Dans les dessins animés Disney, les femmes ont moins droit à la parole

Dans les dessins animés Disney, les femmes ont moins droit à la parole

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Par Juliette Geenens

Publié le

Selon une étude menée par deux linguistes, publiée par le Washington Post, le temps de parole entre personnages féminins et masculins dans les dessins animés Disney n’est pas réparti de façon équitable. 

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Même dans les dessins animés où le personnage principal est une princesse (une femme donc), ce sont les hommes qui monopolisent la conversation. C’est une étude menée par deux chercheuses en linguistique, Carmen Fought et Karen Eisenhauer, qui le prouve. Publiée dans le Washington Post, lundi 25 janvier, l’enquête se focalise sur douze films Disney. Premier bilan : en moyenne, aujourd’hui, les personnages féminins ne représentent qu’un quart du temps de parole.

Les deux chercheuses en linguistique ont classés les différents dessins animés dans trois grandes périodes : il y a l’époque dite “classique” (comme Blanche-Neige), la “Renaissance” (avec La Petite Sirène ou La Belle et la Bête), puis la “Nouvelle Époque” (avec La Reine des Neiges ou Raiponce). On a tendance à reprocher la passivité des princesses de l’ère classique, mais l’étude révèle que lorsque le monde découvre Ariel (La Petite Sirène) en 1989 – soit trente ans après La Belle au bois dormant –, la parole est presque exclusivement réservée aux personnages masculins. Certes, Ariel se retrouve muette durant la moitié de l’intrigue, mais les deux linguistes notent à partir de 1989 une baisse flagrante du temps de parole des personnages féminins de Disney.

L’exemple le plus éloquent est celui de La Reine des Neiges sorti en 2013. Les hommes s’expriment deux fois plus que les femmes (plus de 59 % des répliques leur sont attribuées) alors que Disney se targuait d’avoir au centre de l’intrigue, avec les sœurs Elsa et Anna, deux héroïnes plus indépendantes que ses princesses du passé.

Ainsi, dans certains dessins animés de l’ère classique, les personnages féminins s’expriment bien plus que dans ceux des années 1990. Ces années sont pourtant censées être une époque révolutionnaire pour Disney avec l’arrivée de Belle, jeune fille érudite qui ne cherche pas à se marier, ou de Mulan, la combattante qui veut sauver l’honneur de son père.

“Nous sommes habitués à penser que les hommes sont la norme”

Dans l’article du Washington Post, Carmen Fought et Karen Eisenhauer expliquent d’abord ce phénomène par la supériorité numérique des hommes dans les intrigues. Selon Eisenhauer, c’est avant tout un problème de standard :

“À mon avis, il s’agit de négligence, parce que nous sommes trop habitués à penser que les hommes sont la norme. Donc quand on souhaite ajouter un commerçant, ce commerçant est homme. Ou ajouter un garde, ce garde est un homme. Je pense juste que c’est enraciné dans notre culture.”

Carmen Fought voit aussi un souci dans l’attribution des tâches :

“Il n’y a qu’une seule princesse isolée qui essaie de trouver quelqu’un avec qui se marier, mais il n’y a pas de femmes qui font d’autres choses. Il n’y a pas de femmes qui emmènent les villageois attaquer la Bête, pas de femmes qui trinquent à la taverne toutes ensemble en chantant des chansons d’ivrognes, pas de femmes qui donnent des ordres aux autres, ou qui inventent des choses. Tout ceux qui font autre chose que trouver un mari dans le film, sont des hommes.”

Exceptée la figure féminine positionnée en héroïne de l’histoire, le reste des protagonistes sont majoritairement du sexe opposé : les rôles qui font office d’élément comique ou utile aux péripéties sont, par défaut, donnés au sexe masculin.

L’autre observation particulièrement alarmante réside dans le sens des mots prononcés dans les dessins animés. Pendant l’ère classique, les princesses et autres personnages féminins se voient plus souvent complimentés pour leur apparence, que pour leurs exploits. C’est à peine si Disney ne murmurait pas aux jeunes filles : “Sois-belle et tais-toi.” Heureusement, la tendance s’inverse depuis la “Nouvelle Époque”, avec l’introduction de jeunes princesses plus rebelles et plus autonomes comme Mérida, dans Rebelle, ou Raiponce : 40 % des compliments faits aux filles sont en rapport avec leur compétences contre 11 % à l’époque de Blanche-Neige.