Par peur de Trump, les climatologues américains tentent de sauver leurs données

Par peur de Trump, les climatologues américains tentent de sauver leurs données

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Crédit: shinobu sugiyama/ FLickrCC

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Par Thibault Prévost

Publié le

Inquiets de voir des décennies de données climatiques disparaître, les chercheurs américains transfèrent leurs travaux sur des serveurs indépendants.

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C’est probablement du jamais vu dans l’histoire de la recherche scientifique aux États-Unis : selon le Washington Post, les climatologues américains sont en train de copier “frénétiquement” des décennies de données climatiques pour les transférer sur des serveurs indépendants, par peur de la réaction de l’administration Trump lors de son accession officielle au pouvoir le 20 janvier prochain. Une mesure préventive hallucinante, qui résume l’atmosphère délétère qui domine dans les relations entre le milieu scientifique et le futur gouvernement américain.

Pour se prémunir contre toute tentative d’ingérence de la Maison-Blanche, les chercheurs sont donc en train de procéder à une grosse opération “d’archivage de guérilla” à l’université de Toronto (au Canada), parallèlement à la création d’un portail de secours, Climate Mirror, qui recense toutes les bases de données transférées et les autres sites de rechange mis en place. “Ça ne peut être qu’une bonne chose à faire”, explique Nick Santos, climatologue et créateur du site. Espérons qu’ils ne touchent à rien. Mais si ce n’est pas le cas, on sera préparés.” Lancé ce week-end par un tweet du journaliste et météorologue Eric Holthaus, le mouvement a pris une ampleur inattendue, à la hauteur des craintes que suscite Trump dans la communauté scientifique.

Climatoscepticisme et chasse aux sorcières

En même temps, à la place des climatologues américains, on serait probablement en train d’assurer nos arrières pour éviter de voir disparaître un demi-siècle de relevés de fonte des glaces, d’évolution des taux de monoxyde de carbone dans l’atmosphère, d’extinction des populations animales ou d’acidification des océans. Le mandat de Trump risque de voir la recherche environnementale passer un sale quart d’heure : le président, qui maintient que le réchauffement climatique est un canular inventé par les Chinois pour foutre en l’air l’économie américaine, a nommé deux autres climatosceptiques (Rick Perry et Scott Pruitt) à la tête du département de l’Énergie et de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), faisant de son administration une dream team de lobbyistes de l’industrie pétrolière (sans oublier son futur secrétaire d’État, chargé des affaires internationales, qui n’est autre que… le PDG d’ExxonMobil). Oh, et la Nasa devrait certainement voir disparaître ses programmes d’étude du réchauffement climatique, un domaine de recherche “trop politisé” pour Trump.

Ces derniers jours, l’équipe de transition de Trump semble avoir un peu plus clarifié ses intentions quant à la future politique environnementale du pays : un questionnaire envoyé par l’équipe du futur président au département de l’Énergie (DOE), et publié par le New York Times, semble prévoir des coupures de budget et pencher en faveur du nucléaire et des énergies fossiles. Mieux : le questionnaire demandait expressément au DOE de nommer les employés ayant pris part à la politique de transition énergétique de l’administration Obama. Face à la perspective d’une chasse aux sorcières, le DOE a tout bonnement refusé de transmettre les noms. Dans ces conditions, on comprend mieux cette soudaine urgence à transférer le résultat de décennies de recherche environnementale.