, il n’aurait d’avocat que le titre. En effet, ce dernier leur aurait confié : “C’est ma femme, Catherine, qui traite les dossiers et plaide. Moi, j’apporte les affaires. D’ailleurs, je n’ai passé la robe que le jour de ma prestation de serment.” C’est son carnet d’adresses qui lui a permis de monter un véritable business de relations extra-diplomatiques. On appelle cette relation entre la France et les pays d’Afrique “Françafrique”. Ce terme désigne notamment les arrangements financiers douteux qui peuvent survenir lors de discussions diplomatiques, ainsi que l’ingérence française dans les affaires de ce continent.

Proche de Nicolas Sarkozy, l’avocat a également travaillé avec Dominique de Villepin, Jacques Chirac et bien d’autres personnalités de tous bords politiques – du Parti socialiste au Front national. Aux journalistes du Monde, il avait déclaré : “Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l’électeur le comprendra.” À plusieurs reprises, Robert Bourgi a dénoncé les financements occultes en provenance d’Afrique dont ont bénéficié des tas de ténors de la vie politique française, comme lors de son interview par Ruth Elkrief sur BFMTV en septembre 2011 :

Son portrait dans Le Monde abonde dans le même sens :

“Son rôle auprès de Nicolas Sarkozy ? ‘Du trafic d’influence’, pestent les diplomates qui assurent qu’il crée de faux conflits entre la France et les chefs d’État africains afin de monnayer sa capacité à les réconcilier. ‘Je travaille à la fois pour les présidents africains et pour le président français, explique-t-il tranquillement. Je ne suis pas conseiller, plutôt missi dominici. Mais je ne me déplace jamais sans informer Sarko et Guéant.”

Dans un entretien accordé au journaliste Laurent Valdiguié du Journal du Dimanche, en septembre 2011, il est revenu sur son parcours. Peu après la mort de son ami et mentor Jacques Foccart, qu’il qualifie de “maître”, il aurait rencontré MM. Chirac et Villepin :

“En mars 1997, le jour de l’enterrement de mon maître, Jacques Foccart, Dominique de Villepin m’appelle et me dit qu’il m’attend le soir même dans son bureau. Ce soir-là, à l’Élysée, il y a Jacques Chirac. Le président me demande de reprendre le flambeau avec Villepin… Et souhaite que je l’initie à ce que nous faisions avec le ‘Doyen’, comme j’appelais Foccart. Pendant 30 ans, Jacques Foccart a été en charge, entre autres choses, des transferts de fonds entre les chefs d’État africains et Jacques Chirac. Moi-même, j’ai participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris.”

Robert Bourgi évoque des sommes allant à chaque fois de 5 à 15 millions de francs. À la question “À combien évaluez-vous les remises d’argent de Foccart venant d’Afrique ?”, Robert Bourgi répond : “Incalculable ! À ma connaissance, il n’y avait pas de comptabilité. Plusieurs dizaines de millions de francs par an. Davantage pendant les périodes électorales.”

Dans la suite de l’interview, il décrit un processus extrêmement bien rodé :

“À l’approche de la campagne présidentielle de 2002, Villepin m’a carrément demandé ‘la marche à suivre’. Il s’est même inquiété. C’est sa nature d’être méfiant. Je devais me présenter à l’Élysée sous le nom de ‘M. Chambertin’, une de ses trouvailles. Pas question de laisser de traces de mon nom. Par mon intermédiaire, et dans son bureau, cinq chefs d’État africains –Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Denis Sassou Nguesso(Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) – ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002.”

Au vu du portrait de Robert Bourgi, on comprend qu’il serait assez rare que ce dernier fasse quelque chose gratuitement. Le fait que son nom apparaisse dans “l’affaire Fillon” est de mauvaise augure pour le candidat, déjà acculé par de nombreux scandales. Le 16 mars, Marianne révélait que les juges chargés d’instruire le dossier du candidat avaient ajouté à la liste de leurs soupçons celui de trafic d’influence. À suivre.