La France s’apprête à devenir une République numérique

La France s’apprête à devenir une République numérique

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Par Thibault Prévost

Publié le

Le projet de loi pour une République numérique est débattu ce mardi 19 janvier à l’Assemblée. L’un des enjeux principaux est de rendre Internet plus clair et plus accessible.

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À partir d’aujourd’hui, et jusqu’à jeudi, les députés vont devoir débattre d’un sujet qu’ils maîtrisent pour la plupart assez peu. Son nom : Internet, cette grosse bestiole informe et pleine de mythologies dont les enjeux ne figurent pas franchement dans les priorités de nos députés. Pourtant, depuis ce matin, pas le choix : la secrétaire d’État chargée du numérique, Axelle Lemaire, présente son projet de loi pour une République numérique, un texte qui vise à encadrer les usages et pratiques liés à l’utilisation du Web. Dont certains particulièrement concrets.

Le texte, qui compte 48 articles, a été (c’est une première) enrichi grâce à une consultation des citoyens en ligne. Il s’articule autour de trois grands axes : “favoriser la circulation des données et du savoir”, “protection des individus dans la société numérique” et “accès pour tous au numérique”. En clair, encourager la transparence numérique par l’open data, défendre le droit à l’oubli pour tous et la protection des données personnelles et inscrire le droit à un accès Internet comme un droit fondamental. Un droit reconnu comme tel depuis 2012 par l’Onu, mais pas par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Derrière ces trois grandes catégories, une liste de mesures mélangeant principes abstraits et usages très concrets.

De grandes mesures pour la transparence et la protection des données

Au rang des mesures encore un peu abstraites, faisant plus figure de revendication de grands principes, on trouve le “principe de loyauté des plateformes“, qui vise à faire plier les grandes multinationales du Web pour plus de lisibilité, notamment en ce qui concerne les conditions d’utilisation de leurs services, les méthodes de référencement et, surtout, les liens contractuels que ces entreprises peuvent avoir avec les contenus qu’elles mettent en avant. Histoire de savoir à quoi s’attendre lorsqu’on lit un contenu ou lorsqu’on souscrit à un service. De même, la loi introduit un “droit à la libre disposition de ses données”, sans réellement préciser concrètement quels outils les citoyens auront à leur disposition pour faire respecter ce droit.

Autre grande mesure de la loi d’Axelle Lemaire, la transparences des données publiques. Le texte introduit la notion d’intérêt général et vise à accélérer le passage à l’open data en France : l’ouverture du registre des entreprises de l’Insee (le répertoire Sirene) au public en janvier 2017, le passage en open source du logiciel de calcul des impôts (une mesure qui devrait probablement être amendée) ou l’accès gratuit des publications scientifiques pourraient ainsi changer notre perception des services publics à l’ère du numérique et faciliter notre accès aux informations.

Des mesures concrètes : revenge porn, mort numérique et e-sport

Au rayon du concret, le projet de loi d’Axelle Lemaire égrène des idées intéressantes. Le droit au maintien de la connexion Internet en cas de factures impayées par les particuliers pourrait concerner un certains nombre de Français. Tout comme la mesure qui prévoit, pour les locataires souhaitant installer la fibre optique, de se passer de l’accord du syndicat de copropriété, obligatoire jusqu’ici.

La pénalisation du revenge porn, étudiée vendredi par les députés en commission des Lois, sera une véritable réponse légale à un phénomène jusqu’à présent incontrôlé. La mesure concernant la “mort numérique”, qui permettra à quiconque de transmettre des directives à une personne choisie quant à la suppression de ses données personnelles, répondra (enfin) à la question de la subsistance des données post mortem.

Enfin, la loi pour une République numérique devrait se pencher sur le cas des sports virtuels. Selon le texte, “le ministre chargé de la Jeunesse pourra délivrer des agréments aux organisateurs de compétitions de sport électronique requérant la présence physique des joueurs”. Des licences, donc. Se dirige-t-on vers une professionnalisation de l’e-sport ? Pas si vite: ces autorisations ne seront délivrées que dans le cas de jeux faisant prédominer “les combinaisons de l’intelligence et de l’habileté physique des joueurs”. Un critère terriblement arbitraire, qui englobe à peu près n’importe quel titre, des Sims jusqu’à Call of Duty en passant par Pokémon. Toutes ces mesures passeront-elles le cap du vote de la loi jeudi prochain ? Pas certain. Selon Libération, le rapporteur du texte, Luc Belot (PS), s’attend à “600 à 800 amendements”. Au moins, ça donnera l’occasion aux élus de l’Assemblée de discuter concrètement d’Internet. Et c’est déjà une victoire.