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Google va enfin écarter les sites négationnistes de son moteur de recherche

Google va enfin écarter les sites négationnistes de son moteur de recherche

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Par Thibault Prévost

Publié le

La prochaine mise à jour de l’algorithme du moteur de recherche écartera systématiquement les sites “qui ne font pas autorité”.

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Google rentre à son tour dans la chasse aux fausses infos. Après Facebook ou Twitter, le moteur de recherche le plus utilisé du monde vient d’annoncer une mise à jour de son algorithme dans le but avoué de réduire la présence de la désinformation tout en haut de ses résultats de recherche. “Des ajustements récents dans l’algorithme de Google aideront à faire apparaître des contenus plus crédibles et de meilleure qualité”, explique la firme de Mountain View à Fortune, qui précise que les résultats “qui ne font pas autorité” seront mis de côté.

Comme Facebook ou Twitter, Google avait jusque-là du mal à adopter (officiellement) une politique de modération, préférant laisser son algorithme tel quel pour ne pas être accusé de censure (spoiler : vos résultats de recherche son déjà modifiés en fonction de vos habitudes de navigation, ce qui revient au même). Néanmoins, depuis quelques mois, le moteur de recherche se voyait accusé de faire la part (beaucoup trop) belle aux résultats négationnistes et à la désinformation autour de la Shoah, alors que les sites d’extrême droite commencent à bien comprendre comment fonctionne le SEO (search engine optimization, l’art de bien apparaître sur Google). Pire: jusqu’à récemment, la fonction d’autocomplétion des termes de recherche associait automatiquement “Jews” (juifs) à “Evil” (diabolique). Google a depuis rectifié le tir.

Le 11 décembre dernier, un article au vitriol du Guardian insistait sur le fait que non seulement Google, comme il le prétend, n’est pas un service neutre, mais qu’il est également responsable de la dissémination d’une propagande xénophobe et antisémite en ligne (doublement responsable, même, puisqu’il réalise du profit sur l’indexation de ces pages). Suffisant pour forcer l’entreprise à changer de politique ? Peut-être. La promotion récente d’un certain milliardaire anglo-saxon à un certain poste politique à responsabilité, qui entérine la domination actuelle des Internets par ce qu’on appelle maintenant “l’alt-right” (un euphémisme poli pour évoquer les suprémacistes blancs outre-Atlantique) y est aussi probablement pour quelque chose.

Google propage la désinformation depuis toujours

Quelque part, ce qu’il y a d’étonnant avec cette histoire de fausses infos, c’est que ça ne nous a jamais dérangé avant aujourd’hui. De tout temps, Google a servi de canal de diffusion à toutes les conneries les plus farfelues jamais nées de la prodigieuse imagination du cerveau humain. Tous les complotismes, de la mort de Tupac aux chemtrails, des Illuminati du Nouvel Ordre mondial aux reptiliens en passant par la Terre plate ou creuse, la Planète X, les anciens aliens – bon, là, vous avez compris que j’ai une passion malsaine pour ces trucs – ont toujours vécu en colocation harmonieuse sur les pages de résultats de recherche. Les plateformes haineuses, discriminatoires, racistes et xénophobes aussi. Bref, Google propage du fake, plus ou moins illégal et malintentionné, depuis sa création.

Pourquoi semblons-nous tous avoir découvert la désinformation en ligne, les bulles de filtrage et la “post-vérité” (l’un des mots de l’année, on le rappelle) il y a six semaines ? Parce qu’à la différence d’antan, Internet fait désormais autorité médiatiquement. Pas les sites d’informations en ligne, non, “Internet”. Le média tout entier est devenu une source légitime, qui se place désormais en concurrence avec le “système médiatique”, celui qui faisait encore autorité jusqu’à la décennie passée, pour le monopole de la “vérité”. Les contre-vérités s’affichent à la une et si certains y voient l’échec retentissant de la relation entre médias traditionnels et politique, d’autres, comme Libération, y décèlent “l’échec de l’utopie Internet”. Celle qui prédisait, avec un sourire extatique, que la mise en commun des savoirs de l’humanité ferait accéder tout un chacun à un niveau de conscience critique jamais envisagé jusqu’alors. Qu’enfin éduqué et informé par une infinité de sources, le quidam illuminé, luisant de sagesse, saurait alors balayer d’une main méprisante les populismes et les discours de haine. La réalité ne saurait être plus éloignée.

“La post-vérité”, un torrent de boue qui envahit les fleuves de l’information

Dans les faits, les fachos d’hier ont juste trouvé dans Internet un moyen d’alimenter leur propagande, de se radicaliser, de constituer des groupes d’action bien plus nombreux que dans la vraie vie et, pour finir, de s’organiser en ordre de bataille pour conquérir de vastes pans de l’information médiatique. À ce titre, Reddit, dont la page de une est désormais gangrenée par l’alt-right, est probablement la plus belle allégorie de la mutation en cours sur toute l’information en ligne. La liberté d’expression sous son aspect libertaire, au cœur de la philosophie d’Internet, crée patiemment ce monstre depuis des décennies, dans l’ombre de nos bulles de filtrage et de notre univers médiatique consensuel. Aujourd’hui, les cloaques sortent de leurs lits, et on appelle ça “la post-vérité” en regardant effrayé le torrent de boue envahir les fleuves de l’information. L’Histoire retiendra peut-être 2016 comme ce moment charnière où, sans prévenir, la horde souterraine a déboulé sans prévenir à la surface, renversant l’oligarchie médiatique en ligne pour planter sa bannière pseudo “antisystème” sur les moteurs de recherche. Que Facebook, Google, Twitter et les autres se mettent à modérer activement les contenus ne changera rien dans l’immédiat : le coup d’État sur l’information a déjà eu lieu.