La crème du stand-up américain compte bien réaliser son rêve parisien

La crème du stand-up américain compte bien réaliser son rêve parisien

photo de profil

Par Leonard Desbrieres

Publié le

Plus que jamais, le stand-up américain fascine et s’exporte. Longtemps affaire d’initiés, il déferle désormais sur la France. Une fois par mois, le théâtre de l’Œuvre ouvre ses portes aux stars de la discipline pour un spectacle en version originale qui cartonne.

À voir aussi sur Konbini

Stand-up : monologue comique où un humoriste seul, sans décor, ni accessoire, prend l’auditoire à témoin des histoires qui lui sont arrivées. À ne pas confondre avec one man show : succession de sketchs écrits et préparés mettant en scène des personnages et des histoires.

Depuis quelques années, le stand-up made in America a gagné ses titres de noblesse. Il s’est peu à peu imposé sur la scène mondiale, et surtout sur la française, comme le modèle à suivre pour faire rire. Résultat : en plus de métamorphoser au fil des années notre humour frenchy, il est en plus parvenu à s’installer en grande pompe dans nos salles, comme cette soirée mensuelle 100 % in english au théâtre de l’Œuvre, à Paris.

En France, les humoristes se rêvent en stand-uppers

Si l’humour à la sauce américaine remporte un succès si vif et si soudain en France, ce n’est pas seulement dû à des plateformes, comme Netflix, qui popularisent de plus en plus ce genre de spectacle comique. C’est aussi parce que le terrain a été préparé depuis longtemps déjà. Un bon nombre d’humoristes français ont été bercés par leurs homologues anglophones. Les uns parleront de plagiat, les autres d’influence, mais quoi qu’il en soit, c’est grâce à cette transformation progressive de l’humour français que le public se fascine pour le stand-up aujourd’hui.

On peut bien évidemment parler longuement des différences entre le stand-up américain et le one man français – ironie contre premier degré, autodérision contre moqueries envers les autres, satires politiques contre histoires loufoques, rythme effréné contre mise en place plus lente. Toutes ces oppositions semblent néanmoins dépassées.

Ce qui explique la soudaine déferlante du stand-up en France, ce serait plutôt l’inverse, c’est-à-dire un lent processus d’acculturation. Au fil des années, les codes des spectacles comiques américains se sont imposés comme la nouvelle norme et ont métamorphosé l’humour français.

Il y a d’abord eu les pionniers, ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient petits, qui ont toujours eu cette fascination pour l’Amérique. On peut penser au Comte de Bouderbala, par ailleurs directeur du République, dans lequel il fait une place à part au stand-up. Mais on pense surtout à Gad Elmaleh. Depuis ses débuts, le stand-up est dans l’ADN de l’un des plus grands humoristes français actuels. On s’en rend d’autant plus compte aujourd’hui, alors qu’il vit son rêve américain et séduit le public outre-Atlantique. Il n’hésite d’ailleurs pas à clamer partout qu’il a été bercé par le rythme et la finesse des analyses du monstre sacré Jerry Seinfeld.

Ce n’est donc pas un hasard si c’est son producteur qui est à l’origine des soirées One Night Stand au théâtre de l’Œuvre. Ils en ont eu l’idée ensemble en 2015, lorsque l’humoriste a commencé sa tournée aux États-Unis. Gad Elmaleh a été parmi les premiers à innover : cette façon de mélanger sketchs classiques qui mettait en scène des personnages hilarants au beau milieu d’histoires complètement loufoques et une nouvelle forme d’humour, plus intimiste, qui consistait à se raconter et à faire rire avec les pépites que recèle le quotidien des gens normaux, était totalement nouvelle et directement empruntée au stand-up américain. Il a même poussé l’aventure un cran plus loin en écrivant son propre spectacle en anglais, American Dream, disponible sur Netflix.

Une jeune garde de l’humour français l’a très relayé. Celle du Jamel Comedy Club, notamment, a enfoncé le clou. En plus de faire naître un nombre incalculable des comiques stars d’aujourd’hui, comme Thomas N’Gijol, Fabrice Éboué ou encore Blanche Gardin, la scène ouverte créée par Jamel Debbouze (lui aussi est l’un des premiers à avoir popularisé le stand-up) en 2006 a en partie brisé les carcans de l’humour à la française. La nouvelle génération a beaucoup puisé dans le stand-up d’outre-Atlantique et donc décidé d’en reproduire les codes.

La conséquence de tout ça ? De nouveaux types de spectacles, aussi bien sur le fond que sur la forme, émergent. On vient, on prend un micro, on raconte sa vie : “L’autre soir, je vais dans un bar…”, “Vous avez déjà pris la ligne 13 le matin ?” ou le traditionnel : “Depuis une semaine, je ne suis plus célibataire…” Une manière d’interpeller le public, de l’inclure dans son sketch, mais surtout d’aborder les thèmes classiques qui font toujours marrer.

Cette génération a aussi emprunté au stand-up une facette qui a fait son succès : elle met en avant l’appartenance à une communauté pour donner une dimension sociale et politique à ses spectacles. Certains s’en amusent ou s’en offusquent, et c’est l’une des raisons du succès de ces humoristes. Le fait de se sentir représenté séduit le public et permet aux humoristes de parler d’eux-mêmes ainsi que de la société dans laquelle ils vivent. Le parallèle est direct avec l’humour américain, ultra-communautaire, engagé et très premier degré.

Les Américains à Paris

Pourtant, malgré tout ça, le stand-up a longtemps été réservé à une élite d’initiés. À cause de la barrière de la langue d’abord – il faut comprendre les finesses de l’anglais. À cause de son accessibilité aussi, puisqu’il fallait se rendre sur place et connaître les bons comedy clubs à New York ou Los Angeles, ou sérieusement digger YouTube pour tomber sur des sketchs en qualité douteuse.

Mais les choses changent. La date – unique et complète en vingt minutes – de Louis C.K. à l’Olympia, en 2016, avait été un test concluant. Et c’est au théâtre de l’Œuvre, dans le 9e arrondissement, en septembre dernier, que le stand-up a fait son entrée en grande pompe à Paris. Le concept des soirées One Night Stand est simple : une fois par mois, un stand-upper de renom vient jouer son spectacle en VO. Résultat : un carton.

Depuis sa création, cette soirée mensuelle fait salle comble et a déjà reçu du beau monde, comme Ryan Hamilton, Jordan Rock (le frère de Chris), Tom Rhodes et surtout, par surprise, Jerry Seinfeld en personne venu faire un show en duo avec Gad Elmaleh en octobre dernier.

Bien plus qu’une simple découverte, on assiste à une véritable tendance. Tout le monde essaie de faire du stand-up en ce moment, il n’y a pas un programmateur de salle qui ne m’en parle pas”, s’amuse Sébastien Hatte, producteur de Gad Elmaleh et créateur des soirées One Night Stand. La venue de Dave Chappelle en février avait été un énorme succès, et celle de Kevin Hart en août s’annonce encore plus folle. Il se pourrait même que le théâtre de la Tour Eiffel lance un New York Comedy Festival. Affaire à suivre donc.

En attendant, prochain rendez-vous au théâtre de l’Œuvre le 28 mai prochain avec Jordan Carlos. Courez-y !

Plus d’information ici.