On pense à quoi quand on va voter pour la première fois en 2017 ?

On pense à quoi quand on va voter pour la première fois en 2017 ?

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Par Arnaud Pagès

Publié le

Tournant crucial de la vie politique française, l’élection présidentielle est le moment-clé où les citoyens doivent faire des choix qui seront essentiels pour les années à venir. Dans le contexte actuel, comment ceux et celles qui n’ont encore jamais voté abordent-ils ce scrutin ?

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Face à une crise économique sans précédent, une dette faramineuse, un taux de chômage qui bat des records, une absence réelle de solutions crédibles émanant de la classe politique, et un contexte de peur engendré par les récents attentats, la maison France n’a jamais été confrontée à un avenir aussi sombre et il faut avoir en soi une énorme dose d’optimisme pour se dire que les choses vont s’améliorer lors du prochain quinquennat.

Alors qu’ils s’apprêtent à voter pour la première fois, et que beaucoup d’entre eux se sont récemment mobilisés contre la loi El Khomri, quelles sont les attentes, les craintes et les espoirs des ados ? Pensent-ils que la politique peut encore changer la société ? Nous sommes allés à leur rencontre.

“Je souhaite que les anciennes générations essayent de comprendre les revendications des nouvelles générations.”

Eliott est en première L option cinéma au lycée Jean Monnet de Franconville. À 17 ans, il se destine à une carrière dans le cinéma en tant qu’acteur ou réalisateur. Pour lui, qui a commencé à parler de politique avec ses amis à l’occasion des débats sur la loi El Khomri, les politiciens n’écoutent pas assez les revendications des jeunes.

“Les élections arrivent dans pas longtemps… Je ne me suis pas vraiment posé la question de savoir ce que ça allait donner. En 2017, je serai en âge de voter donc il va falloir que je m’implique. Je pense qu’on espère tous un changement. Je souhaite que les anciennes générations essayent de comprendre les revendications des nouvelles générations. C’est mon attente principale par rapport à cette élection et par rapport au candidat qui sera élu.

Il faut prendre un autre chemin que celui qu’on prend en ce moment. Parce que ça ne marche pas. Et les idées radicales ne feront pas changer les choses. Les hommes politiques doivent essayer de comprendre les autres et arrêter de nous voir comme des clichés et de considérer que nous sommes tous pareils. Au lycée, il y a des élèves qui ont des idées politiques. Avec la loi El Khomri, on a essayé de comprendre ce que ça impliquait. Donc depuis cette loi, j’ai enfin des discussions politiques. Mais c’est tout nouveau. Le pire serait une montée du FN, ce qui est un peu malheureusement en train de se passer avec les récents attentats.”

“On a eu Sarkozy et puis Hollande, je pense qu’il peut y avoir mieux que ça.”

À 17 ans, Léo est en première ES au lycée Simone Weil à Paris. Comme beaucoup de jeunes, il redoute une progression du FN en 2017 et espère un meilleur président que l’actuel locataire de l’Élysée et que son prédécesseur.

“J’ai peur que le FN monte en puissance, ce que je n’espère pas. J’espère que la gauche va monter, je suis pour le PS. Je serai pour la personne qui symbolisera la gauche. On dit que Hollande est mou et ceux qui disent ça n’ont pas tout à fait tort. On a eu Sarkozy et puis Hollande, je pense qu’il peut y avoir mieux que ça.

Peut-être que pour la loi travail, le prochain président pourrait se pencher dessus à nouveau. Ce serait bien. Mais avec toutes les manifestations qui ont lieu, on peut quand même espérer que cette loi va s’améliorer. Après, si je devais donner un conseil au prochain président ce serait : Vive la France !”

“Pour moi, il y a trop de mensonges. Je pense qu’ils ne gouvernent pas dans le but de construire un monde meilleur.”

Aminata est en première dans un lycée parisien. À 17 ans, elle est très fortement déçue et même désabusée par la politique. Elle n’a pas envie d’exercer son droit de vote l’année prochaine.

“La politique et moi, c’est pas trop ça. La loi sur le travail, c’est du foutage de gueule. Elle se prend pour qui cette nana ? Elle arrive et elle nous impose sa loi. Franchement, ça ne se fait pas. En gros, on va être négligés, travailler plus, gagner moins, être licenciés comme ça… Clairement, ça ne se fait pas. Ce n’est pas correct. Cette loi ne m’a pas donné envie d’aller voter ! Je me dis qu’ils sont juste là pour foutre leur merde. Et puis c’est tout. Ils n’en ont rien à faire du reste.

Pour moi, il y a trop de mensonges. […] Et moi aujourd’hui, j’ai peur. Quand on voit tous les policiers qui sont là, le plan vigipirate à son niveau le plus élevé… Ça me fait peur. Je me demande quel sera le con qui va venir pour remplacer Hollande ?”

“Voter, c’est important en ce moment avec la montée du FN ! C’est déjà en soi un acte de contestation par rapport à cette pensée nationaliste.”

Théo, qui est en première ES au lycée Henri IV, voit la prochaine élection comme un moyen d’exprimer de la contestation face à la montée du FN. Pour lui, voter est un acte important, surtout en ce moment. Et même si son vote est simplement une goutte d’eau dans l’océan des bulletins, il estime qu’il aura malgré tout un poids.

“Il y a la vierge caricaturale Marine Le Pen qui veut passer à tout prix. Les prochaines élections font peur à cause du FN. Après ce ne sera peut-être pas forcément le candidat qui représente le plus la France qui sera élu en fonction du second tour, mais on arrivera quand même à se défendre face au FN. Je pense que les candidats seront plutôt des candidats par défaut plutôt que des candidats choisis par le peuple.

Voter c’est un acte important en ce moment avec la montée du FN ! C’est déjà en soit un acte de contestation par rapport à cette pensée nationaliste. Cela permet de donner son avis. C’est une voix sur 40 millions mais ça a un poids.

Les changements en France se font surtout dans la contestation, Mai 68, le Front Populaire, la Révolution… Peut-être qu’il faudra, au bout d’un moment, prendre des mesures un peu plus drastiques qui vont peiner la société pendant 5 ou 6 ans. Après c’est une question de volonté. Il faut que les gens acceptent aussi une idée qui ne leur semble pas bonne au départ mais qui peut s’avérer efficace ensuite. C’est aussi une question de patience.”

“Aujourd’hui, ce qui est vraiment dommage, c’est qu’on retrouve exactement les mêmes candidats que par le passé. Ça ne donne pas trop envie de voter.”

Belge de naissance, Rémy est en première année de sociologie à l’université Diderot-Paris 7. Français depuis peu, à 19 ans il va pouvoir voter pour la première fois l’année prochaine. Cet écologiste militant, proche de EELV, regrette principalement de voir toujours les mêmes têtes lors des élections. Et estime qu’il y a moins d’écoute et de dialogue qu’en Belgique entre élus et population.

“Pour les présidentielles, la situation n’est pas fantastique. Aujourd’hui, ce qui est vraiment dommage, c’est qu’on retrouve exactement les mêmes candidats que par le passé. Ça ne donne pas trop envie de voter. On se dit que si on doit élire l’un d’entre eux, ce ne sera pas top !

Il y a beaucoup de désillusion. On l’a vu avec le président Hollande qui promettait beaucoup de choses. Il y a trop d’opportunisme à tous les niveaux en politique. Tout le monde veut être élu, faire des alliances. Il y a trop d’intérêts personnels. L’intérêt commun n’est plus qu’un argument pour se faire élire. Si on veut faire changer les choses, il faut proposer du concret, ne pas avoir peur et ne pas être lié aux intérêts de quelques personnes.

Les Belges ont un roi et pourtant ça fait 10 ans que nous avons le mariage gay. En France, ça a été très compliqué. Ce qui manque en France, c’est le dialogue. En Belgique, on peut parler plus paisiblement des lois et les faire voter en accord avec les gens.”

“Si un candidat peut réellement rassembler les différents partis, il pourra faire en sorte que le poids des idées soit le plus fort. Là, on pourra espérer un vrai changement.”

Proche du Modem, Quentin est en première année de droit à l’université Paris Descartes. À 19 ans, il s’apprête à voter pour la première fois à une élection présidentielle et est lui aussi frustré de voir toujours les mêmes candidats se présenter. Pour lui, un vrai changement ne pourra se faire qu’en sortant de la logique des partis dans laquelle la classe politique française est engluée.

“J’ai un sentiment ambigu par rapport à la prochaine élection. D’une part, de l’excitation car c’est la première fois que je pourrai voter. Mais il y a aussi de la déception quand je vois les propositions et les candidats. Je trouve qu’il y a un manque réel de renouvellement dans la vie politique. J’espère qu’il y aura un candidat qui rassemblera les gens au-delà des clivages politiques et qui sera porteur d’un projet pour les citoyens.

Si on élit à nouveau un président pour avoir une tête forte au sommet de l’État, alors on sait que c’est voué à l’échec car il y a le jeu des partis à l’Assemblée, au Sénat, etc. Si un candidat peut réellement rassembler les différents partis, il pourra faire en sorte que le poids des idées soit le plus fort. Là, on pourra espérer un vrai changement. Donc il faut quelqu’un qui puisse dépasser les blocages qui existent en fonction des couleurs politiques.

Il faut arrêter de vouloir représenter à tout prix une couleur politique. Il faut dépasser le clivage droite/gauche et se poser la question de savoir ce qui est bon et ce qui est efficace pour le pays. Il faudrait que le prochain président mette davantage en avant la concertation citoyenne. Il faudra qu’il ose et qu’il n’ait pas peur d’agir.”

Je pense que la politique peut changer les choses, c’est le sens même de mon engagement !”

Étudiante à Sciences-Po Paris, Julie a 18 ans et n’a pas perdu espoir dans la politique. Engagée à gauche, elle espère un nouveau mandat socialiste en 2017 et pense qu’il est grand temps de réformer en profondeur la politique. Davantage de dialogue, de débat, et d’écoute.

“Aujourd’hui, je pense que l’élection présidentielle est un peu dépassée. Le rôle même du président est dépassé et on devrait aller plus loin en supprimant le poste de président de la République et en construisant une 6ème République qui soit plus démocratique et plus parlementaire.

On peut toujours espérer que ce scrutin se passe bien si la gauche arrive à passer par des primaires et à avoir des débats constructifs. On pourrait alors avoir un bon score pour le PS et même un nouveau mandat. Je ne suis ni défaitiste ni fataliste. Je pense que la politique peut changer les choses, c’est le sens même de mon engagement. 

Les jeunes ont l’impression de ne pas comprendre les enjeux politiques et de ne pas être capables d’agir sur le quotidien. Il est urgent de réintroduire une vraie culture politique. Il faut qu’on soit dans la culture du débat et qu’on soit écoutés un maximum pour qu’on puisse influencer ce qui va être fait et qui va toucher les jeunes comme les salariés d’aujourd’hui. Il faut recréer du lien social et que le prochain président permette à la population de s’exprimer et d’agir concrètement sur son quotidien.”

“Voter, c’est tout simplement concrétiser les idées que je porte et qui me sont chères.”

Militante au FN, Sarah est étudiante en classes préparatoires HEC dans un lycée parisien. Elle croit que la politique peut encore changer la société. Pour elle, voter est un acte important. D’abord et avant tout pour faire triompher ses idées.

“J’aimerais que Marine Le Pen accède au second tour et qu’un nouvel échiquier politique commence à prendre place, s’articulant autour des véritables problématiques : place de la France dans l’UE, position face à l’immigration – qui a depuis longtemps engagé en France une véritable crise identitaire –, protection sociale des travailleurs, éducation et formation…

Voter, c’est tout simplement concrétiser les idées que je porte et qui me sont chères. Je n’ai pas encore perdu espoir en la politique et je crois que le vote FN, permettrait un véritable changement en France. La politique a pour mission de diriger l’État en fonction des volontés citoyennes or l’UE, anti-démocratique, empêche l’exercice de la souveraineté nationale. Les problèmes de société ne peuvent être réglés qu’à condition d’une moindre influence de Bruxelles sur la politique française.

De nombreux jeunes se sentent délaissés face aux partis traditionnels cependant, au FN,  je trouve que les jeunes sont très bien représentés : la moyenne d’âge des responsables du FN est nettement inférieure à celle des autres partis et certains ont même à peine 20 ans ; il en va de même pour nos candidats.”