Ce qu’il fallait retenir de la Fashion Week Homme de Paris

Ce qu’il fallait retenir de la Fashion Week Homme de Paris

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Par Naomi Clément

Publié le

Du 20 au 24 janvier, Paris est devenu, après Londres et Milan, le temple du vêtement pour homme. Un temple coloré, brillant et souvent transgenre, qui faisait la part belle à la diversité masculine. Nous vous parlons des cinq créateurs qui nous ont fascinés.

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Un temps tapies dans l’ombre de leurs homologues féminins, plus extravagantes et moins traditionnelles, les collections masculines sont depuis quelques années sous le feu ardent des projecteurs. Et pour cause : les créateurs de vêtements pour homme semblent avoir outrepassé les codes longtemps attachés à cette branche, y compris ceux du genre. “Le design des vêtements pour hommes sont guidés par la tradition, l’authenticité et le détail, mais nous observons de plus en plus de designers puisant leur inspiration dans l’approche plus abstraite des vêtements pour femme“, analysait l’auteur Robert Leach dans un article du Telegraph en 2013.

Aujourd’hui, les limites entre modes féminine et masculine se confondent aisément, et les créateurs pour hommes ne cessent de se réinventer, brouillant les pistes, multipliant les inspirations, osant avec force et élégance. Un renouveau flamboyant qui s’est une fois de plus observé depuis les front rows de cette Fashion Week parisienne, qui présentait du 20 au 24 janvier les collections masculines pour l’automne-hiver 2016-2017.

Des grandes maisons de luxe françaises aux labels étrangers en passant par quelques défilés plus confidentiels, voici les cinq créateurs qui nous ont fait rêver.

Le message de tolérance de Kenzo

Kenzo nous a depuis longtemps habitués à des événements surprenants, tout en grandeur. Souvenez-vous du défilé pour la collection femme printemps-été 2014 à la cité du Cinéma, à la Plaine Saint-Denis, qui avait convié le petit monde de la mode à se déplacer au-delà du périphérique, multipliant ainsi le champ des possibles en matière de catwalk. Ou encore celui, plus récent, organisé au cœur d’un skatepark de banlieue, dans lequel trônait des hologrammes géants.

Cette saison encore, Carol Lim et Humberto Leon, directeurs artistiques de la marque, n’ont pas failli à leur réputation. Pour présenter sa collection masculine, le duo, qui a souhaité réaliser un défilé “plus réel, plus humain” selon ses propres dires, a réuni quelques 260 choristes autour de la chanteuse Ann-Shirley et du chef d’orchestre Thomas Roussel pour interpréter le titre “Rhythm Nation” de Janet Jackson et ainsi rendre hommage à Paris – la ville dans laquelle Kenzo Takada commençait l’histoire de la maison en 1970.

Bien que sorti il y a une trentaine d’années, en 1989, “Rhythm Nation” a particulièrement fait écho lors du défilé, qui s’est déroulé deux mois après les attentats du 13 novembre et un an après ceux de Charlie Hebdo (“We are a nation with no geographical boundaries, bound together through our beliefs. We are like-minded people, sharing a common vision“, pouvait-on entendre pendant le défilé, d’une seule et même voix). Un message de paix et de tolérance que l’on a pu retrouver dans les ras-du-coup à l’effigie du signe peace and love portés par les mannequins, tels des talismans d’amour.

Rhythm Nation at #Kenzo

Une vidéo publiée par Jonathan Yee (@yeejonathan) le

Pigalle : douceur et androgynie

Les intentions de Stéphane Ashpool ont plus qu’évolué depuis 2008 – époque à laquelle sa marque Pigalle (du nom du quartier qu’il chérit depuis sa tendre enfance) était principalement composée de casquettes et de sweat-shirts. Elles se sont magnifiées.

Cette année, le lauréat du prix 2015 de l’Andam (qui a en outre bénéficié du parrainage de Bruno Pavlovsky, président des activités mode chez Chanel) a un peu plus prouvé qu’il pouvait être considéré comme l’un des créateurs les plus prometteurs de la capitale, en dévoilant pour son dixième défilé une collection délicate et androgyne, romantique, délaissant un peu plus les influences streetwear qui l’ont longtemps inspiré.

Pas étonnant que Luke Leicht, journaliste mode pour le Vogueait décrit Stéphane Ashpool comme l’initiateur d’une nouvelle catégorie, le “sensual sportswear”.

Gosha Rubchinskiy et la génération post-soviétique

Le streetwear paraît en revanche faire écho dans le cœur de Gosha Rubchinskiy, véritable ambassadeur de la Russie dans l’industrie de la mode. Petit protégé de Rei Kawakubo, de Comme des Garçons, collaborateur des New-Yorkais de Supreme, le créateur russe offrait jeudi dernier sur la scène du Théâtre des Bouffes du Nord un défilé de tenues perfusées aux cultures skate et punk.

Au programme ? Pantalons de jogging, chaînes pendantes et sweat-shirts, le tout porté par des têtes juvéniles recrutées sur Instagram et incarnant avec brio une jeune génération post-soviétique que Gosha Rubchinskiy a définitivement su sublimer.

Givenchy s’inspire des fans de heavy metal du Botswana

Dans sa série “Renegades”, dont on a beaucoup parlé en 2013, le photographe sud-africain Frank Marshall mettait en lumière la sous-culture, jusqu’alors méconnue, des fans de heavy metal du Botswana, pays du Sud de l’Afrique. Des fans situés à des années-lumières de l’image-cliché que nous nous en faisons en Occident. Car si le cuir et les clous sont bien au rendez-vous, ils sont là-bas agrémentés de larges chapeaux de cow-boys, de lourdes santiags et de longs gilets à franges.

C’est précisément cette série photo, et la grande liberté de codes qui en émane, qui a inspiré Riccardo Tisci, directeur artistique de la maison Givenchy, pour créer les vêtements de sa nouvelle collection masculines, où les hommes présentent tour à tour vestes estampillées de têtes de cobra, santiags de velours et piercings au septum. “En ouvrant le livre [de Frank Marshall, ndlr], j’ai découvert ces gangs et leur liberté – c’était quelque chose de nouveau pour moi“, expliquait Riccardo Tisci à Dazed.

En outre, le designer a fait parader quelques-unes de ses muses féminines dans de longues robes fluides, offrant à son défilé une subtile dose de sensualité.

Les premiers pas d’Off-White

Parmi les nouveaux venus notables de cette Fashion Week parisienne, il faut citer Virgil Abloh. Connu pour être le directeur créatif de Kanye West, le Chicagoan présentait jeudi dernier rue Saint-Honoré le premier défilé masculin de son label Off-White.

Intitulée “You Cut Me Off”, cette collection puise son inspiration dans le streetwear mais aussi dans l’architecture (Virgil Abloh est diplômé d’un master) et dans les tableaux à entailles de l’Italien Lucio Fontana (les “Attese”), qui semblent directement à la fois avoir influencé le titre de cette collection (“You Cut Me Off”) et certaines pièces, comme les longs manteaux colorés aux coutures apparentes, qui semblent avoir été découpés de façon brute dans la matière.

Je me suis d’abord concentré sur le titre de cette collection : ‘You Cut Me Off’, expliquait Virgil Abloh au site de Vogue, auquel il a dévoilé en avant-première le moodboard de cette collection. Ça avait un ton intéressant. Généralement c’est de là que je tire ma motivation. Cette fois-ci, je me suis concentré sur [Fontana], et je voulais articuler cela en organisant certaines émotions. Ou en transformant les peintures et en créant ce que je considère comme des œuvres d’art moderne – la tension, la libération et l’énergie.

Notons également qu’en conviant le rappeur A$AP Nast à défiler, Virgil Abloh a un peu plus consolidé le pont érigé entre podium et streetwear – une consolidation à laquelle participe également A$AP Rocky, notamment avec sa dernière collaboration avec Guess.

Une photo publiée par @virgilabloh le