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Pedro Barros : “J’espère que les Jeux olympiques donneront une bonne image du skate”

Pedro Barros : “J’espère que les Jeux olympiques donneront une bonne image du skate”

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Par Naomi Clément

Publié le

Le 20 août dernier s’est tenue à Malmö, en Suède, la finale du Vans Park Series, une compétition internationale organisée par la marque californienne. L’occasion de rencontrer le Brésilien Pedro Barros, l’un des skateurs les plus doués de sa génération.

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Dès notre arrivée à Copenhague, le skate nous saute aux yeux : sur les murs de l’aéroport, de grandes affiches exposent fièrement les routes et les parks des environs, comme si le skate était ici un trésor national. C’est que le Danemark, et plus largement la Scandinavie toute entière, est connu pour constituer l’une des scènes les plus effervescentes du moment.

Dans la ville suédoise de Malmö, qui se situe à douze minutes en train de la capitale danoise, le constat est le même. Mieux encore : au lycée Bryggeriets Gymnasium, le skate est même une discipline à part entière, enseignée au même titre que les mathématiques. “Malmö n’est pas une grosse ville, mais la scène skate qu’elle abrite est massive, nous confie Gustav Eden, chargé de toutes les questions sur le skate à la mairie de Malmö. Ces vingt dernières années, la scène n’a cessé de grandir, notamment parce que nous mettons tout en œuvre pour faire de cette ville l’endroit le plus skatable possible.

Voilà pourquoi Vans a choisi d’installer le 20 août dernier la finale de son Vans Park Series, une compétition internationale et mixte pour laquelle la marque a choisi de construire son propre bowl. Une arène de béton lisse dans laquelle se sont affrontés les meilleurs bowlriders du moment, dont le Brésilien Pedro Barros, l’un des skateurs les plus doués de sa génération. Quelques heures avant de débuter son run, qui le hissera à la seconde place du classement final, ce sportif discret mais déterminé nous a accordé un moment pour nous parler de sa ville natale, de la place des femmes dans l’industrie du skate et de l’entrée de ce sport aux prochains Jeux olympiques.

“Je respirais le skate sans même m’en rendre compte”

Konbini | Tu es l’un des plus grands noms de la scène skate brésilienne, l’un des participants plus attendus de cette compétition, et tu n’as que 21 ans… Pas trop la pression ? 

Pedro Barros | [Rires] Merci ! Écoute, tous les skateurs qui sont là aujourd’hui sont vraiment super bons – ce sont d’ailleurs les meilleurs du monde. On a tous les mêmes chances de gagner, donc je vais essayer de ne pas me mettre trop la pression et de faire de mon mieux. Et de prendre du plaisir, surtout.

Quand as-tu commencé à skater ?

J’ai commencé quand j’avais un an grâce à mon père, qui est également skateur, et son ami Leo, un skateur pro qui avait l’habitude de venir à Florianópolis, où j’ai grandi au Brésil. Ces deux-là m’ont beaucoup influencé. Dans le même temps, la communauté des skateurs a commencé à énormément grossir à Florianópolis quand j’étais jeune, notamment grâce à Léo, qui avait l’habitude d’inviter ses autres amis pro.

Florianópolis est un peu un lieu de fête, avec des très belles plages, de très belles femmes… donc il y avait beaucoup de skateurs qui venaient chaque été pour passer leurs vacances. C’est comme ça que ça a commencé à grandir. Même Bob Burnquist est venu quand j’avais 4 ans ! Dès ma plus tendre enfance, je respirais le skate sans même m’en rendre compte.

Et tu surfes aussi, n’est-ce pas ?

Oui, j’adore ça ! Le surf m’a fait vivre quelques-uns des moments les plus plaisants de ma vie.

“J’espère que les Jeux olympiques donneront une bonne image du skate”

Mais tu préfères le skate. Pourquoi ?

Ce que j’aime dans le skate, c’est que tu dois constamment être dans le contrôle, tu dois être beaucoup plus dynamique. C’est aussi une pratique qui confère une grande part de liberté et de créativité, dans la mesure où tu peux skater où tu veux, quand tu veux – dans la rue, dans un skatepark, sur un parking… C’est un vrai mode d’expression à mes yeux.

Le surf a effectivement quelque chose de réellement relaxant. Mais j’ai l’impression que c’est une pratique plus individuelle : tu attrapes une vague, tu rames, tu fais ton canard, tu reprends une vague… contrairement au skate où il y a une vraie cohésion entre les skateurs. Et puis je crois qu’aujourd’hui, les gens surfent surtout pour le style, pour le statut…

Et pour l’argent aussi peut-être, car c’est devenu une industrie très lucrative…

Oui ! Ce sera d’ailleurs sans doute la même chose pour le skate dans quelques années…

Que penses-tu de l’arrivée du skate aux Jeux olympiques de 2020 ?

Je ne sais pas vraiment ce qu’il va se passer, car ils n’ont pas encore divulgué d’informations quant aux critères, aux formats des runs… donc je n’ai pas encore d’avis là-dessus. Mais je crois que c’est une bonne chose que le skate conquière de nouveaux territoires. J’espère simplement que les Jeux olympiques en donneront une bonne image, qu’ils ne le réduiront pas à une pratique ringarde.

“J’ai envie de skater dans le monde entier”

Dans quelle ville préfères-tu le plus skater ?

Ma ville natale : Florianópolis. C’est là que je suis le plus détendu pour skater. Non pas qu’ailleurs je ne sois pas détendu, mais c’est vrai que quand tu skates dans une nouvelle ville, les gens t’observent beaucoup et tu comprends que tu es attendu au tournant… c’est un peu moins cool.

Tandis qu’à Florianópolis, j’ai tous mes amis, ma famille… C’est la maison quoi ! Mais de façon générale, j’estime que toutes les villes du monde sont parfaites pour skater, tant que tu as un sol bien dur et des gens sympas qui t’envoient une énergie positive.

Y a-t-il une ville dans laquelle tu aimerais vraiment, vraiment skater ?

Oh oui, il y en a plein, trop même ! J’ai envie de skater dans le monde entier, de découvrir des endroits dans lesquels je n’aurais jamais imaginé pouvoir skater. Je crois que c’est ce qu’il y a de plus beau dans le skate : tu peux vraiment skater partout. Bon, sauf si tu te retrouves sur une route vraiment pourrie…

Ou au beau milieu d’un désert…

Ouais [rires]. Mais tant que tu as une surface solide, tu finiras toujours par t’amuser. Donc ouais, j’espère pouvoir être capable de voyager encore longtemps, que mon passeport finisse par être rempli de tampons provenant du monde entier, et que ma planche ait touché toutes les terres de cette planète [rires] ! Mais je n’ai encore que 21 ans, on verra bien où le vent me mène.

Tu as le temps ! D’ailleurs, comment tes proches perçoivent ta carrière professionnelle ?

Mon père est l’un de mes meilleurs amis, avec qui j’ai toujours skaté et voyagé. Tous mes meilleurs potes skatent également… donc je crois que quelque part, on vit un peu cette carrière tous ensemble. J’ai de la chance d’avoir une famille et une petite amie qui me soutiennent dans ce que j’aime faire, c’est très important pour moi. Ce sont eux qui m’encouragent à aller de l’avant.

J’imagine que cet entourage t’aide aussi à garder les pieds sur terre…

Exactement. Il y a quelque temps, j’ai dû m’arrêter de skater pendant plusieurs mois à cause de blessures (je me suis tordu assez sévèrement la cheville, qui a mis 40 jours à se rétablir, puis je me suis cassé la clavicule…). Je n’ai jamais physiquement souffert à ce point. Mais ce qui était tout autant douloureux, c’était de ne pas pouvoir skater, de n’avoir d’autres choix que de regarder les autres skater. C’était vraiment frustrant.

Mais c’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de l’importance du skate dans ma vie. Je ne fais que ça depuis que je suis gosse ! C’est ce qui me rend heureux, c’est ce qui me maintient en vie. À part mes parents, il n’y a rien d’autre d’aussi important.

“Il n’y aucune différence entre hommes et femmes dans le skate”

J’ai l’impression que la scène skate féminine s’est beaucoup développée ces dernières années : les médias s’y intéressent de plus en plus, les compétitions les intègrent de plus en plus… Tu partages cet avis ?

Carrément, et je suis super heureux de le constater. Pendant de longues années, les skateuses ont été victimes de beaucoup de préjugés, beaucoup affirmaient qu’elles n’avaient rien à faire dans ce milieu, des bêtises de ce genre… Donc je suis ravi qu’elles aient réussi à prouver qu’elles étaient capables, tout autant que nous, à rider une board. À mes yeux, il n’y a aucune différence entre hommes et femmes dans le skate.

Il y a d’ailleurs beaucoup de femmes qui skatent à Florianópolis, comme Yndiara Asp, qui a été qualifiée pour ce Vans Park Series. Elle a 18 ans, ne skate que depuis trois ans, et pourtant elle est à Malmö aujourd’hui avec nous, elle parcourt le monde entier grâce au skate ! Je me souviens d’elle plus jeune : c’était une petite fille avec peu d’ambition, tu te demandais vraiment ce qu’elle allait devenir… Et maintenant, elle fait partie des meilleurs skateurs du monde ! Je trouve ça vraiment beau.

Pour moi, il a toujours été question de ça dans le skate : donner la chance aux gens de se surpasser, d’évoluer, de changer de vie. Il n’y a rien de plus gratifiant que ça. Et puis ça te permet de voyager, de rencontrer de nouvelles personnes qui plus tard feront partie intégrante de ta famille… C’est une pratique pour laquelle tu dépenses énormément de temps et d’énergie, mais ce qu’elle t’apporte en retour est réellement magique.

Résultat de la finale homme du Vans Park Series :

1 – Alex Sorgente (États-Unis).
2 – Pedro Barros (Brésil).
3 – Ivan Federico (Italie).

Résultat de la finale femme du Vans Park Series :

1 – Brighton Zeuner (États-Unis).
2 – Jordyn Barratt (États-Unis).
3 – Kisa Nakamura (Japon).

Plus d’informations sur www.vansparkseries.com.