25 évêques français auraient couvert les abus sexuels de 32 prêtres

25 évêques français auraient couvert les abus sexuels de 32 prêtres

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© Alessandra Benedetti/Corbis via Getty Images)

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Par Thibault Prévost

Publié le

Une enquête de Mediapart révèle que 25 évêques auraient couvert, durant des années, les abus sexuels de 32 prêtres. 339 victimes présumées seraient concernées.

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Les comparaisons avec Spotlight, la transposition cinématographique oscarisée de l’enquête journalistique ayant révélé le scandale des prêtres pédophiles de Boston, sont inévitables. Et c’est tout à l’honneur de Mediapart et de ses journalistes, Daphné Gastaldi, Mathieu Martinière, Mathieu Périsse et Donatien Huet, qui publient ce 20 mars le résultat d’un an d’enquête sur la dissimulation d’abus sexuels au sein de l’Église catholique française. Et si les faits énoncés par le site d’information sont avérés, le scandale est sans précédent : 25 évêques, dont 5 encore en activité, auraient “méthodiquement couvert, en connaissance de cause” et durant des années, les abus sexuels et actes de pédophilie de 32 prêtres pour un total de 339 victimes présumées.

Selon Mediapart, associé pour l’occasion aux équipes de l’émission de France 2 Cash investigation (qui diffusera le mardi 21 mars un documentaire sur les prêtres pédophiles “exfiltrés” par l’Église pour échapper aux poursuites), les agissements des hommes d’église auraient cours depuis les années 1960 dans 17 diocèses français (dont 14 en métropole, qui en compte 93), au Canada, en Suisse et en Guinée-Conakry, et la moitié des agressions constatées auraient eu lieu après 2000. Sur les 339 victimes présumées, 288 étaient âgées de moins de 15 ans lors des faits.

Mais plus encore que les auteurs des actes, ce que dénonce l’enquête de Mediapart, c’est la complaisance et la complicité de leurs supérieurs directs, les évêques, en un chiffre ahurissant : 28 des 32 prêtres soupçonnés d’abus sexuels auraient ainsi été “exfiltrés” dans d’autres diocèses pour échapper à la justice – vers l’Afrique quand les actes s’étaient produits en France, vers la France quand les actes avaient eu lieu à l’étranger. Un système de dissimulation bien rodé, tandis que l’Église a souvent répondu à ces scandales par un silence assourdissant.

Le cardinal Barbarin à nouveau visé

L’enquête de Mediapart contient un nom déjà associé à des scandales de pédophilie au sein de l’Église catholique française : celui du cardinal de Lyon Philippe Barbarin, que l’enquête des journalistes identifie comme l’un des cinq évêques complices encore en activité. Déjà visé par une enquête en 2016, finalement classée sans suite, le cardinal Barbarin aurait été au courant des agissements de cinq prêtres (dont ceux du père Preynat, accusé de pédophilie sur 72 scouts de la région lyonnaise dans les années 1980 et 90), sans jamais en faire part à la justice. Idem pour les évêques de Bayonne, de Besançon, du Mans et du supérieur de la fraternité Sainte-Pie-X, dont le siège est en Suisse. Les 20 autres évêques identifiés par l’enquête ont quitté leur poste ou sont décédés.

Si la justice est finalement parvenue à faire son travail, la majorité des prêtres soupçonnés d’abus sexuels ayant fait l’objet de plaintes (parfois rendues caduques par le délai de prescription), peu d’entre eux auront subi des sanctions, et surtout pas de la part de l’Église. Pire : selon Mediapart, plus de 90 prêtres soupçonnés d’abus sexuels auraient bénéficié, depuis les années 1990, de ce processus d'”exfiltration” systématique de l’Église. À la suite du reportage de Cash investigation le 21 mars, l’intégralité de l’enquête sera publiée, le 22 mars, dans un livre intitulé Église, la mécanique du silence (éd. JC Lattès). De quoi braquer un peu plus les projecteurs sur les arrière-cours de l’Église catholique française.