Après 44 ans d’enquête, le FBI renonce à résoudre l’affaire D.B. Cooper

Après 44 ans d’enquête, le FBI renonce à résoudre l’affaire D.B. Cooper

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Par Thibault Prévost

Publié le

L’enquête sur le pirate de l’air D.B. Cooper, qui disparut en 1971 en sautant d’un Boeing 727 avec 200 000 dollars en liquide, vient d’être refermée par le FBI.

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Chou blanc, donc. Quarante-quatre ans après la disparition de D.B. Cooper dans ce qui reste l’une des énigmes les plus mythiques de l’histoire judiciaire américaine, le FBI vient d’admettre dans un communiqué, daté du 12 juillet, que malgré toutes ses ressources et ses efforts, après avoir “vérifié toutes les pistes crédibles”, il ne parviendra probablement jamais à démêler les nœuds de cette extraordinaire disparition.

Pour espérer connaître le fin mot de l’histoire, il faudra désormais se tourner vers les enquêteurs amateurs, qui ne lâcheront probablement jamais l’affaire et continueront à faire vivre une enquête débutée il y a quatre décennies.

Qui est D.B. Cooper ? Cette phrase — au moins aussi énigmatique que la question “Qui a tué Laura Palmer ?” de Twin Peaks — hantera probablement l’esprit de milliers de passionnés d’investigation jusqu’à leur mort. Car à la différence de la fiction de David Lynch, qui fournissait finalement un coupable, la réalité n’a pas été aussi miséricordieuse : D.B. Cooper n’existe pas. Ce n’est pas le nom de l’homme qui, le 24 novembre 1971, s’assit dans un Boeing 727 de Northwest Orient Airlines à destination de Seattle, État de Washington.

Ce n’est pas non plus celui du quadragénaire, vêtu d’un costume noir, qui commanda un whisky et un coca durant le vol, fuma quelques cigarettes, fit signe à l’hôtesse de l’air d’approcher et lui passa un mot dans lequel il précisait qu’il possédait une bombe dans son attaché-case et réclamait 200 000 dollars (environ un million de dollars actuels, soit 900 000 euros) et quatre parachutes en échange des 36 otages de l’avion. Cet homme-là s’était présenté sous le nom de Dan Cooper (un nom qui pourrait provenir d’une bande-dessinée franco-belge de 1954).

Un saut à 3 000 mètres… en costard

Une fois les otages libérés à Seattle, le pirate de l’air, désormais lesté de parachutes et d’un paquet de cash, garda avec lui les membres d’équipage et fit redécoller l’avion en direction du Mexique (sans pour autant avoir la moindre intention de s’y rendre).

Au beau milieu de la nuit, dans une région de forêts denses entre Seattle et Reno (Nevada), Dan Cooper cantonne l’équipage dans le cockpit, attache son butin autour de son torse, enfile un parachute, ouvre la porte arrière de l’avion et saute. De 3 000 mètres d’altitude, par -56°C, en chaussures de ville et veste de costume, et en laissant sa cravate derrière lui.

Tel est le point de départ de l’enquête NORJAK, l’une des plus grandes chasses à l’homme de l’histoire des autorités fédérales, qui interrogea 800 suspects et suivit des milliers de fausses pistes, d’indices ne menant nulle part et de théories farfelues, à tel point que la surabondance de coups de fil a peut-être été la raison de la fermeture de l’enquête, explique Le Monde.

5 800 dollars pourris en billets de 20

Bien avant Internet, le cas D.B. Cooper — le nom lui-même aurait été inventé par les médias à la suite d’une erreur — s’incruste rapidement dans le folklore des légendes urbaines américaines et devient la personnification de l’échec du tout-puissant FBI, un gentleman cambrioleur loué pour son ingéniosité et sa classe — braquer un avion en costard, faut quand même le faire.

Les années sont passées et le Bureau ne tient pas la moindre piste. En 1980, au bord de la rivière Columbia de l’État de Washington, un jeune garçon découvre 5 800 dollars en vieux billets de vingt dollars complètement pourris, dont les numéros de série correspondent à ceux livrés au pirate de l’air. Coup de fouet pour l’enquête… et puis non. Toujours rien.

Alors que D.B. Cooper a, depuis, eu droit à son film, ses chansons, ses produits dérivés, son clin d’œil dans Twin Peaks et même son “Cooper Day” dans l’État de Washington, la théorie la plus répandue dans les couloirs du FBI, notamment par le responsable de l’enquête David Carr, est que l’homme n’a jamais survécu à son saut de l’ange, quand bien même il aurait  fait partie de l’Air Force (la BD n’a jamais été traduite en anglais) et serait donc un parachutiste de métier.

Avec l’émergence des forums en ligne, l’enquête est ensuite devenue l’une des grandes marottes des communautés d’enquêteurs amateurs, qui s’en donnent à cœur joie. Récemment, c’est la télévision qui a redonné un coup de fouet au mythe, le nom de D.B. Cooper étant évoqué dans les séries Prison Break et Numb3rs.

Car l’homme, qu’il ait réussi ou non son coup, se sera quand même élevé au-dessus du criminel moyen : malgré ses huit cigarettes fumées dans l’avion et laissées dans le cendrier, et malgré l’abandon de sa cravate, aucune empreinte ni trace ADN n’aura pu être exploitée.

En dépit de 44 ans de chasse à l’homme, d’une équipe dédiée au cold case et d’un financement indépendant, le FBI n’aura jamais pu arrêter aucun suspect. L’affaire D.B. Cooper reste aujourd’hui la seule affaire de piraterie de l’air non résolue de l’histoire américaine. Et ça, ça vaut bien une page Wikipédia.