Les 5 livres à dévorer si tu écoutes en boucle Trône de Booba

Les 5 livres à dévorer si tu écoutes en boucle Trône de Booba

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Par Leonard Desbrieres

Publié le

L’attente était tellement forte autour du nouvel album de Booba que c’était écrit, il allait tout exploser sur son passage. Et ça s’est confirmé. Depuis sa sortie, Trône bat tous les records de vente et de streaming. Un nouvel opus sombre qui fait alterner fragilité et force, pour notre plus grand plaisir. Le Konbini Book Club n’allait pas passer à côté de l’occasion, voici 5 livres pour prolonger le plaisir.

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Si tu kiffes la chanson “Drapeau noir”

Contexte de la chanson : C’est une des chansons les plus musclées de l’album mais c’est surtout la plus fidèle à ce qu’a toujours été l’école Booba. Un enchaînement de punchlines bien violentes et bien provoc’ qui ravit les adeptes du D.U.C. Il multiplie les références à la piraterie, un de ses thèmes de prédilection pour illustrer le côté transgressif de sa musique et la solidarité entre les membres de son entourage. Surtout, le mythe du drapeau noir permet d’aborder un thème qui a été au centre de l’écriture de Booba depuis le tout début, soit la ségrégation et les conflits raciaux.

“Sombre bédouin cherche bédouine, tu t’fais baiser, c’est un win-win
J’suis le meilleur Metro-Goldwyn, y’a que Bobby qui m’embobine
J’suis un macaque selon Darwin, j’ai une grosse bite selon Marine
Génération Ovomaltine, t’es qu’un haineux, j’suis aux Maldives
J’suis dans l’histoire comme un jésuite, je ne parle pas à un V8”

Tu liras : La Conversion de James Baldwin

Depuis quelque mois et la sortie du formidable documentaire de Raoul Peck, I’m not your negro, James Baldwin est enfin reconnu à sa juste valeur, c’est-à-dire comme le premier grand écrivain de la condition noire aux États-Unis et le pourfendeur de la ségrégation raciale. La Conversion, que les éditions Rivages viennent de rééditer, est son premier roman. Dès 1952, avant même le début des combats de ses frères et sœurs d’armes que seront Martin Luther King, Rosa Parks ou Malcolm X, il racontait, à travers une ambiance de mystique collective, la vie d’une petite communauté noire de Harlem, rassemblée autour de son prédicateur, et rythmée par les prêches, les prières et les gospels. Confrontation avec la communauté blanche, culpabilité biblique, homosexualité… ce livre dresse un portrait fort de tout un pan de l’Amérique qui n’avait jusque-là pas le droit au chapitre et surtout il allume la mèche de ce que sera le terrible combat pour les “Civil Rights” des années 1960.

Si tu kiffes la chanson “Trône”

Contexte de la chanson : La chanson éponyme de l’album revient, avec un ton un peu nostalgique qu’on ne connaissait pas trop à Booba, sur sa prise de pouvoir dans le rap français. Tourné vers le passé, il évoque les sacrifices et les combats qu’il a menés pour s’installer sur un trône que personne ne voulait le voir occuper. Comme toujours, il en profite pour adresser quelques punchlines à la concurrence et bien signifier à tout le monde que pour le renverser, il faudra lui passer sur le corps. D’où les multiples références au cartel de Sinaloa dirigé par l’un des plus grands narco-trafiquants de l’Histoire, Joaquin Guzman, dit “El Chapo”. Un homme qui s’est lui aussi bâti un empire en terrassant ses adversaires.

“Il n’y a pas de loi ici, s’il y a Sinaloa

Il fait beaucoup trop noir ici, viva la vida loca

Ils ne veulent pas nous voir ici non,

J’suis ce nègre au fond du wagon

J’ai un cœur tombé du camion

Le sourire au bout du canon”

Tu liras : Cartel de Don Winslow

Si vous êtes fan de weed, de fusillade et de plan à trois avec une Gossip Girl, vous avez sûrement déjà eu à faire à Don Winslow. On lui doit en effet le roman Savages qu’Oliver Stone a adapté (plus ou moins bien) à l’écran en 2012. Dans un style similaire, avec une écriture sèche, familière et ultra-violente, il nous a surtout offert deux romans, devenus des classiques, sur l’histoire des cartels mexicains. Le premier, La Griffe du chien, paru en 2007 mettait en scène de manière magistrale vingt-cinq ans d’histoire de trafic à la frontière avec les États-Unis, entre 1975 et 2000. Le second, Cartel, qui sort en poche le 4 janvier, est peut-être plus monumental encore. On plonge cette fois dans l’Histoire plus récente, celle d’une guerre sans limites entre des organisations toujours plus tentaculaires. Au programme de ce roman noir : règlements de comptes sanglants, intrigues politiques et course au pouvoir. Du Booba dans le texte.

Si tu kiffes la chanson “113”

Contexte de la chanson : C’était la collab’ qu’on attendait, tellement la hype de Damso est folle en ce moment. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’est pas déçus. Le couplet de Damso fait penser à celui de Kaaris dans Kalash à l’époque, mais il est presque plus impressionnant que celui de son mentor. Un enchaînement ultra technique un peu à la sauce Kendrick Lamar dans lequel il entend bien dicter les codes du quartier et remettre à leur place ceux qui se persuadent en vain d’être les rois du ghetto.

“‘teille de Duc sur fils de pute, ça commence bien

Tu rappes dans l’tieks, en vain, t’as pas d’flow donc tu fais l’ancien

Pure bitch, j’veux t’ken, discrètement, brusquement, vite fait,

j’bande, bouge sur l’gland, j’gicle d’dans

Glisse tout l’blanc, sur téton, sans pression, sans raison dans l’ivresse du désir, plus d’weed

Fume tout l’pax en pers, marche dans l’tieks, rappe sans def,

Damso, Dem’s, c’est le blaze”

Tu liras : Côté Ghetto de Jill Leovy

Pour poser le décor, Jill Leovy, c’est David Simon (le créateur de la série mythique The Wire, si vous ne connaissez pas, c’est mal !) au féminin. Journaliste pour le Los Angeles Times et fondatrice du blog The Homicide Report afin de mettre un nom et un visage sur toutes les victimes d’homicide de la ville, elle a fait de l’exposition au grand public de la vie dans les ghettos américains son cheval de bataille. Son premier livre est un succès extraordinaire aux États-Unis. Et pour cause, elle nous offre un document coup-de-poing sur les tragédies qui se jouent au cœur de South Central à Los Angeles (le quartier natal de NWA et Kendrick Lamar). Elle dresse le portrait d’un monde chaotique où les plus violents sont les héros et où la drogue ronge petit à petit toutes les sphères du pouvoir. C’est aussi une formidable réflexion sur le rôle de la police dans ces ghettos, qui s’accroche comme elle peut pour donner un sens à son métier mais aussi bien sûr au revers de la médaille qui fait qu’aux États-Unis, un jeune Noir a quinze fois plus de chances de mourir qu’un Blanc. Si Booba, Damso et les autres chantent le quartier, Jill Leovy, elle, le raconte avec un constat qui fait froid dans le dos : une guerre qui ne dit pas son nom fait rage et tout le monde s’en fout.

Si tu kiffes la chanson “Petite fille”

Contexte de la chanson : C’est l’instant fragile de ce dernier album de Booba. On a du mal à cacher notre surprise, le D.U.C se confie de manière plus personnelle et clame haut et fort tout l’amour qu’il porte à sa fille Luna. Un morceau unique, introspectif, avec un instrumental particulièrement rare dans le rap puisqu’il ne contient pas de drum mais se compose d’une simple mélodie de 3 minutes 35. Au-delà de cette déclaration à sa fille, il y a aussi un constat amer, celui de la société et de l’époque dans laquelle elle va grandir. Après Pitbull, encore une référence à la chanson Mistral gagnant en mode “Docteur Renaud, Mister Booba”.

La vie mais pas mon rêve, y’a qu’ça qu’tu m’enlèveras

Il n’y a qu’ma petite fille qui me court dans les bras

Si j’te vends mon âme, j’te la vends dans l’état

La vie n’est qu’une escale, fils de pute, envole-toi

Avant qu’t’appelles au secours, l’honneur on t’l’enlèvera

Il n’y a qu’ma petite fille qui me court dans les bras”

Tu liras : Heather, par-dessus tout de Matthew Weiner

Quand le créateur de Mad Men publie un roman, forcément, ça retient notre attention. Peut-on devenir un bon romancier quand on a passé sa vie à imaginer des histoires pour le petit écran ? Matthew Weiner a relevé le défi haut la main. Il nous raconte l’histoire de Karen et Mark, un couple bien sous tous rapports mais qui, comme souvent, dissimule un désastre conjugal. Ils ont pourtant tout pour être heureux, il est un homme d’affaires fortuné, elle est l’épouse modèle et surtout ils ont une incroyable petite fille, la ravissante Heather. Malheureusement, celle-ci devient un enjeu de pouvoir entre les époux. Chacun jouant au parent parfait à tour de rôle. Matthew Weiner dépeint comme dans Mad Men la haute société new-yorkaise dans tous ses travers et arrive en très peu de pages à installer un climat de méfiance, de voyeurisme, un jeu pervers dont on sent très rapidement que l’issue sera fatale.

Si tu kiffes la chanson “DKR”

Contexte de la chanson : Pour notre plus grand plaisir, “DKR” a été ajoutée en bonus à la tracklist de l’album Trône. C’est le succès le plus surprenant de sa carrière, Booba est redevenu le temps d’une chanson Elie Yaffa, le Sénégalais. Avec en toile de fond, une instru à base de kora, un instrument typique de son pays natal, il chante son amour pour Dakar et le Sénégal mais revient aussi sur son passé rempli de souffrance. La colonisation par l’homme blanc et l’esclavage sont au cœur d’un texte fort et poétique, des sujets qui hantent le rap de B2O depuis Lunatic.

“Africa, tu n’as pas d’âge

Ils veulent te marier, marier, marier

Ton nom d’famille sera prise d’otage

À quoi sert d’être lion en cage ?”

Tu liras : Bakhita de Véronique Olmi

Bakhita est un des romans français les plus forts de la rentrée littéraire parce qu’il nous plonge dans un destin hors norme, l’histoire vraie d’une esclave devenue sainte. Arrachée aux siens par des négriers musulmans au Soudan, elle en oublie jusqu’à son nom. Esclave à sept ans, membre forcé d’un harem, elle est achetée par le consul d’Italie à Khartoum pour devenir domestique à Venise. De là, elle débute son ascension, elle devient religieuse et un procès retentit dans tout l’Italie, elle souhaite devenir libre. Au prix d’un long combat, elle accède enfin à ce statut et jusqu’à sa mort en 1947, elle se dévouera pieusement aux enfants les plus démunis. Il y a tout juste 17 ans, en 2000, sous le pontificat de Jean-Paul II, elle devient la première sainte soudanaise, la première femme noire devenue sainte sans passer par le martyr. Une histoire de fou que Véronique Olmi raconte avec brio. Un incroyable roman de l’esclavage dans ce qu’il a de plus horrible mais qui donne étrangement foi dans l’homme. Un de ces livres qui vous restent longtemps en tête après avoir refermé la dernière page. Comme une bonne punchline du D.U.C.