Peaches Geldof : vie et mort à travers les médias

Peaches Geldof : vie et mort à travers les médias

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Par Théo Chapuis

Publié le

1/ Une mannequin journaliste

Connue chez nous comme icône de mode, Le Parisien décrit Peaches Geldof dans sa nécrologie comme une “fashionista”, “it-girl” dès l’âge de 15 ans et chroniqueuse au magazine Elle UK dès l’adolescence. 20 Minutes insiste aussi sur la place médiatique de la jeune femme, rappelant dès son titre les métiers de “mannequin”, mais aussi de “journaliste” qu’elle a pu exercer.
Le journal gratuit évoque évidemment le souvenir de sa mère, Paula Yates, fameuse présentatrice télé outre-Manche, morte elle aussi dans des conditions tragiques. La star du petit écran était décédée en septembre 2000 d’une overdose alors que sa fille, également présentatrice d’une émission, sur la chaîne ITV2, était seulement âgée de 11 ans.

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2/ Une éternelle “fille de”

Si la France la connaît comme une inspiratrice mode, d’autres quotidiens, tels Le Monde ou encore Libération, font le lien dès leur titraille avec son père, le chanteur Bob Geldof. “Mort à 25 ans de Peaches Geldof, fille de Bob Geldof”, annonce le journal du soir, qui la réduit dans son en-tête à sa condition de “fille de” et rappelle surtout que sa mort, “inexpliquée”, laisse deux orphelins, un mari et un ancien chanteur populaire britannique “au-delà de la tristesse”, ou encore “inconsolable”, comme a choisi de traduire Libération.
Le journal de gauche parle effectivement d’une présentatrice “blonde et diaphane”, “très présente sur les réseaux sociaux”. C’est finalement une coïncidence troublante que tous les organes de presse auront relevé : le dernier tweet depuis son compte @peaches_g, (“260.000 followers”) posté dimanche à l’heure du déjeuner, dirige vers son compte Instagram.
Le lien rend compte d’une reproduction d’une vieille photographie la montrant elle et sa mère, visiblement au tout début des années 90. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le cliché a été “liké” plus de 22 500 fois.

3/ Une “malédiction familiale”

L’histoire de Peaches Geldof est triste. Tellement, en fait, qu’elle est de celles dont on fait les mauvais romans. Son passif d’enfant-star, ses frasques d’ado turbulente, sa mère décédée d’une overdose…
Ajoutons que sa mère était mariée, après Bob Geldof, à Michael Hutchence, le chanteur d’INXS également disparu de façon tragique. Retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel en 1997, le légiste retrouve des traces d’alcool et d’antidépresseurs dans le sang du frontman qui a chanté “Original Sin”. Certains titres de presse people n’hésitent pas à invoquer une “malédiction familiale”, comme Staragora.com, le site du magazine Cosmopolitan.
Bob Geldof, le père de Peaches, est un chanteur très populaire de l’autre côté de la la Manche. Chez nous, il est célèbre pour avoir organisé le fameux Band Aid, single de charité qui a donné lieu à la grand-messe rock humanitaire qu’a été le Live Aid, entre 1984 et 1985.
Parmi les célébrités qui y ont participé, on compte Bono, George Michael, Simon Le Bon (le chanteur de Duran Duran), Sting, David Bowie, Paul McCartney et Phil Collins… pour n’en citer que quelques-uns. Pour l’anecdote, c’est son initiative qui donnera l’idée à Lionel Ritchie et Michael Jackson d’écrire le tube caritatif “We Are The World”.
Dans une interview, Bob Geldof parle de la mort de sa mère, survenue lorsqu’il avait sept ans, comme de “l’expérience la plus formatrice de sa vie”.
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4/ Une mort inexpliquée

En Angleterre, c’est par le compte Twitter de la BBC que les sujets de sa majesté ont appris la disparition de la journaliste. The Independant, dans son article, dévie peu d’une dépêche qu’on peut lire dans nos contrées de froggies et rappelle en quelques paragraphes les jalons de la carrière de la jeune femme. Cependant, le dernier paragraphe fait mention de ses “expérimentations avec la drogue et l’alcool”, tout en tempérant qu’elle-même se disait modérée.
Le souverain Guardian, dans un portrait paru dès hier soir, évite l’exercice de la nécrologie pure et simple pour livrer un portrait plus coloré. La plume de Hadley Freeman parle d’une jeune femme “qui semblait vivre une vie mouvementée, les yeux cernés, d’une fête à l’autre, d’un projet de télé-réalité à un autre, constamment suivie par une meute de paparazzi”.
Peaches Geldof, morte subitement et sans que l’on en sache la cause dans sa maison du Kent, laisse l’éditorialiste du Guardian rappeler qu’on la retrouvait souvent dans les tabloids, aux côtés des frasques d’Amy Winehouse et de Pete Doherty.
En somme, la journaliste dépeint une cible facile pour les médias de son vivant, et une proie encore plus vulnérable depuis sa mort :

Elle a été une autre de ces jeunes stars hors de contrôle dont les paparazzi ont essayé de capturer autant d’auto-destruction que possible. Avec le nom évocateur de son papa de rockeur, elle était sur le point de donner ce cliché de “fille de” grossière et cliché, l’ombre de la mort par overdose de drogue de sa mère en filigrane.

5/ Une rédemption sous le signe de l’échec

Mais les bitures flashées par les paparazzi, les vidéos indiscrètes où elle achetait de la drogue à des dealers de stars, tout ça, juré, craché, c’était terminé depuis 2012 et la naissance d’Astala, son premier fils. “La minute où j’ai tenu Astala dans mes bras, c’est comme si la partie manquante de ma vie était enfin mise à la bonne place ; j’ai commencé à me guérir”.
Avec la naissance de son deuxième fils, elle est devenue, aux yeux du journal britannique, une “hippyish devoted mother”, soit une sorte de mère poule bobo, leader d’opinion sur des questions triviales telles que la mode ou les tendances, mais aussi sur des questions de société. Plus attentive au monde qui l’entourait, elle écrivait alors des tribunes, dont l’une, en faveur du mariage gay, avait été publiée dans les colonnes de l’Independant le 9 octobre 2012.
Si son destin tragique choque autant les Britanniques, c’est parce que la jeune femme en était arrivée à cette sorte de rédemption, ayant acquis une certaine légitimité, même si elle restait attachée fortement à l’histoire tragique de la mort de sa mère d’une part, et au nom de son père d’autre part.
C’est ainsi que s’achève le portrait de la jeune femme de 25 ans écrit par Hadley Freeman :

Pour le public qui la connaissait depuis sa naissance, son histoire allait finalement avoir une fin heureuse, ce genre de chemin qui a pu sembler si inaccessible par le passé pour elle. Mais il est parfois difficile de dévier de certains destins.

Pour son père, apparemment dévasté par la peine, “c’était la plus sauvage, la plus rigolote, la plus intelligente d’entre nous”. On lui laisse ces derniers mots, écrits voilà des années pour son groupe The Boomtown Rats, pour d’autres circonstances. Aujourd’hui, ce refrain convient pourtant parfaitement au décès de sa fille.

Tell me why? I don’t like Mondays. I want to shoot The whole day down.

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