First Impressions : quand le Guardian vous met dans la peau d’un nouveau-né

First Impressions : quand le Guardian vous met dans la peau d’un nouveau-né

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Par Thibault Prévost

Publié le

First Impressions, un film en réalité virtuelle produit par le quotidien britannique, permet de percevoir le monde comme un enfant en (très) bas âge.

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Comment perçoit-on le monde lorsque l’on vient à peine d’y élire domicile ? À quoi ressemblent les couleurs, les sons, les odeurs et les textures lorsque l’on en a jamais connus d’autres ? Comment reconnaît-on ceux qui nous entourent, comment les différencie-t-on des autres êtres humains sans avoir conscience des liens de parenté qui nous unissent ? La question de la perception chez le nouveau-né est une interrogation fascinante, qui revient à explorer le Big Bang de la conscience, l’explosion primordiale du soi qui forme le socle de la personnalité à venir.

En s’appuyant sur les résultats offerts par la recherche sur la vision des couleurs chez le nouveau-né et, plus généralement, sur l’étude de la cognition dans les premiers moments de l’existence, le Guardian a conçu une fascinante vidéo, First Impressions, qui utilise l’artifice de la réalité virtuelle pour placer le spectateur dans la peau d’un être humain tout juste venu au monde, de sa naissance à sa première bougie. Pour le voir, les utilisateurs doivent d’abord télécharger l’application Guardian VR pour le dispositif Daydream de Google avant de pouvoir plonger dans un monde de couleurs floues et de perceptions incomplètes, un monde que nous avons tous totalement effacé de nos mémoires d’adultes.

À moins de 30 centimètres, un gosse ne vous reconnaît pas

Derrière le résultat visuel, il y a néanmoins pas mal de science pure : pour concevoir First Impressions, la journaliste du Guardian Nicola Davis s’est rendue au “baby lab” de l’université du Sussex, en Angleterre, pour comprendre comment les bébés perçoivent leur environnement. Elle nous apprend qu’à la naissance, un enfant perçoit tout comme brouillé, car il ne possède que 5 % de la vision d’un adulte. Il faut quelques mois de développement pour qu’apparaisse la vision stéréoscopique, qui permet d’envisager la profondeur de champ. Pour qu’un bébé identifie votre visage et ne vous relègue pas à une forme indistincte, vous devez nécessairement être à moins de 30 centimètres du sien. Rassurez-vous, la règle n’est valable que dans les six premiers mois, après quoi votre enfant accède à une vision optimale – ou doit passer chez l’ophtalmo, c’est selon.

Ce que les chercheurs tentent désormais de comprendre, c’est comment la perception des enfants évolue aussi rapidement, et pourquoi. Contrairement au mythe répandu, explique la chercheuse Anna Franklin, les enfants ne voient pas en noir et blanc, mais ne peuvent distinguer que certaines couleurs de base – “rouge, vert, bleu, violet et une sorte de jaune marron”. Ils sont en revanche capables de ranger très tôt les couleurs par catégorie – en comprenant par exemple que lavande, indigo, cyan ou bleu canard sont des variantes de bleu. Selon les résultats de ces chercheurs, les autres couleurs –l’orange ou le rose, par exemple – n’apparaissent qu’avec le développement du langage.

Des résultats fascinants qui dépassent le simple domaine de la petite enfance et ouvrent une fenêtre vertigineuse sur l’essence même de la perception, voire de la relation entre le langage et le fonctionnement de la pensée (similaire à la problématique centrale de Premier contact, celle de l’hypothèse linguistique Sapir-Whorf). À quel moment l’acquis (la parole) supplante-t-il l’inné comme outil de perception ? Doit-on nécessairement inventer des couleurs pour pouvoir les percevoir ? Un adulte qui ignore tout de la couleur orange ne la verra-t-il jamais ? Si vous avez un casque de réalité virtuelle sur vous, n’hésitez pas à vous transformer en nouveau-né, c’est dépaysant.