Témoignage : homo et séropo

Témoignage : homo et séropo

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Par Konbini

Publié le

Nouvelle ville et nouvelle vie

J’ai décidé d’entamer une année de psychologie, pour finalement abandonner. Après quelque temps à me torturer l’esprit, j’ai finalement trouvé un petit boulot en centre de loisirs. Animateur. Cela me correspondait bien mais ça ne me disait pas ce que je ferai ensuite. Tant pis, j’avais au moins quelque chose pour l’année.
J’avais également trouvé quelqu’un, enfin un amour véritable. Des nuits entières à parler, des jours entiers à s’aimer. Des rires, des soupires, de la drogue et du sexe. Au début, la capote était là, elle nous suivait. Puis nous avons décidé de ne plus la mettre, elle nous gênait. Alors les jours passèrent, les heures semblaient être des secondes…

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“Putain, faudrait peut-être se faire dépister !
– Je comptais le faire, mais ne t’inquiète pas, il n’y a aucune raison d’avoir quoi que ce soit.”

Ce jour où ma vie à basculé

Un soir, j’ai reçu un appel téléphonique. Le médecin a parlé de résultats douteux. Il avait une voix douce, calme mais inquiète. De suite, un rendez-vous a été fixé le lendemain matin à l’hôpital, à dix heures. Quant à moi, j’étais là, devant l’appartement de mon frère, prêt à passer une excellente soirée. Et tout s’est effondré. Une sensation inconnue, la mort est venue. Je ne savais pas de quoi il s’agissait mais j’imaginais déjà le pire, comme quiconque, je pense, aurait réagi à ma place.
Les larmes ont coulé, encore et encore. Mains tremblantes, souffle coupé. Je ne savais que penser. Quelles étaient mes priorités ? À qui je devais en parler ? J’ai décidé, au bout de longues minutes, d’appeler les seules personnes pouvant m’écouter à ce moment précis, ma famille. C’était ma mère au téléphone, elle paraissait tout autant sereine qu’affolée. En vérité, elle ne m’a pas dit grand-chose, certainement parce qu’elle ne comprenait pas ce qui était en train d’arriver à son enfant.
Plus tard, je suis allé dehors. “De l’air !” Je me suis assis, et j’ai pleuré, encore. Mon frère est venu me voir : “Ça va ?  – Oui, oui, t’inquiète pas.” Il a commencé à me parler de je ne sais quoi et tout est sorti, d’un coup, parce que je n’en pouvais plus. Il m’a répondu calmement : “Tu sais, c’est peut être un faux positif, ça arrive. Et puis, tu ne sais même pas si c’est de ça qu’il s’agit. Dis-toi bien que dans tous les cas c’est moins pire que si t’avais de l’herpès. T’imagines ? Tu puerais de la bite pour le reste de ta vie !” J’avoue qu’il a trouvé les bons mots, au bon moment.
J’ai ensuite rejoint mon compagnon. Je lui avais déjà annoncé la nouvelle mais on ne s’était pas encore vus. Je l’ai pris dans mes bras, et les larmes ont de nouveau coulé. C’était tellement bouleversant qu’il n’a pu se retenir de vomir. Nous sommes ensuite rentrés pour dormir… ou du moins essayer.
Ce fut la nuit la plus longue de ma vie. Les choses s’embrouillaient dans mon esprit. J’imaginais tous les scénarios possibles. Et voilà qu’il fallait se lever et se préparer. Je suis parti en direction de l’hôpital, accompagné par les deux personnes les plus importantes à ce moment précis, la seule véritable amie et la personne qui partageait ma vie. Le trajet fut bien silencieux, angoissant même. Nous avons marché dix minutes, dix minutes qui semblaient une éternité. Je n’ai rien dit, pas un mot. Puis nous sommes arrivés à l’hôpital.
Mon compagnon m’a attendu dehors pendant que je m’imaginais mille et une choses à côté de mon amie. J’étais face à ces murs d’un blanc foudroyant, je sentais cette odeur morbide qui rôdait dans ces lieux. Je n’avais plus qu’une idée en tête, le SIDA. Il y avait des posters de prévention juste en face de moi. Rien d’autre qu’un mur creux à ma droite, mon amie en pleurs à ma gauche. L’attente fut interminable. C’était comme si j’attendais une sanction que je connaissais déjà, comme si on allait m’annoncer la fin. Mon médecin ouvrit enfin la porte. C’était à moi. Je suis entré dans son bureau.
Il m’a alors annoncé mes résultats. Je n’ai pas réellement compris ce qui était en train de se passer, ce que mon médecin me disait. Mon cerveau a juste retenu une chose : “On a détecté la présence du VIH dans votre sang.” Je me suis alors senti vide, totalement vide. Il m’a parlé de ce que c’était, des risques que j’encourais, du traitement et de tout un tas de choses que j’ai écouté aussi bien qu’ignoré.

“Nous allons vous refaire des analyses pour vérifier que ce n’est pas un faux positif”

L’espoir revint. Et si finalement je n’avais rien ? Ce n’est pas possible que ça m’arrive, pas à moi. On m’a alors refait une série d’analyses en commençant par une prise de sang. L’infirmière m’a prélevé une fiole de sang, puis deux. Non, ce n’est pas assez. Une quinzaine de fioles. J’ai également eu droit à de nombreusess questions aussi gênantes les unes que les autres : “Avez-vous eu des rapports homosexuels ? Combien depuis un an ?”

Protégés ou pas ?

Un pédé séropositif, le grand stéréotype des “sodomites”. Je me sentais humilié puis honteux face à ces médecins qui luttent depuis plus de trente ans contre ce virus.
En sortant de l’hôpital, j’ai appelé mes parents. Ils m’ont dit qu’ils arrivaient dans l’heure. Je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’il se passait. Nous étions rentrés chez moi, et j’étais assis là, sur mon canapé, à regarder dans le vide. Pas un son, pas un bruit, rien.

“DRIIIIING”

La sonnette retentit. Cela a été un retour très brutal à la réalité. La réaction de ma mère, qui est entrée la première, ne m’a pas surprise. Elle était face à moi, larmoyante, ne désirant rien d’autre que d’avoir son enfant dans ses bras. Mon père est à son tour entré. Il était d’une blancheur incroyable, les yeux aussi rouges que s’il avait une conjonctivite. Tant de larmes, tant de tristesse, je ne l’ai jamais vu à ce point dévasté. Cette image restera marquée à vie dans ma mémoire. Dans mon cœur. En ce jour, ma famille s’est déchirée autant qu’elle s’est soudée.
Les jours qui ont suivi ont été longs, très longs. J’ai continué à espérer, tant bien que mal. Ma mère, ne travaillant pas, a été là, chaque jour en attendant l’appel de l’hôpital, jusqu’à ce fameux mercredi, le 2 décembre. Le verdict était tombé. En effet, j’étais séropositif, depuis un mois. La phase de primo-infection : “Ce n’est rien.” Non, c’était trop.
Nous en avons conclu que c’était mon compagnon qui m’avait transmis le virus. Il était donc aussi séropositif, et depuis plus longtemps que moi. Je n’ai rien dit, jusqu’au moment où il m’a posé la question fatidique : “Tu l’as depuis combien de temps ?” Comment dire à la personne qui vous aime que c’est elle qui vous l’a transmis ? J’ai contourné la question puis j’ai fini par le lui dire. C’était terriblement dur. Il était “responsable”, et il le savait.
Ce même jour, on m’a demandé de commencer une trithérapie. Ce que j’ai fait, car je ne savais pas quoi faire d’autre. “À quoi bon attendre, je n’ai plus rien a perdre.” Cela n’a pas été aussi simple.
Les jours suivant, j’ai vu ma vie comme anéantie. Je me suis senti sale, et sali. Je me suis senti trahi, seul. J’avais cette impression que tout le monde voyait ce que je portais en moi. C’était ridicule… Personne ne pouvait le voir, mais je me sentais observé. Au moindre de mes déplacements, je tombais sur une prévention contre le sida, ou sur un camion de dépistage, de don du sang. Je me sentais cerné, comme emprisonné dans un lieu où l’on me rabâchait constamment mon erreur.

L’égarement

Cela a finalement détruit mon couple. On ne se touchait plus, on ne s’embrassait plus. On parlait, certes, mais cela ne fait pas tout. Nous avions trop à nous occuper de notre santé pour nous préoccuper de notre couple. Donc nous nous sommes égarés, nous nous sommes oubliés. Les trois mois qui ont suivi la nouvelle ont été très compliqués d’un point de vue émotif. Je me perdais dans l’angoisse et j’ai été infâme avec certaines personnes qui ne le méritaient pas.
Je ne comprenais pas l’impact que cela pourrait avoir sur ma vie. Le virus est bien présent, il est bel et bien réel. Je n’arrivais plus à me regarder, je n’arrivais plus à me sentir bien. “Ce corps n’est pas le mien.”
J’ai décidé de remettre de l’ordre dans ma vie, que ce soit dans mon entourage ou dans mes projets, tant professionnels que personnels. J’avais l’impression que je ne pouvais rien changer au mal-être que je subissais. Chaque fois que je me blessais, qu’une minuscule goutte de sang coulait, j’imaginais ce virus se propageant. Alors je me cachais. Je m’isolais. Le sang est la seule chose où le virus est présent, visible, donc saigner c’était laisser ce virus s’emparer de moi. Je ne voulais pas que les autres me voient saigner, je ne voulais pas qu’ils me touchent.
J’étais comme un yo-yo faisant des va-et-vient du plus bas vers le plus haut. Un jour j’étais euphorique et je me sentais au meilleur de ma forme, le lendemain tout s’effondrait, de nouveau. Sachez que c’est un virus qui est réel et qui, une fois installé dans vos veines, ne repart jamais. Un traitement à vie, des précautions à chaque instant, et une honte qui s’abat sur votre personne.

Le traitement

J’ai également eu du mal à accepter mon traitement. Le premier mois, j’ai eu de grosses nausées, je me sentais rongé de l’intérieur. C’était comme si j’avais le mal de mer. Parfois je me sentais mieux car la mer était calme. D’autres fois, les vagues se heurtaient violemment contre le navire.
Une fois cette période passée, j’ai oublié de le prendre…
Une fois, deux fois, puis huit fois car je ne l’acceptais pas. Je refusais d’admettre que oui, j’avais le VIH. J’ai donc longtemps réfléchi à l’idée d’arrêter le traitement, pour me rendre compte de sa nécessité. Je ne voulais pas le voir comme un moyen de survivre mais comme un moyen de vivre encore plus.
Les résultats d’analyse qui ont suivi m’en ont fait prendre conscience : ma charge virale était déjà presque négative. “La prochaine fois, dans trois mois, vous serez indétectable.” Qui dit indétectable dit plus de transmission. Plus de risques… Ou presque. Un soulagement, pas certain… Mais des médicaments en moins.

L’entourage

Après avoir appris ma séropositivité, j’ai ressenti le besoin d’en parler, beaucoup. Je devais cracher toute cette haine, toute cette douleur que j’avais engloutie en moi. Mes amis n’ont pas trop su comment réagir, ce que je comprends. Certains ont pleuré, d’autres ont parlé. Le peu de ma famille au courant s’est effondré sur le moment, puis ils m’ont accompagné, m’ont soutenu.

“La vérité, c’est que si je porte ce virus aujourd’hui, c’est de ma faute”

Mon compagnon en avait parlé à certains de ses amis, lorsqu’ils ont appris que c’est lui qui m’avait contaminé, ils l’ont traité comme un criminel. “Ah mais, t’es un meurtrier, en fait !” Quelle belle connerie. Il n’était pas un meurtrier, non, il a juste agi dans l’inconscience, comme moi.
La plupart des personnes qui le savent me disent qu’elles sont désolées. Que cela n’aurait pas dû m’arriver, que c’est terrible. La vérité, c’est que si je porte ce virus aujourd’hui, c’est de ma faute. Je suis le seul et unique responsable. On m’a répété toute ma vie de me protéger, on me l’a toujours dit. En ne le faisant pas, je savais au fond de moi que je m’exposais à ce virus comme à tant d’autres.
Nous pouvons aimer une personne du plus profond de notre cœur, et lui accorder la confiance la plus totale, malheureusement ça ne suffit pas. Ce virus est là, il revient en force et s’adapte. En agissant ainsi j’ai fait honte à mon éducation, à ma famille.
Plusieurs fois, mes pharmaciens (je vois rarement le même) me demandent si cela est un traitement préventif. Chaque fois que je dis que non, une gêne s’installe, la pitié s’impose dans le regard des gens. Je n’ai pas besoin de pitié, c’est ma faute et j’en assume les conséquences.
C’est étrange, cette sensation que j’ai. J’aimerais qu’on me demande plus souvent si ça va, comment je le vis. Et a contrario, j’aimerais que plus personne ne le sache, comme s’il n’avait jamais existé. C’est une question complexe mais très présente dans mon quotidien. “Il sait ce que j’ai alors pourquoi il ne me demande pas ? Il s’en moque sûrement…” Difficile de comprendre ce que les gens ont dans la tête quand ils l’apprennent.
C’est ma faute, oui. Mais je n’accepterai pas que l’on me juge sur ça. Les conséquences sont là, bien présentes, et je les assume au quotidien. Ce serait comme dire à un cancéreux qu’il n’avait qu’à moins fumer. Ce serait stupide.

Aujourd’hui

Cela fait maintenant onze mois que je suis séropositif, et je suis actuellement indétectable. Je ne peux donc normalement plus le transmettre par le sang. Étant encore récent, le virus reste présent dans le sperme et les sécrétions, je dois donc toujours prendre énormément de précautions. Je pensais qu’être indétectable serait un soulagement, que ça m’apporterait de nouveau une liberté. La réalité c’est que ça n’a rien changé pour le moment, mis a part le fait qu’au lieu de prendre trois médicaments par jour, je n’en prends plus qu’un.
J’ai récemment commencé à cauchemarder. Chaque nuit. Je ne me souviens même plus de ce qu’est un sommeil réparateur, profond. Chaque soir, je m’installe dans mon lit. Tranquillement, je ferme les yeux. Et à partir de ce moment rien ne va plus. Des images de sexe tournent dans ma tête, des scènes toutes aussi dérangeantes les unes que les autres. Réveil en sueur, larmoyant. Mon corps se met à trembler, à se contracter. Puis le sommeil tarde à revenir. Je ne veux plus dormir.
Ce virus ne fait pas de nous des monstres. Pour ma part il m’a poussé à vivre plus intensément, plus passionnément. Il m’a poussé à accomplir certaines choses dont je me sentais incapable d’un point de vue professionnel comme personnel. Il m’a aussi permis de voir la réalité en face. Aujourd’hui, je suis séropositif… comme beaucoup trop de personnes. Mais d’autres personnes meurent tous les jours, elles ont des maladies plus graves que la mienne, et, contrairement à moi, ne pourront jamais s’en sortir.

L’ignorance

Ce qui m’accable le plus aujourd’hui c’est l’ignorance des gens face à cette maladie. Sachez qu’on ne meurt plus du sida. On a un traitement adapté à son virus et à sa présence plus ou moins élevée dans le système immunitaire. On vit normalement avec ce virus. La seule chose qui n’est plus normale, c’est le relationnel car, justement, il y a cette ignorance qui rôde autour de nous.
N’ayez pas peur d’un séropositif. C’est la plus grande douleur que j’ai pu ressentir. Le fait d’être repoussé parce que la plupart des gens pensent qu’on est encore au stade où ce virus nous conduisait droit vers la mort. C’est faux, du moins, ce n’est plus vrai. Même lorsque l’on a le sida, on peut encore être sauvé. N’oubliez pas qu’il y a toujours un espoir.

Le sexe

Le sexe était quelque chose dont je raffolais. Non pas que je ne me respecte pas, mais voilà, il n’y a pas de honte à aimer le sexe. Et, depuis que le VIH est là, c’est différent. Je ne ressens plus ce besoin de sexe. Je ne m’en sens plus capable.
En attrapant ce virus, j’ai perdu une certaine forme de liberté, une certaine force d’insouciance. L’insouciance de pouvoir coucher avec qui on veut sans être obligé de dire : “Tiens au fait, j’ai le VIH !” Un autre sentiment est désormais présent, un besoin d’amour et de compréhension. Je ne me sens plus capable de coucher avec n’importe qui, et même avec quelqu’un que je fréquente depuis un bout de temps. Les choses sont plus compliquées.
Comment dire à une personne à qui l’on tient que l’on a ce truc en nous, qu’il y a des risques de transmission. Comment trouver le bon moment ? J’ai hésité quelques fois à ne rien dire à certains, et il m’est arrivé de le dire trop tard. Mais il en va de ma responsabilité. Je ne peux pas faire ça, je n’en ai pas le droit.
Quand bien même la personne en face “accepte” le fait que cela soit présent, et qu’elle décide de prendre le risque, cela reste difficile de ne pas y penser. Contaminer quelqu’un à mon tour serait une plus grande douleur encore. Non seulement, je n’aurai pas été capable de faire attention à moi-même, mais j’apporterais ce fardeau à un autre.

Les autres

Suite à la nouvelle et à ma séparation, j’ai voulu parler à des garçons, sur des sites. J’ai d’abord commencé par dire ce que j’avais, de manière directe, cash. “Comme ça, j’aurais moins mal s’ils réagissent brutalement plutôt que de créer un lien qui se cassera brutalement après leur avoir annoncé la nouvelle.”
Cela ne m’a pas aidé. Certains m’ont dit qu’ils s’en fichaient, mais ce n’était pas le cas de la plupart des gens. Beaucoup me disaient qu’ils ne pourraient rien construire avec “quelqu’un comme moi”. Qu’ils ne voulaient pas de “ça”.
De même, j’avais commencé à parler à un garçon, il voulait que l’on se rencontre, qu’on discute. Il disait vouloir partager des moments de tendresse. Après de longues minutes de réflexion, j’ai fini par le lui dire.

“Ecoute, je suis séropositif.
– Ah, heu… Ça va pas être possible.”

Ensuite je n’ai plus eu de nouvelles, sûrement parce qu’il avait pris peur. il faut savoir que pour la plupart, les séropositifs sont des monstres. Je peux comprendre que les gens aient peur de ça, mais rien ne justifie de les repousser, de stopper net la conversation juste parce que oui, ça complique les choses.
Un jour, j’ai parlé à un garçon. On a vaguement dialogué puis il m’a dit qu’il était séropositif et qu’il cherchait un autre séropositif pour “partager” nos expériences. Il a commencé à me demander comment je le vivais, comment les gens réagissaient. Je me suis beaucoup ouvert sur ce sujet avec lui jusqu’au moment ou il m’a dit : “C’était une blague ! Je ne suis pas séropositif je voulais juste savoir ce que ça fait d’avoir ça.” Cela fut blessant, gênant et humiliant.
Nous ne sommes pas des bêtes de foire, des monstres ou des meurtriers. Nous sommes humains, comme vous, la seule différence c’est qu’on prend un médicament, tous les jours, comme une femme prendrait sa pilule. Comme un épileptique prendrait son traitement. C’est ce genre de comportement qui poussent à ne plus faire confiance à quiconque. Qui nous rend encore plus honteux.

La bêtise

J’ai rencontré un garçon récemment. On a très peu parlé avant de se voir, juste quelques mots et hop, il s’est retrouvé chez moi, assis, là, à mes côtés. On a encore une fois assez peu parlé, ou du moins, pas de sujet très profond. Puis il m’a embrassé. Notre rendez-vous s’est plus ou moins résumé à ça. Il m’a dit qu’il ne voulait rien de sérieux, qu’il voulait juste profiter.
Je n’ai pas vraiment réagi, même si ce n’est pas ce que je recherchais. Nous nous sommes revus dans la soirée, j’étais avec des amis, lui avec les siens, et nous nous sommes rejoints. Nous avons bu, parlé. J’avoue que j’étais carrément soûl. Nous nous sommes ensuite éloignés et là il a commencé à me toucher. Les préliminaires ont alors commencé. Sur le moment, je n’ai même plus pensé au VIH. Tout ce que je voyais, c’était ce bel homme, qui était autant attiré par moi que je l’étais par lui. Nous sommes ensuite rentrés.
Le lendemain, j’ai repensé à cette soirée. Il voulait me revoir, mais je ne lui avait pas dit. J’étais déjà indétectable, donc le risque était nul, mais je me sentais coupable de ne pas avoir été honnête. De plus il m’avait demandé si j’avais déjà eu des “problèmes”. Donc des MST. J’ai répondu “non”. J’étais terrifié à l’idée de lui dire. Comment aurait-il réagi ? Peut être serait-il parti. Ou bien il m’aurait repoussé. Je n’en savais rien, mais je ne voulais pas prendre ce risque.
J’ai finalement décidé, le lendemain, de le lui dire. Il m’a répondu. “Tu aurais dû m’en parler, mais je ne t’en veux pas. J’aurai préféré savoir ça plutôt que de croire que je ne t’attirais pas.” Réaction assez inattendue, je l’avoue. On a continué à se voir, pendant un ou deux mois. On a commencé à vraiment parler, à vraiment partager. Nous n’avons jamais couché ensemble, d’une part parce que je ne m’en sentais pas capable, d’autre part parce que, j’imagine, lui non plus.
Cet homme m’a fait comprendre que malgré ça, il est toujours possible de se sentir désiré. Que ce virus n’est rien. Que je ne suis pas un danger du moment que l’on fait attention.

Le coupable

Le seul coupable, c’est moi. Un homme m’a contaminé, il n’a pas fait attention et aurait dû se faire dépister avant. Mais j’étais aussi conscient que lui des risques de ne pas se protéger. Évidemment, je lui en ai voulu, parce qu’il est le contaminant. J’ai pété les plombs contre lui, j’ai éprouvé une rage folle envers lui. Mais après réflexion, il n’a fait que m’aimer et vouloir partager de réelles sensations avec moi. Je ne peux pas lui en vouloir pour mon ignorance face aux maladies sexuellement transmissibles. Je n’ai pas le droit de décider qu’il est seul coupable.
Comprenez bien que les gens qui transmettent ce virus vivent plus ou moins la même chose que ceux qu’ils ont contaminés. Avec, en plus, une culpabilité et un poids sur la conscience. Vous ne voulez pas vous protéger ? Bien, mais alors n’allez pas accuser celui qui vous l’a transmis. Il est de la responsabilité de chacun  de se protéger. Pour revenir à l’exemple des cancéreux, c’est comme s’ils allaient accuser les fabricants de tabac sous prétexte que c’est eux qui le fabriquent et que donc c’est de leur faute. Non, nous sommes une espèce dotée d’un libre arbitre. C’est donc la responsabilité de chacun d’en faire bon usage.
Si j’ai un conseil à vous donner aujourd’hui, c’est : ne soyez pas stupide. Qu’est ce qui vaut vraiment le coup ? Une partie de jambes en l’air “basique” avec une capote ? Ou un virus présent à vie ? De même, ne repoussez pas quelqu’un de séropositif, même si, oui, cela complique les choses. Vous n’êtes pas obligé de coucher avec quelqu’un pour lui montrer que vous êtes là. Juste l’écouter.
Vous avez ici le témoignage personnel et subjectif d’un jeune homme de 19 ans contaminé depuis maintenant un an. Tirez en ce que vous voulez, mais comprenez l’importance de se protéger et comprenez surtout que les séropositifs ne sont rien d’autre que des hommes, comme vous.
* Le prénom a été modifié