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Comment Instagram change les codes de la vidéo de skate

Comment Instagram change les codes de la vidéo de skate

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Par Naomi Clément

Publié le

“Une chose que Stacy Peralta, le réalisateur de The Bones Brigade Video Show, n’avait pas prévue, c’est la prolifération du magnétoscope. La banalisation de cet appareil a donné aux skateurs la possibilité de regarder chez eux cette première réalisation, ainsi que celles qui ont suivi.
Alors que seule la compétition comptait alors, les vidéos sont devenues, en environ cinq ans, de véritables traces des progrès réalisés en skate. Leur utilisation s’est amplifiée quand toutes les marques se sont mises à filmer leurs skateurs.”

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Puisqu’elle constitue le seul témoin pérenne du talent des skateurs, la vidéo de skate se développe alors massivement, et tout amateur désireux de décrocher un sponsor (le seul véritable moyen de vivre du skateboard) se doit de réaliser son propre film, passant des heures et des heures à tenter de rentrer un trick, et autant d’heures à parfaire un montage digne de ce nom.
Mais voilà : depuis l’avènement des réseaux sociaux, les règles de ce petit jeu semblent bel et bien avoir bougé.

Instagram famous

Dans une tribune publiée le 3 mai dernier sur Kingpin Skateboarding, le journaliste américain Daryl Mersom s’interrogeait sur la façon dont Instagram était devenu une (si non la première) vitrine d’exposition pour les skateurs :

“En dix ans, le skate a énormément changé. Les réseaux sociaux et le développement des smartphones ont rendu la sponsor-me tape [la vidéo que, jadis, un skateur passait des heures à réaliser pour tenter de décrocher un sponsor, ndlr] quasiment obsolète. On peut à présent être célèbre sur Internet.”

Et pour cause : toutes les plus grandes marques et les magazines les plus influents du monde du skate ont un œil grand ouvert sur Instagram, et les comptes dédiés au repost des meilleures vidéos partagées sur le réseau ne cessent d’affluer. À l’ère des années 2010, il semble donc tout à fait possible de se faire un nom en deux tricks et 60 secondes.

Un nouveau genre de vidéo de skate ?

Ce que l’on constate en parallèle, c’est que grâce à Instagram, la nouvelle génération de skateurs réinvente petit à petit la vidéo de skate traditionnelle.
Originellement caractérisée par sa réalisation tout en fisheye, ses montages relativement lents et ses figures en skatepark, la vidéo de skate à l’ère d’Instagram se distingue par un montage rapide fait de répétitions, de slow motion, de zooms et de tricks effectués dans la rue, sur un sol plat et sans obstacles (remettant ainsi au goût du jour le skate flat des années 90).
Ces nouveaux formats ont même affecté les productions de certains longs métrages, comme le #Pleasecharge de Converse“, poursuit Daryl Mersom dans sa tribune. D’autres encore, s’amusent de la multiplication de ces mini-vidéos, à l’instar de Jeffrey Srnec et Mike Teves, qui proposent (avec un second degré propre à la légendaire insolence du skateur) un petit tuto pour “réaliser une vidéo branchée sur Instagram“.

“Tout filmer sur un téléphone, faire le montage en quelques minutes… ça change”

Doit-on pour autant dire adieu à l’esthétique qui a fait de la vidéo de skate un genre à part entière ? “Non”, nous répond Arthur Giat. Pour ce skateur bordelais de 20 ans à l’origine du collectif Perdu, qui filme depuis ses 14 ans, passé et modernité peuvent tout à fait se conjuguer au présent.
“C’est vrai qu’Instagram a révolutionné les vidéos de skate : tout filmer sur un téléphone, faire le montage en quelques minutes puis le poster direct sur l’appli… ça change, nous confirme-t-il. Mais ça ne remplacera jamais les vidéos traditionnelles, celles pour lesquelles tu passes vraiment du temps à filmer un peu partout sur les spots. Pour moi, Instagram, c’est des vidéos filmées comme ça, au dernier moment, quand tu te dis que ça pourrait être cool de faire ce trick et que t’as pas de caméra avec toi.


D’ailleurs, Arthur Giat s’apprête à sortir un film sur YouTube, qu’il a réalisée entre Bordeaux, Paris et Barcelone à l’aide d’une Sony VX2000. Et il est loin d’être le seul à se prêter au jeu du long format, loin de la brièveté et de l’instantanéité d’Instagram.
En 2014, Supreme dévoilait par exemple Cherry, une vidéo de 38 minutes réalisée par William Strobeck, qui mettait notamment en scène les jeunes et talentueux Tyshawn Jones, Sage Elsesser, Aidan Mackey ou Dylan Rieder. Plus récemment, les Français Greg Dezecot et Olivier Fanchon offraient Parisiiqui visait à rendre hommage, arrondissement par arrondissement, aux meilleurs spots de la capitale française.
Autant de projets qui prouvent que dans le monde du skate, progrès ne rime pas nécessairement avec rejet du passé. Oui, Instagram change quelque peu les règles du jeu et offre des possibilités inédites à la nouvelle génération de skateurs. Mais ces derniers, malgré leur jeune âge et leur intense présence sur les réseaux sociaux, semblent ne pas oublier les traditions et les origines qui ont fait du skate une culture fascinante. Et c’est tant mieux.