Voilà ce qu’on peut lire dans le “manuel” anti-avortement distribué dans des lycées

Voilà ce qu’on peut lire dans le “manuel” anti-avortement distribué dans des lycées

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(© Capture d’écran fondationlejeune.org )

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Par Bérénice Rebufa

Publié le

La fondation Lejeune, organisation proche de la Manif pour tous, a distribué dans des lycées privés une brochure anti-avortement. Décryptage.

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Mardi 27 septembre, le dessinateur Nawak postait sur Facebook les photos d’un manuel plus que douteux, le “Manuel bioéthique” des jeunes de la fondation Jérôme-Lejeune, opposée à l’avortement et partenaire officiel de la Manif pour tous. Selon le Huffington Post, des lycéennes d’un établissement privé catholique situé à Montpellier et sous contrat avec l’État ont envoyé la brochure anti-avortement au dessinateur, qui s’est empressé de dénoncer cette action sur les réseaux sociaux. Le manuel, choquant, destiné à des jeunes filles, se trouvait dans le bureau de vie scolaire du lycée, à quelques pas de l’administration.

Sur la couverture, on retrouve l’illustration d’un foetus qui explique qu’il est bien vivant. Dans la brochure, tout est fait pour dissuader les jeunes femmes d’interrompre une grossesse non désirée (même en cas de viol), voire d’avoir des rapports sexuels. On peut notamment y lire qu’un enfant né d’un viol est “innocent” et qu’il ne mérite pas “la peine de mort”. La contraception n’est pas non plus tolérée par les éditeurs de ce “manuel” à vocation “pédagogique”.

“C’est désolant d’imaginer ce genre de propagande distribuée à des jeunes, surtout au lycée”, s’est indigné Nawak. Nous avons décidé de décortiquer le “manuel” en question, relevant ses propos les plus absurdes.

L’embryon, un petit homme ?

Dès l’introduction, la propagande est poussée à l’extrême. L’embryon est décrit comme un “petit homme”, un être humain qui pense et entend :

“L’embryon humain est un être vivant avec un patrimoine génétique humain. C’est donc bien un être humain.”

Un propos contradictoire à la loi qui ne reconnaît au fœtus le statut d’être humain qu’à partir de 12 semaines. Avant cette période, ce sont simplement des cellules en multiplication. C’est pourquoi une IVG est autorisée jusqu’à la douzième semaine de gestation.

La fondation a d’ailleurs sa propre définition de l’être humain. “Ce n’est pas en raison de ses qualités, de ses capacités ou de ses performances qu’un être est humain, c’est uniquement en raison de sa nature” est-il affirmé. Mais la définition du Larousse est encore différente : est humain “qui possède les caractéristiques spécifiques de l’homme en tant que représentant de son espèce”.

La grossesse redéfinie

Ensuite, ce sont les manuels scolaires (publics) qui auraient tort. “Contrairement à ce qu’on peut lire dans certains manuels scolaires : la grossesse ne commence pas quand l’embryon s’accroche à la paroi de l’utérus (nidation) mais à la fécondation (même si la femme ne s’en rend compte qu’après la nidation).” Une redéfinition de la grossesse qui arrange bien l’organisme positionné contre la contraception. En affirmant cela, il appuyer sa théorie selon laquelle la pilule contraceptive et le stérilet sont abortifs.

Un des arguments est que “la contraception favorise des relations sexuelles avec des partenaires multiples, dans des relations instables, ce qui multiplie de fait les occasions de grossesse non assumée”. Bien sûr, la seule proposition est d’éviter les rapports sexuels sans intention de procréation.

Une description terrifiante de l’IVG

À côté de ces arguments contre la contraception, on trouve une description de l’avortement assez horrifiante. On peut lire “démembrement du fœtus par aspiration”, “destruction du foetus”, “accouchement prématuré de l’enfant mort”… De quoi faire peur à des jeunes filles qui n’ont encore jamais eu de rapports sexuels.

Et au cas où ces mots ne suffiraient pas, sur les pages suivantes, témoignages et théories, expliquent à quel point une intervention de ce genre peu être “traumatisante”. Il est expliqué qu’une femme qui interrompt sa grossesse peut devenir dépressive. “Elle peut être dans une grande solitude et avoir un sentiment de culpabilité”, est-il écrit. S’ensuit la description des “syndrome post-abortif” : “culpabilité, perte de l’estime de soi, dépression, désir de suicide, anxiété, insomnies, colère, troubles sexuels, cauchemars sur son bébé qui la hait, qui l’appelle…”

Aucun cas n’est compréhensible

Aucune raison n’est valable pour les membres de la fondation Lejeune. Même une jeune fille violée ne devrait pas avorter selon eux. “On peut comprendre qu’une femme ne désire pas l’enfant d’un viol. La mère doit être bien accompagnée après un tel traumatisme mais tuer l’enfant n’annule pas le drame. Cela l’aggrave au contraire. Le criminel doit être puni, mais pourquoi l’enfant, lui, innocent, subirait-il la peine de mort que ne subira pas le criminel ?“, justifient les auteurs.

“Elle doit savoir, pour se libérer de la peur et de la solitude, qu’elle peut rencontrer des personnes qui sont prêtes à l’écouter, l’aider et l’accompagner”, est-il ajouté. En revanche ce n’est pas la fondation qui propose ces services. Un simple numéro en bas de la page est censé aider ces jeunes femmes abusées.

Bien d’autres thématiques en rapport avec l’avortement volontaire sont abordées (toujours de façon choquante) dans la brochure comme le diagnostic prénatal et la procréation médicalement assistée. Il est donc important de rappeler que ce livret est destiné à des jeunes filles âgées de 15 à 18 ans, des adolescentes qui n’ont pas forcément les connaissances pour comprendre l’absurdité de ce manuel intégriste.