Enfants du terril : vivre malgré la misère, le docu qui m’a foutu les boules 

Enfants du terril : vivre malgré la misère, le docu qui m’a foutu les boules 

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Par Jeanne Pouget

Publié le

Mardi 28 mars, France 2 diffusait dans l’émission Infrarouge un documentaire intitulé Enfants du terril : vivre malgré la misère suivant le quotidien de Théo et Loïc, deux frères de 10 et 15 ans dans une cité minière de la ville de Lens. Un film d’utilité publique que nos gouvernants feraient bien de prendre la peine de regarder pour prendre conscience des réalités. 

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“Ma mère, elle travaille pas donc elle a presque pas de sous […] Mais le lundi, le mardi et le jeudi, si elle a rien à faire à manger elle va aux Restos du cœur […] Parfois, je préférerais avoir des gâteaux et tout parce que des fois le matin je ne déjeune pas. Avant, quand ma mère avait des sous je mangeais des céréales. Maintenant, je bois du café […] Des fois, c’est des frites, des frites, des frites, et puis après c’est des pâtes, mais après c’est re des frites et moi j’en ai marre, et Loïc aussi.”

À dix ans, Théo explique son quotidien de petit garçon qui ne mange pas toujours à sa faim. À 10 ans, il habite avec sa mère, au RSA, et son frère Loïc, 15 ans, dans la cité déshéritée 12/14 près de Lens. La maturité teintée d’innocence avec laquelle il parle de la pauvreté force l’admiration et donne envie de hurler sur cette société qui laisse dans la misère des gamins plus conscients des réalités que nos dirigeants.

Notre République n’est pas digne de ces enfants

“C’est dur à raconter mon histoire. Je ne sais pas pourquoi la vie elle est comme ça, en fait, et je me pose 1 000 questions. La vie, c’est l’ascenseur, les montagnes russes. Il y a toujours des barrières qui viennent t’empêcher d’avancer dans la vie. Moi je passe par dessus les barrières.”

Âgé de quinze ans à l’époque du tournage il y a un an, Loïc, harcelé à l’école pour avoir “avoué” son homosexualité a développé une phobie scolaire et reste cloîtré chez lui, quand il ne va pas jouer dans les ruines de son quartier avec son frère. Tous deux racontent une misère que l’on n’est pas censée vivre à cet âge, en France, en 2017. Et surtout, je ne cesse de me demander en les écoutant comment leur récit peut encore être si poétique et leur analyse si lumineuse malgré des épreuves trop précoces. Aussi beau qu’insupportable, ce document force le respect et l’histoire de Théo et Loïc mériterait bien d’atterrir en DVD sur le bureau de nos politiques et candidats à la présidentielle, et de tous ceux qui nous gouvernent.

7 mai 2017, mon cul

À l’heure où le discours ambiant oscille entre la culpabilisation des Français qui ne travaillent pas assez ou touchent trop d’aides sociales, où l’immigration est pointée du doigt et où la gauche noyée par ses ego est incapable de se rassembler et de respecter les vœux des électeurs de la primaire, je suis atterrée. La déconnexion de nos élites (d’ailleurs, à mes yeux, ces gosses sont tellement plus brillants que nos énarques) m’est insupportable et je ne comprends même pas par quel miracle ces gamins qui, par, ailleurs reflètent le profil de milliers d’autres, n’ont pas sombré dans la délinquance.

Je suis fière de vivre dans un pays qui produit de tels documentaires autant que j’ai honte que ce genre d’histoire, digne d’un roman de Zola, y ait encore droit de cité. Quand je vois la gauche, la droite et les extrêmes se renvoyer la balle sur la situation de la France, s’époumoner en rabâchant des vérités générales et se faire des coups tordus pour accéder à la “fonction suprême” et aux ors de la République j’ai peu d’espoir pour l’avenir de Théo, de Loïc et de tous les autres qui devront s’en sortir tout seuls. Enfin, avec le soutien notable des aides sociales et du corps enseignant que certains de nos candidats jugent par ailleurs obsolètes…

Je suis “française de souche” comme dirait l’autre, issue d’une famille de classe moyenne tendance sup’, ayant grandi et fait des études supérieures à Paris. Pour moi, l’élection présidentielle n’a aucun enjeu : le Front national ne me mettra pas dehors, la droite ne m’enrichira pas plus que la gauche ne m’appauvrira ou ne me retirera des droits. Et pourtant, ce genre de récit de jeunes de mon pays me désenchante profondément et tend à montrer, s’il le fallait encore, que les inégalités auront raison d’une République qui moisit dans les méandres de ses beaux discours.

Le documentaire Enfants du terril : vivre malgré la misère de Frédéric Brunnquell est disponible en Replay sur Francetv pluzz.