“Je n’ai pas beaucoup d’amis noirs” : l’écrivain américain Jonathan Franzen au cœur d’une polémique

“Je n’ai pas beaucoup d’amis noirs” : l’écrivain américain Jonathan Franzen au cœur d’une polémique

photo de profil

Par Juliette Geenens

Publié le

Jonathan Franzen confirme son statut d’écrivain provocateur et controversé.

À voir aussi sur Konbini

Jonathan Franzen est l’un des auteurs américains contemporains les plus controversés de notre époque et ce n’est pas près de changer. Dans une interview publiée dimanche 31 juillet sur le site Slate US, l’écrivain du best-seller Les Corrections (2001) confie n’avoir jamais écrit sur la “question raciale” parce qu’il ne connaît pas, personnellement, beaucoup de personnes noires. Voici la citation, telle qu’elle est présentée dans l’article du pure player américain :

Chargement du twitt...

Le journaliste : Vous n’avez jamais voulu écrire un livre sur la question raciale ?

Jonathan Franzen : J’y ai pensé, mais – c’est une confession embarrassante – je n’ai pas beaucoup d’amis noirs. Je ne suis jamais tombé amoureux d’une femme noire. Je crois que si ça avait été le cas, j’oserais le faire.”

Cette déclaration a provoqué un tollé dans une partie de l’opinion publique, et ouvert un débat entre différents auteurs américains. Comme le  souligne Le Monde, mardi 2 août, les réactions sur Twitter sont tantôt sarcastiques tantôt dénonciatrices. L’essayiste et romancière Brit Bennett, par exemple, a ironisé :

Chargement du twitt...

Les rumeurs sont fondées. Je suis l’amie noire de Jonathan Franzen.”

Angela Flournoy, romancière finaliste du prestigieux National Book Award en 2015,  a critiqué plus sérieusement l’approche de l’auteur américain sur le sujet : 

Chargement du twitt...

Chargement du twitt...

Chargement du twitt...

“Tous les livres de Franzen parlent de race. À la fin des Corrections, un homme blanc, atteint de démence, réprimande son aide-soignant noir. Freedom [roman signé par Jonathan Franzen en 2010, ndlr] jette une Indienne d’une falaise pour l’amour d’un Blanc. Mais même sans un seul personnage de couleur, tous ses livres abordent la question raciale. J’aurais aimé que les critiques comprennent cela.”

La romancière américaine, Joyce Carol Oates, a pris la défense de Jonathan Franzen sur Twitter, quand une autre auteure, Celeste Ng, le taxait d'”échec d’écriture et d’humanité.” 

Chargement du twitt...

“Que celui/celle sans “échec d’écriture et d’humanité” jette la première pierre et écrive des romans plus forts que ceux de JF.”

Jonathan Franzen fait-il preuve de racisme en tenant de tel propos ? À l’heure où les violences policières à l’encontre de la communauté afro-américaine font couler autant d’encre que de sang, la question raciale peut se poser comme un sujet de société qu’il est important d’aborder dans des œuvres littéraires. C’est d’ailleurs pour cette raison que le journaliste de Slate, Isaac Chotiner, a souhaité en discuter avec Jonathan Franzen.

Selon Jonathan Franzen, le fait de ne pas fréquenter des “gens de couleurs” lui ôterait la capacité et la légitimité pour écrire un livre sur la question des “races”. Il poursuit dans son entretien avec Slate :

“Je ne me suis pas marié dans une famille noire. J’écris sur des personnages, et j’ai besoin d’aimer mon personnage pour écrire sur lui. Quand tu n’as pas fait l’expérience directe d’aimer une catégorie de personnes – une personne d’une couleur différente, une personne profondément religieuse, toutes ces choses qui marquent des différences profondes entre les gens –, je pense que c’est vraiment difficile d’oser, même de vouloir, écrire du point de vue de cette personne.”

Un habitué des polémiques

Ces propos n’ont laissé personne indifférent. Certains y verront un discours raciste et dénonceront le manque d’engagement de Jonathan Franzen pour la cause noire, sous prétexte qu’il est un homme blanc et qu’il ne se sent peut-être pas concerné par ce combat. D’autres défendront l’écrivain, estimant que son métier exige d’abord de parler et d’écrire sur des sujets qu’il connaît.

Ce n’est pas la première fois que le romancier de 56 ans divise l’opinion de la sorte. En 2015, The Guardian lui a consacré un long entretien à l’occasion de la sortie de son livre Purity, au cours duquel il a enchaîné les déclarations provocatrices, menant à des controverses qui ont suscité de vives réactions. Cet ouvrage, qui aborde le rapport entre l’humain et Internet, place au centre de son intrigue une activiste féministe californienne à la recherche d’un père absent.

À peine sorti, le livre a attisé les débats autour du féminisme. Dans son interview au Guardian, le romancier assure sans honte avoir inséré un personnage “féministe fanatique”, tout en refusant d’être taxé de “sexiste”. Mais certains critiques ne l’entendent pas de cette oreille. Miranda Popkey qui écrit sur le blog du site de lecture d’e-books Oyster Books, reproche ainsi à Jonathan Franzen d’avoir créé une héroïne stéréotypée, confortant l’idée que les féministes étaient des castratrices dont le seul objectif était d’affirmer une supériorité de la femme.

Durant ce même entretien avec le quotidien britannique, le romancier avait aussi rdéclaré au journaliste qu’il avait hésité à adopter un “orphelin irakien rescapé de guerre”, pour mieux “comprendre la jeunesse”. Chaque fois que l’occasion se présente, Jonathan Franzen offre de quoi nourrir des polémiques pour toute une vie.