L’Uber de la prostitution annoncé pour septembre sur le darknet serait-il une arnaque ?

L’Uber de la prostitution annoncé pour septembre sur le darknet serait-il une arnaque ?

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Le film Jeune & Jolie. © Weltkino Filmverleih GmbH

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Deux entrepreneurs américains ont annoncé qu’ils allaient lancer un “Uber de la prostitution”. Baptisée Eros, la plateforme va répertorier les prestations proposées par les prostituées inscrites, un concept pour le moins questionnable dont beaucoup d’internautes doutent.

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“Eros est un marché décentralisé pour faire se rencontrer des adultes consentants, à la recherche de sexe d’un côté et d’argent de l’autre.” La description de la plateforme telle que la rapporte le site Usbek & Rica est claire et nette. Les deux fondateurs et PDG d’Eros, Michael O’Brien et Kevin Yang, assument d’ailleurs à visage découvert leur proxénétisme 2.0. “Premier marché de la prostitution 100 % décentralisé”, Eros sera selon eux, sans complexes, un “bazar du cul”. Une application similaire appelée “Ohlala” avait déjà été lancée en 2015 dans la région de Berlin, mais l’ambition des créateurs d’Eros est mondiale.

Le modèle affiché est celui des marchés du “darknet”, les marchés noirs en ligne permettant d’acheter facilement des narcotiques et autres biens et produits interdits ou strictement réglementés. L’anonymat de la personne qui s’y connecte est préservé, et les transactions sont quasi intraçables grâce à l’utilisation de bitcoins (une monnaie cryptographique). Grâce à des blockchains (chaînes de blocs), une technologie permettant “de stocker et transmettre des informations de manière transparente, sécurisée et sans organe central de contrôle” et à sa propre cryptomonnaie, Eros devrait ainsi être sécurisé et anonyme. Michael O’Brien et Kevin Yang garantissent que, faute de serveurs, le site ne pourra “jamais être censuré, interdit ou fermé par un quelconque gouvernement ou autorité religieuse”.

Un nouveau médium qui s’annonce lucratif

Comme pour les applications permettant de commander un repas ou une voiture, les utilisateurs d’Eros pourront comparer les tarifs et les “prestations” disponibles, et suivre le parcours de la femme prostituée − appelée “escort” sur le site − grâce à la géolocalisation. Cet Uber de la prostitution proposera même à ses clients de faire leur choix de prestation… sur un catalogue bien illustré. Ce catalogue semble par ailleurs 100 % féminin, les entrepreneurs ne parlant que de femmes prostituées.

Force est également de constater que ce répertoire et la géolocalisation des femmes induisent un certain contrôle et suivi des “prestataires”, malgré l’objectif revendiqué par Michael O’Brien et Kevin Yang de simplement leur fournir une aide. Selon eux, la plateforme leur garantirait plus de sécurité puisque “l’essentiel” de la prostitution “se déroule aujourd’hui dans la rue, conduisant à des effets indésirables pour toutes les parties impliquées”. Ils souhaiteraient donc les aider dans leurs activités, mais tout en optimisant les transactions, comme le rapporte Usbek & Rica :

“En ajoutant de la transparence et en enlevant les filles de la rue, nous pensons que nous aurons un impact social positif considérable, tout en satisfaisant les besoins sexuels de millions de gens à travers le monde.”

Pour Michael O’Brien et Kevin Yang, la prostitution existant depuis presque toujours et promettant d’exister encore un bon moment, trouver une façon de protéger les travailleuses du sexe et d’optimiser les transactions était important − tout en en revendiquant le potentiel économique pour les investisseurs… qui sont déjà nombreux : plus d’un million de dollars a en effet déjà été levé.

Usbek & Rica rappelle qu’en 2016, le PDG américain d’un service de petites annonces pour escorts avait été arrêté pour proxénétisme, mais cela ne semble pas faire peur aux fondateurs d’Eros. Et pour cause : le site souligne également la lucrativité du marché mondial de la prostitution, qui atteindrait près de 190 milliards de dollars.

Une arnaque ?

La présentation à visage découvert des deux entrepreneurs pourrait toutefois s’expliquer autrement. Le concept façon Black Mirror d’Eros fait en effet tiquer de nombreux internautes qui, en plus de questionner la moralité de la plateforme, doutent de son existence même. Le site Crypto Insider a par exemple dénoncé le livre blanc d’Eros, qui serait la copie d’un travail universitaire de 2016 de l’Institut de technologie du Massachusetts.

Les identités des deux fondateurs, Michael O’Brien et Kevin Yang, sont également interrogées, leurs noms ne correspondant qu’à un profil LinkedIn et un GitHub assez vides. Réponse le 23 septembre, date prévue de l’ouverture officielle de la plateforme.