Avec les nouveaux décrets de la loi Savary, les agents RATP et SNCF prennent du galon

Avec les nouveaux décrets de la loi Savary, les agents RATP et SNCF prennent du galon

photo de profil

Par Thibault Prévost

Publié le

  • Des agents (plus) armés et en civil

À voir aussi sur Konbini

Depuis le 1er octobre, les agents de police ferroviaire (la Suge pour la RATP, le GPSR pour la SNCF) ont gagné le droit, comme la police municipale, d’effectuer des patrouilles armées en civil, en ne portant qu’un simple brassard. Et si, jusque-là, l’arme de service était un revolver à barillet Ruger, la nouvelle loi permet désormais à certains agents (sélectionnés et formés) de porter, en tenue et en civil donc, un pistolet semi-automatique 9 mm équipé de projectiles expansifs, comme le souhaitaient les syndicats de police depuis l’attentat de Nice. Une cadence de tir plus élevée et des munitions plus puissantes, en somme. Chaque agent patrouillant en civil devra cependant se voir fournir un agrément préfectoral à son nom, ce qui limitera leur déploiement. Selon les syndicats, les premières patrouilles ont commencé le mois dernier après la formation… des formateurs, par des agents de police nationale.

  • Fouille des bagages, palpations…

Autre nouveauté prévue par la loi Savary, les agents RATP et SNCF pourront désormais, “en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique, procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité” et “à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille”. En cas de refus, les agents “peuvent interdire à l’intéressé l’accès du véhicule ou le contraindre à en descendre ou à quitter sans délai les espaces, gares ou stations et, en tant que de besoin, requérir l’assistance de la force publique.”

  • Répression accrue de la fraude et du signalement de contrôleurs

Avec des pertes estimées à 400 millions d’euros par an, la fraude est le cauchemar des opérateurs de transports. Qu’ils se rassurent : la loi Savary accentue la lutte. Le délit de fraude par habitude, inauguré en 2001, est aggravé : six mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende pour tout récidiviste ayant été contrôlé cinq fois sans ticket (contre dix infractions jusqu’alors) au cours des douze derniers mois. Si, lors de la fraude, l’usager n’a pas ses papiers, les agents de sûreté ferroviaire pourront désormais maintenir un usager le temps qu’un officier de police judiciaire (OPJ) contrôle ses papiers d’identité. Le délit de fuite (on dit “délit de soustraction”) sera passible de deux mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende. Pour lutter contre les fausses adresses, la RATP (qui admet un taux de recouvrement des amendes de 15 %) et la SNCF bénéficieront d’un “droit de communication” pour accéder aux données du fisc et, le cas échéant, d’autres administrations, histoire de traquer les fraudeurs.
Vous pensiez vous en tirer en souscrivant à ces “mutuelles de fraudeurs” informelles qui ont fleuri ces dernières années ? Las ! “Ouvrir ou annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes” est désormais puni de six mois d’emprisonnement ou 45 000 euros d’amende. Et n’essayez même plus de prévenir de l’emplacement des contrôleurs sur Twitter, car “le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité” peut désormais vous valoir deux mois de prison ou 3750 euros d’amende.

  • Le criblage des salariés ? Pas encore

Si la majorité des dispositions du texte est donc passée par décret d’application, l’une d’entre elles a été retoquée par le Conseil d’État. La loi Savary prévoyait en effet le “criblage” des salariés par la RATP et la SNCF, qui permettait à ces entreprises “sensibles aux risques terroristes” de contacter les services de renseignements pour savoir si le candidat à l’embauche présente un “risque”. Plus compliquée à mettre en place que prévu entre les contraintes du droit du travail et de la présomption d’innocence, la mesure a été rejetée par le Conseil d’État, car elle ne précisait pas ce qu’il adviendrait du salarié si celui-ci était jugé “dangereux” (reclassement, licenciement, surveillance ?). Qu’on se rassure, le gouvernement présentera une nouvelle version de la mesure le 21 décembre. Pour notre sécurité à tous.