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Pourquoi 2017 doit marquer l’avènement de la déconsommation

Pourquoi 2017 doit marquer l’avènement de la déconsommation

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Par Jeanne Pouget

Publié le

Fini l’esprit des Trente Glorieuses, pour lequel la consommation de masse est le passage obligé de tout ménage heureux et accompli. Voici pourquoi notre génération doit entamer dès maintenant un grand mouvement de déconsommation. 

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Parler de déconsommation ne veut pas dire arrêter de consommer ou d’acheter quoi que ce soit, ni de vivre comme un ermite en mangeant un vieux rat cuit sur un feu allumé à l’aide de deux silex. S’engager sur la voie de la déconsommation c’est d’abord réfléchir à sa consommation et la limiter intelligemment, en faveur d’un mode de vie toujours aussi confortable mais plus durable.

Plusieurs mouvements théorisent les principes du consommer mieux. C’est le cas par exemple de la philosophie de la sobriété heureuse, popularisée par Pierre Rabhi en France, mais aussi du mouvement minimaliste, ou encore de ce que les experts commencent à nommer “l’éconologie” ou l’économie de l’écologie. D’ailleurs, nous vous parlions récemment sur Konbini de la vague de déconsommation que commencent à observer les experts en France. Il semblerait donc qu’une prise de conscience commence à porter petit à petit ses fruits. En tant que jeune de la génération Y, cela me réjouit. Et voici pourquoi.

Une génération plus sobre ?

Quand j’étais adolescente, j’étais fascinée par la publicité et j’avais envie de posséder plein de trucs. J’avais envie de tout tester et je pouvais passer une demi-heure (avec plaisir) au supermarché pour choisir un simple gel douche, en comparant les packagings, les odeurs, les couleurs… J’adorais le marketing, que je considérais comme un service rendu au client plutôt qu’un asservissement du consommateur. Aujourd’hui je me lave avec des savonnettes vendues dans des emballages en carton (voire sans emballage). Et devinez quoi ? Je suis toujours aussi propre, juste un peu plus radicale dans mes achats.

L’histoire du savon n’est qu’un exemple parmi des centaines, mais c’est celui qui illustre le plus ma métamorphose de consommatrice fascinée (et réjouie) en une citoyenne soûlée. Soûlée de voir des rayons remplis à craquer de produits similaires vendus à des prix différents et toujours dans des emballages qui finiront par s’entasser on ne sait où sur Terre.

Beaucoup d’entre nous deviennent végétariens, s’habillent avec des fripes, achètent d’occasion ou se déplacent à vélo. J’ai même rencontré plusieurs personnes qui ont arrêté de voyager en avion, soit en choisissant d’aller moins loin, soit en choisissant d’y arriver moins vite. La culture de la déconsommation va aussi avec une culture du ralentissement : prendre son temps, pratiquer l’échange et le troc. Un peu à contre-courant de l’injonction de la société moderne, où même le wifi arrive dans les avions (même dans le ciel on ne peut plus quitter la Terre).

Analyser sa consommation

En fait, je trouve que l’on a été éduqués à trop consommer. Combien de paires de baskets, de jeans et de sacs avons-nous achetés ? Mais aussi de bouteilles d’eau jetées cinq minutes après leur achat ? Idem avec les cafés à emporter dont l’emballage finira 10 minutes plus tard dans une poubelle, pas recyclé. Sans oublier la bouffe en livraison ou à emporter dans des emballages en plastique qui finissent à la poubelle après le déj’, ou encore des objets divers commandés sur Internet. Et cela multiplié par des millions de personnes chaque jour.

En fait, ce qui m’ennuie ce n’est pas tant la consommation que ce qu’elle implique. Des emballages, des déchets, de la pollution, du gaspillage, voire de la souffrance humaine (coucou l’industrie de la fast fashion) et animale (aussi bien pour l’agro-alimentaire que le textile). Je ne dis pas qu’il faille n’avoir qu’un pantalon, qu’une seule paire de chaussures, être 100 % végan, ne jamais se faire de plateau télé peinard et arrêter de voyager. Néanmoins, notre propension à être des imbéciles heureux “parce que c’est pratique” ou “parce que c’est pas cher” m’insupporte de plus en plus. Cette flemme d’acheter une gourde ou une cup ou un sac réutilisable, cette flemme de prendre le temps de se faire à manger et de diminuer sa consommation de viande, ou encore le fait d’acheter un énième T-shirt à 5 euros en soldes parce que c’est pas cher, ou alors celui de commander un truc sur Internet quand il se trouve dans un magasin à portée de main.

La société de consommation et la technologie 2.0 ont fait de nous des flemmards gâtés qui peuvent tout avoir en un clic et donc des consommateurs un peu aveugles. Or il n’y a pas besoin d’être un grand militant pour savoir que notre façon de consommer chaque chose au quotidien a un impact direct sur la planète et donc sur tous ceux qui y vivent. Aussi je suis heureuse de constater que le vent tourne et que nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience de l’impact de notre empreinte à l’échelle de la planète.

Consommer c’est voter

À l’heure où l’on parle beaucoup de la crise de l’engagement, j’ai l’impression de m’engager davantage au quotidien dans ma façon d’être au monde, d’interagir avec les gens, mais aussi de consommer (même si, personnellement, je vote aux élections). Mon point de vue est qu’il est difficile de critiquer une société qui part à vau-l’eau, tout en finançant implicitement ce qui nous débecte avec l’argent que nous avons gagné en travaillant. Cela revient pour moi à être un pantin qui se plaindrait d’être un pantin.

Or nous avons une arme immense : celle de décider de l’usage de notre argent. Je pense que c’est un bon moyen pour commencer à se responsabiliser : systématiquement réfléchir aux conséquences de nos achats et essayer de faire au mieux. Moralisateur et culpabilisant ? Je répondrais simplement “réaliste”. Chacun est libre ensuite de choisir son champ d’action et de le promouvoir – parce que l’on ne peut pas tous être des végans ne possédant qu’un seul pantalon acheté en fripe et allant en Chine à vélo (je rigole, mais j’ai en tête des amis qui m’inspirent cette description, comme quoi tout est possible).

Pour résumer, j’ai la sensation que nous sommes arrivés au bout de l’ère de la surconsommation et que nous commençons à en voir (enfin) les limites. Nous commençons à agir en fonction de nos modèles et de nos valeurs et cette dynamique positive me donne énormément d’espoir. Quand je m’engueule avec ma mère qui m’a acheté une énième crème dont je n’ai pas besoin alors qu’il y a plusieurs années je m’en serais réjouie, je me dis que notre génération a bien évolué sans même s’en rendre compte. J’ai hâte de voir quelle influence politique ce genre de mouvement peut avoir et quel impact il en ressortira dans les années à venir.

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