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Dans un futur proche, les algues pourraient remplacer le bacon

Dans un futur proche, les algues pourraient remplacer le bacon

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Fresh salad with raw dulse and a ginger-dulse vinegarette dressing. Dishes created by Jason Ball at the Food Innovation Center in Portland, Oregon. Dulse is a type of seaweed variety currently being grown and researched at the Hattfield Marine Science Center in Newport, Oregon by Chris Langdon. The FIC, Hattfield, and the Oregon Business School […]

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Par Arthur Cios

Publié le

Abalone, Oregon et friture d’algue

Chris donc, est chercheur pour le Centre de Science Marine de l’Université de l’État de l’Oregon. Ses spécialités sont la nutrition des huîtres, la polyculture de l’haliotis (abalone en anglais, mollusque populaire de la cuisine asiatique) ou encore la microencapsulation. Chacun ses trucs, après tout. Il découvre la fameuse algue dans le milieu des années 1990, nous raconte-t-il.

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Je développais un système de co-culture avec la dulse et l’abalone. Le concept du système était que l’ammoniac et le dioxyde de carbone produits par le mollusque soient repris par l’algue, qui convertirait tout cela en protéine, le tout ensuite consommé par l’abalone… un cycle nutritif en fait. Cette approche a d’ailleurs été adoptée par une ferme d’abalone à Hawaii.
Pour ce projet, nous avions sélectionné une souche de dulse qui poussait particulièrement vite, et qui avait une morphologie de “pompon” plutôt intéressante. D’ailleurs, la souche a été brevetée par l’Université de l’État de l’Oregon.

En développant ces recettes basées sur la dulse, il remarqua qu’un goût de bacon ressortait lorsque l’algue était cuite en friture ou sautée à la poêle. Nous avons fait une recherche approfondie sur Internet, et nous avons trouvé plusieurs témoignages plus anciens reportant ce goût de bacon chez la dulse. [On retrouve même des traces de cuisine à base de l’algue en Islande au XIIème siècle, ndlr]
D’ailleurs, quelqu’un nous a contactés récemment pour nous dire qu’il mangeait depuis quelques temps des sandwiches DLT (dulse, laitue et tomates) au lieu du BLT (bacon, laitue et tomates) – il s’agit d’un sandwich typique que les Américains adorent.

Ni une ni deux, le chef s’emballe et exploite le filon jusqu’au bout. Il testa donc l’algue bacon dans pas moins de 50 recettes, dans des ramen lyophilisés, des burgers végétariens, des mélanges d’arachides, des substituts de sel, et même des bières. “Tout simplement, nous essayions une gamme de recettes et de mélanges avec d’autres aliments afin de trouver le meilleur usage de l’algue dans de la cuisine saine” explique le chercheur.

De l’expérience scientifique à nos assiettes

Pour l’instant, la production se limite à de petites quantités, suffisantes pour la recherche et le développement de quelques produits. Car à Portland, plusieurs restaurants proposent déjà des plats avec de la dulse, même si cela reste de “l’expérimentation” plus qu’autre chose.
Pour ainsi dire, l’algue ne présente a priori que des avantages. D’ailleurs, Chris ne lésine pas d’informations pour le montrer et le démontrer.

La dulse contient une quantité plutôt impressionnante de protéines pour une algue (au-delà de 18% une fois déshydratée), en plus des minéraux, vitamines C et E, iode, acides gras polyinsaturés et autres antioxidants. C’est une nourriture très saine.
De plus, la culture de cette dernière est très écologique puisqu’elle supprime les éléments nutritifs dissous et le dioxide de carbone de l’eau pendant sa croissance, en plus de réduire les effets d’eutrophisation côtière et d’acidification des océans. Son empreinte écologique est bien plus petite que celle de l’élevage de cochon pour le bacon.

Chuck précise quant à lui que la plante, dans des conditions optimales, pousse cinq fois plus vite que d’autres aliments tels que le maïs, par exemple. “Il s’agit de la source de protéine la plus productive sur Terre. Cela a des implications non seulement dans la production et la vente du produit, mais cela peut même aller jusqu’à aider la faim dans le monde’” explique-t-il dans la vidéo ci-dessous.

Seul petit bémol : son prix. Actuellement, il se vend environ 60 dollars le demi-kilogramme. Une petite somme qui devrait réduire, vu la rapidité de pousse de la plante. Surtout, Chris espère interpeler des compagnies privées, potentiellement intéressées par la production à grande échelle et la vente de la dulse dans un futur proche.
En attendant, le chercheur a encore une flopée d’idées concernant l’algue magique.

Nous sommes intéressés par la manipulation du milieu de culture de la dulse afin de modifier sa morphologie, sa composition nutritive et son goût. Les résultats initiaux semblent vraiment prometteurs. Nous prévoyons également d’entreprendre des recherches (en accord avec le département d’agriculture de l’Oregon) sur le développement d’un système de re-circulation de la dulse afin qu’elle puisse grandir bien au-delà de la côte, histoire de rendre la culture de l’algue indépendante de son besoin d’eau de mer.
Si cela fonctionne correctement, cela veut dire que des gens pourront en cultiver à Paris et fournir des restaurants locaux avec de l’alimentation fraîche de manière quotidienne – temps qu’il y a du soleil.

D’ici là, le premier produit commercial ne devrait pas tarder à débarquer dans certains supermarchés américains à travers… une sauce à salade, puis des gâteaux apéritifs.