Non, Monsieur Bush, les Français ne sont pas des branleurs

Non, Monsieur Bush, les Français ne sont pas des branleurs

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Par Thibault Prévost

Publié le

Vous allez devoir venir au travail. Je veux dire, qu’est-ce que c’est, le Sénat, une semaine française? Vous devez venir au bureau trois jours par semaine?

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Cette vanne facile sort de la bouche de Jeb Bush, frère et fils de, candidat républicain en course pour l’investiture avant la présidentielle de 2016. Elle s’adresse à Marco Rubio, sénateur de Floride et adversaire de Bush lors du troisième débat pour l’investiture républicaine, retransmis le 28 octobre.
Pour reprocher à Rubio son manque d’assiduité au Sénat pour cause de campagne d’investiture, Bush ressort le cliché jauni du Français fainéant, baguette au bras et mauvaise humeur plein la bouche, qui s’arrange pour être en grève entre deux périodes de vacances et deux arrêts-maladie.

Un french bashing gratuit auquel Gérard Araud, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, a rapidement répondu sur Twitter.. avec une élégance toute française: “Dans chaque pays, la campagne électorale offre l’occasion d’entendre des bêtises grandiloquentes. Soyons indulgents”.
Le diplomate a néanmoins tenu à rappeler un chiffre éloquent, précisant que “les Français travaillent en moyenne 39,6 heures par semaine comparées aux 39,2 heures allemandes”. Sachant que Jeb Bush, probablement fier de son effet, en a remis une couche quelques heures après en partageant une vidéo intitulée “Semaine de travail française versus Réels accomplissements”. Il en va de notre chauvinisme de rétablir la vérité avec quelques données.

Moins d’heures, plus de vacances…et plus de productivité

Selon les chiffres de l’OCDE, qui évalue la productivité en comparant le PIB d’un pays aux heures travaillées en moyenne, la France obtient un score de 103,08 en 2014, tout juste en-deçà de l’Allemagne et de la moyenne de l’UE. Soit un point et demi de plus que les Etats-Unis, qui obtiennent un score de 102, 03.
Si l’on constate que la crise financière de 2008 a considérablement réduit l’écart entre les deux pays, les salariés français n’ont jamais été moins productifs que leurs homologues américains, alors même qu’ils sont moins bien payés et travaillent effectivement moins souvent. Néanmoins, selon les prévisions de l’OCDE, la tendance devrait pour la première fois s’inverser en 2016. Selon les données d’Eurostat, qui évaluent la productivité par personne et par heure, la France compte même parmi les meilleures nations d’Europe, loin au-dessus de la moyenne continentale.

D’autre part, les chiffres de l’OCDE confirment l’idée selon laquelle les salariés hexagonaux travaillent moins que les autres à l’année :  1473 heures par an, contre 1789 pour le salarié américain et 1770 en moyenne dans l’OCDE. C’est peu, mais c’est toujours plus que… l’Allemagne, par exemple, dont on loue pourtant les vertus du modèle.

En 2014, Le Monde se fendait d’un long article détaillant les rythmes de travail  hebdomadaires et annuels des Français. Il apparaissait que les salariés à temps plein, malgré les 35 heures légales, travaillaient effectivement 40,7 heures par semaine… loin des 47 heures américaines estimées par l’institut Gallup, alors que les heures supplémentaires n’existent toujours pas pour la moitié des salariés.
Alors oui, monsieur Bush, la semaine française est moins remplie que la semaine américaine; oui, les Français travaillent environ 40 jours (de huit heures) de moins que leurs homologues américains et oui, le gaulois est moins productif que l’amerloque, à hauteur de 3$ par heure. Malgré cela, la productivité française reste l’une des plus élevées au monde-  en dehors des jours fériés, des vacances scolaires, des RTT, des mouvements de grève, des émeutes de banlieues, des victoires en Coupe du monde, des périodes de canicule et des jours où il fait vraiment trop beau pour rester tard au turbin, cela va de soi.
Pour finir, une étude de l’OCDE, menée de 1970 a 2011 et relayée l’année dernière par The Economist a révélé une forte corrélation entre de longues journées de travail et des décès prématurés. Une autre étude, européenne, concluait déjà en 2012 que les journées de plus de 11 heures doublaient le risque de dépression. A titre indicatif, l’espérance de vie moyenne en France est de 4 ans plus élevée que celle aux Etats-Unis. En revanche, les deux pays se partagent la première place pour le taux de dépression. Cocorico.