La Nasa dévoile la sélection des projets les plus dingues qu’elle va financer

La Nasa dévoile la sélection des projets les plus dingues qu’elle va financer

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Sandra Bullock dans Gravity. (© Warner Bros.)

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Par Thibault Prévost

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Les 22 participants du programme Innovative Advanced Concepts de la Nasa incluent, entre autres, un vaisseau interstellaire propulsé par un laser orbital.

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Le Nasa Innovative Advanced Concepts, ou NIAC, est en quelque sorte le concours Lépine de l’agence spatiale américaine, qui permet à des concepts flirtant avec la limite entre fantaisiste et faisable d’obtenir une petite enveloppe et un agenda pour tenter d’accroître leur légitimité. Et prouver au monde que non, ses inventeurs n’avaient pas perdu la boule mais étaient, au contraire, de grands visionnaires. La cuvée 2017, qui vient d’être dévoilée le 7 avril par la Nasa fait honneur à sa réputation, nous apprend Gizmodo, en offrant à des projets surréalistes la possibilité de se développer pour, un jour peut-être, changer notre manière d’explorer l’espace.

Sur les 22 initiatives présentées par la Nasa, quinze ont obtenu le statut “Phase I”. Ceux-ci reçoivent 125 000 dollars (118 000 euros) et ont neuf mois pour affiner leurs designs et la manière d’implémenter leur projet, dans une sorte de bourse d’encouragement pour soutenir des idées certes intéressantes mais pas encore assez convaincantes pour le jury. Les sept projets restant ont, eux, obtenu le statut “Phase II”, qui leur vaut de recevoir jusqu’à 500 000 dollars (472 000 euros) de budget et deux ans de financement pour développer leurs idées frappadingues. À l’issue de ces deux ans, la Nasa choisit quel(s) projet(s) deviendront réalité et s’intégreront dans son colossal budget annuel. Et vu la sélection délirante de 2017, elle risque d’avoir du boulot en 2019.

Phase I : du voyage interstellaire à tire-larigot

Comme le souligne Gizmodo, il est intéressant de remarquer que sur les quinze idées folles ayant été sélectionnées en Phase I, on trouve pas moins de deux projets de propulsion pour voyages interstellaires, sujet qui intéresse particulièrement l’agence – surtout depuis que Donald Trump lui a conseillé de se concentrer sur l’exploration spatiale  au détriment de la surveillance climatique terrestre. Hier apanage de la SF la plus utopiste, la balade vers Alpha Centauri et les autres voisines de notre résidence solaire apparaît désormais comme un objectif. Reste maintenant à savoir comment faire parcourir rapidement à nos vaisseaux des distances astronomiques, alors que nos moyens de propulsion actuels permettent d’aller visiter Pluton… en dix ans, comme vient de le faire la sonde New Horizons.

Pas d’inquiétude, des types ont déjà pensé à tout : pour John Brophy, chercheur au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa et inventeur du projet de “mission interstellaire précurseure”, la solution se trouve dans la propulsion par un faisceau laser de 100 mégawatts et 10 kilomètres de diamètre construit en orbite. Le faisceau laser serait dirigé en direction du vaisseau, doté d’une sorte de mur photovoltaïque de 175 mètres de diamètre, qui convertirait le laser en électricité pour propulser le vaisseau à travers les étoiles. Pour faire simple, une sorte de chargeur sans fil pour vaisseau spatial,  qui permettrait selon son créateur de lancer des missions “de 12 ans de vol et 500 UA [unité astronomique, qui équivaut à la distance Terre-Soleil, ndlr], ou “des missions orbitales avec un vaisseau [de type New Horizons] en seulement 3,6 ans.”

Outre ce projet, qui rappelle celui de Stephen Hawking et du milliardaire Yuri Milner, baptisé Starshot, les projets Phase I ont de quoi redéfinir radicalement notre vision du l’exploration spatiale, qu’elle soit interstellaire ou cantonnée à notre bon vieux système solaire. On y trouve pèle-mêle un projet de recensement par télescope des astéroïdes voisins pour lancer “une ruée vers l’or spatiale”,  un prototype de véhicule martien à vide d’air, une nouvelle machine de gravité artificielle baptisée Turbolift censée combattre les effets physiologiques des balades spatiales, comme l’atrophie et la perte de masse osseuse, et le projet au nom le plus cool de toute la liste, baptisé “Solar Surfing”, qui développe une technologie censée permettre de se déplacer de planète en planète en convertissant la chaleur solaire à 99,9 %…soit “environ 80 fois meilleur que la technologie à l’état de l’art”. Oui, ça demande encore du boulot.

Phase II : plongée dans l’atmosphère de Vénus et minage spatial

On pourrait croire que les projets les plus surprenants se trouveraient tous en phase I, la Nasa privilégiant des idées plus raisonnables pour distribuer ses chèques de 500 000 dollars, mais c’est loupé : à leur manière, les sept projets regroupés en Phase II présentent autant d’audace, d’ambition et de défi technologique, et portent les mêmes espoirs de révolution de l’exploration spatiale humaine. À ce titre, le “Venus Exploration Probe” d’un autre ingénieur du JPL, Ratnakumar Bugga, remporte probablement la palme du concept le plus dingue: la sonde proposée se baladerait dans les nuages toxiques de Vénus attachée à un ballon en orbite qui lui servirait de chargeur solaire, contournant ainsi l’obstacle de l’opacité atmosphérique vénusienne. Fou… mais pas moins que la procédure d’atterrissage martien suspendu de Curiosity, prouvant que la Nasa était capable de déployer des miracles d’ingéniosité.

Pour terminer, l’un des autres projets Phase II susceptible de remporter la palme de la dinguerie propose de rendre l’exploration spatiale viable, voire génératrice de profit, en proposant de l’industrialiser. En clair, chaque astéroïde, planète ou lune explorée pour l’amour de la science serait également prétexte au déploiement d’une nouvelle mine par “forage optique” – une sorte de loupe concentrant la lumière solaire au point de perforer la surface – afin de générer de la rentabilité et poursuivre, toujours plus loin, la colonisation spatiale sans plus s’encombrer des votes annuels des budgets au gré des administrations. Si ça vous rappelle l’excellente série The Expanse, c’est normal.

Et lorsque l’on se rappelle que Barack Obama a voté en 2015 un décret permettant l’exploitation minière dans l’espace, l’idée d’une Nasa transformée en complexe scientifico-industriel est peut-être cynique mais certainement pas improbable. Reste maintenant deux ans à ce projet et aux sept autres pour s’affiner et, peut être, devenir l’une des pièces maîtresses de la future politique d’exploration spatiale de la Nasa de Trump. Comme souvent, l’avenir s’annonce excitant.