États-Unis : un nouveau jugement laxiste perpétue la culture du viol

États-Unis : un nouveau jugement laxiste perpétue la culture du viol

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© End Rape/Facebook

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

Coupable d’avoir drogué et violé sa sœur

BuzzFeed News, qui avait d’ailleurs relayé cette lettre, a rapporté ce samedi 27 mai une autre affaire de viol, dans laquelle la justice a apparemment eu de nouveau à cœur d’épargner le violeur au détriment de sa victime – sa petite sœur de 16 ans. Nolan Bruder, un Californien de 19 ans, fumait de la marijuana et de l’huile de haschisch (une forme très concentrée de haschich) avec sa sœur dans sa chambre, le 11 juillet 2016. Il a alors poussé cette dernière à en consommer, tout en lui demandant de coucher avec lui. Elle a refusé plusieurs fois, et il a continué d’insister jusqu’à ce qu’elle soit trop stone pour résister.
Le Los Angeles Times rapporte qu’elle a déclaré à la police : “Finalement, ça a atteint un tel point que je ne pouvais plus dire ‘non’, je ne savais même pas comment, alors j’ai fini par coucher avec lui.” BuzzFeed rapporte qu’elle a également dit qu’elle n’avait “probablement pas” la capacité de résister, et que sur une échelle de 1 à 10, elle planait à 9 et ne reconnaissait donc plus son frère.

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Une culpabilité rejetée sur la victime, et non sur le violeur

Nolan Bruder a reconnu les faits et plaidé coupable. Dans un rapport, un agent de probation a recommandé une peine de six ans de prison, argumentant que si le jeune homme présentait un risque modéré de récidive, il n’avait néanmoins pas l’air d’assumer la responsabilité de ses actes. D’après le Los Angeles Times, il aurait en effet “essayé de normaliser, minimiser et excuser son comportement prédateur” auprès des agents de probation.
Le 17 mai dernier, ce violeur n’a cependant été condamné qu’à deux cent quarante jours dans la prison locale et trois ans de liberté surveillée. Selon BuzzFeed, le système de réalignement prévu par la Californie devrait lui permettre de ne faire que la moitié de sa peine de prison, soit quatre mois.
Le juge William Follett aurait justifié sa décision par le fait que la victime n’était pas inconsciente et avait enlevé ses vêtements elle-même – sous-entendant donc qu’elle était consentante –, et qu’être inscrit au registre des délinquants sexuels, avec le “stigmate” de la condamnation, dissuaderait le violeur de récidiver. Une façon de rejeter la culpabilité sur la victime, tout en minimisant le crime commis.

“Les juges doivent commencer à penser aux victimes”

Depuis l’affaire Brock Turner, la loi californienne prévoit que tous les viols, y compris ceux impliquant un état d’ivresse ou de la consommation de drogues, soient punis par un minimum de prison, et interdit aux juges de décider d’une libération conditionnelle pour ces crimes. Mais cette loi n’est passée que le 1er janvier 2017, alors que Nolan Bruder a commis ce viol en juillet 2016. Le juge Follet n’était donc pas dans l’obligation de la respecter. Le procureur du district a pourtant confié à BuzzFeed News être choqué par la légèreté de la peine donnée au jeune homme :

“À plusieurs égards, cette affaire est encore plus monstrueuse que Brock Turner. […] Cet accusé a profité de sa position de confiance en tant que personne de la famille de la victime. […] Quel message est-ce que cela envoie aux futurs délinquants ?”

Il a donc demandé au juge d’appliquer la nouvelle loi, soulignant que “les juges doivent commencer à penser aux victimes”. La victime a quant à elle écrit une lettre au juge Follett en lui demandant d’être compréhensif… avec son frère. Elle a reconnu que ce qu’il lui avait fait était mal, mais qu’elle ne pensait pas qu’il recommencerait.
Parallèlement à cela, leurs parents, leurs grands-parents, la petite amie de Nolan ainsi que ses amis ont écrit au juge afin de louer toutes les qualités du jeune homme et de le défendre. Sa sœur a-t-elle subi la pression de son entourage pour minimiser le crime qu’elle a subi ? Plusieurs des lettres allaient apparemment jusqu’à la présenter comme une participante volontaire, plutôt qu’une victime.

De l’importance d’élire des juges prenant “les crimes sexuels au sérieux”

Michele Dauber, professeure de droit à Stanford et amie de la victime de Brock Turner, a déclaré au Los Angeles Times que la peine de Nolan Bruder montrait qu’il y avait une “incapacité à tenir un jeune homme pour responsable d’un écœurant crime sexuel”. Selon elle, “puisque le service de probation a bien recommandé de la prison, c’est un cas où le juge montre ses préjugés”.
Elle mène, de son côté, une campagne contre le juge s’étant occupé de l’affaire Brock Turner, pour qu’il soit renvoyé. Elle appelle donc à des mobilisations similaires :

“Tant que les femmes ne commenceront pas à utiliser le pouvoir qu’elles ont dans les urnes pour élire des juges qui prennent les crimes sexuels au sérieux, cela continuera de se produire. C’est pourquoi le renvoi du juge Persky est si important. Nous envoyons un message : trop, c’est trop. Les femmes en ont marre de ce genre de choses.”