Le prix Nobel de physique 2016 explique sa découverte avec un bretzel

Le prix Nobel de physique 2016 explique sa découverte avec un bretzel

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Par Thibault Prévost

Publié le

Le Nobel de physique a été attribué à trois chercheurs britanniques pour leurs travaux sur les transitions d’états de matière. Complexe ? Pas avec un bretzel.

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On attendait les équipes du LIGO, qui avaient probablement mis leur plus beau costard pour aller chercher un Nobel presque assuré après leur observation des ondes gravitationnelles en février dernier, mais on aura eu trois Anglais à la place. Près de trente ans après la publication de leurs résultats, David Thouless, F. Duncan Haldane et J. Michael Kosterlitz ont obtenu le prix Nobel de physique pour leurs “découvertes théoriques des transitions de phases topologiques et des phases topologiques de la matière”. Moins sexy que les ondes gravitationnelles, mais tout aussi essentiel pour le progrès scientifique.

Pour ne pas endormir le parterre de journalistes qui n’avait peut-être pas compris que la découverte du LIGO était intervenue trop tard pour postuler au Nobel, le comité suédois a envoyé un de ses membres, le physicien Thors Hans Hansson, avec la délicate mission d’expliquer le sujet récompensé. Sans se démonter, ce dernier a tranquillement sorti “son petit-déjeuner”, composé d’un bretzel, d’un bagel et d’une pâtisserie suédoise appelée Kanelbulle. Le reste est déjà entré dans la légende de la vulgarisation scientifique.

Trous de mémoire

Prenons donc ces pâtisseries et examinons-les. Un bagel possède un trou central, un bretzel deux trous, un Kanelbulle n’en possède pas. La topologie, sujet de l’étude des trois chercheurs, tente d’évaluer quelles propriétés de l’espace restent invariables lorsqu’elles sont déformées sans que l’ensemble ne soit brisé. Tordez un bagel, il garde son trou ; cassez-le, il n’en a plus aucun. Jamais vous ne pourrez vous retrouver avec un quart de trou : soit il y en a un, soit il n’y en a pas, mais la progression ne se fait que par nombre entiers. Ça suit, derrière ? Très bien.

Pour la matière, c’est pareil : lorsqu’elle change d’état, comme du solide au liquide (la fusion) ou du liquide au solide (solidification), certaines propriétés ne changent que par paliers, comme la conductivité électrique. Les travaux des trois chercheurs se sont focalisés sur des “états étranges” de matière, notamment lorsque celle-ci est portée à une température proche du zéro absolu (-273°C), où se produit alors la supraconductivité. La matière conduit alors l’électricité sans résistance et émet un champ magnétique — si vous pensez à l’hoverboard de Lexus, vous suivez très bien, bravo.

En utilisant une approche topologique, le trio a prouvé que ces changements de matière — d’apparence incompréhensibles — obéissaient à des lois et étaient donc prévisibles. À partir de là, il devenait possible d’envisager de nouveaux types de matériaux, appelés “isolants topologiques“, qui permettent notamment de ne conduire l’électricité qu’à leur surface. Aujourd’hui, les matériaux supraconducteurs commencent enfin à voir le jour et sont largement considérés comme l’avenir de l’électronique. L’un d’entre eux, le stanène, remplacera probablement bientôt le cuivre dans les puces électroniques avec une efficacité décuplée, comme l’explique Vox, tandis que le graphène porte sur sa minuscule surface les espoirs de toute la science informatique. Les ondes gravitationnelles peuvent bien attendre un an de plus.