En Afrique du Sud, des étudiantes reçoivent une bourse à condition de rester vierges

En Afrique du Sud, des étudiantes reçoivent une bourse à condition de rester vierges

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Par Olivia Cassano

Publié le

Une municipalité d’Afrique du Sud propose une bourse aux étudiantes, mais elles doivent remplir une condition : être vierge et le rester. Sexiste et injuste, cette mesure pose problème.

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En Afrique du Sud, un maire a pris la décision d’octroyer des bourses à 16 étudiants. À deux conditions : les bénéficiaires doivent être des filles (jusqu’ici, tout va bien) et elles doivent être vierges (là, c’est très problématique).

“Pour nous, c’est une manière de vous remercier pour votre pureté et vous pouvez continuer à vous protéger les trois prochaines années, jusqu’à l’obtention de votre diplôme ou de votre certificat d’études”, a expliqué le maire d’Uthukela, Dudu Mazibuko.

Les bourses d’étude seront renouvelées tous les ans “si l’enfant est en capacité de fournir un certificat qui prouve qu’elle est encore vierge”.

Jabulani Mkhonza, porte-parole de la municipalité, a expliqué à AP que le but était d’encourager les “jeunes filles à rester pures, ne pas devenir sexuellement actives et se concentrer sur leurs études”. Elles devront donc passer des tests de virginité – ce qui est légal en Afrique du Sud – au début de chaque semestre, et à chaque fois qu’elles reviendront de vacances. Si une fille “échoue” à ce test très intrusif, sa bourse sera supprimée.

Schools in South Africa granting
(© AFP)

Sans surprise, les défenseurs de l’égalité des genres ont critiqué cette mesure, car elle sous-entend que la virginité d’une femme est gage d’intégrité intellectuelle.

“Je pense que les intentions du maire sont bonnes mais nous n’acceptons pas que la virginité soit une condition à remplir pour obtenir une bourse”, a expliqué le président de la Commission pour l’égalité des genres, Mfanozelwe Shozi. Cette discrimination basée sur la grossesse, la virginité et même contre les garçons est problématique. Ça va trop loin.”

La virginité est un mythe

Les opposants aux tests de virginité, qui considèrent cette pratique sexiste et intrusive, ont essayé de les interdire à plusieurs reprises en Afrique du Sud. Mais ses défenseurs expliquent qu’ils permettent de “préserver la tradition”. En plus, selon eux, ils ont été modernisés, et informent les jeunes filles sur les appareils reproducteurs et les risques de MST. C’est tout de même assez étrange de sensibiliser les filles au sida en leur mettant deux doigts dans le vagin, mais bon, je ne suis pas gynécologue.

Mis à part le fait que surveiller la sexualité des femmes est tout simplement aberrant, rien ne prouve qu’une femme est vierge. Les “tests de virginité” consistent à examiner l’hymen pour voir s’il a été déchiré ou déformé par un rapport sexuel, alors que le simple fait de faire du vélo ou de l’exercice physique suffisent à altérer cette membrane. Sans compter que les hymens ont des formes très variées. Résultat : la plupart des moyens utilisés pour vérifier si une femme est vierge sont des mythes.

Aussi, les tests de virginité ne prennent pas en compte les rapports homosexuels et ceux non pénétrants. Autre argument, plus sombre celui-ci, les femmes qui ont été violées n’ont donc aucune chance d’obtenir ce genre de bourse. Résultat : cette bourse est arbitraire.

Schools in South Africa are offering scholarships to virgin girls
(via Tumblr)

Traduction : “Laissez-moi vous parler de toutes ces conneries de merde.”

L’abstinence ne fonctionne pas 

Selon le maire Dudu Mazibuko, la bourse est destinée seulement aux filles car elles sont tout particulièrement vulnérables face aux risques de grossesse précoce et de MST. En effet, AP explique que 20 000 femmes encore étudiantes étaient enceintes en 2014, et c’était le cas de 5,6 % des femmes sud-africaines âgées entre 14 et 19 ans en 2013.

Seulement, il a été prouvé à plusieurs reprises que non seulement les campagnes pour promouvoir l’abstinence ne permettent pas de réduire le nombre de grossesses précoces et la transmission de MST, mais qu’en plus, elles véhiculent de fausses informations sur l’efficacité de la contraception et font, la plupart du temps, culpabiliser les jeunes femmes. D’un autre côté, il a été prouvé qu’une bonne éducation sexuelle, basée sur des faits scientifiques, et libre de toute idéologie, est efficace.

La sexualité fait partie de l’humanité et ne pas donner accès à l’information met en danger des personnes vulnérables.

South Africa is giving scholarships only to virgin girls
(via Tumblr)

Traduction : “Ne faites pas l’amour, sinon vous allez tomber enceinte et mourir.”

Consentement ou contrainte ?

Malheureusement, les jeunes femmes qui veulent faire des études n’ont pas trop le choix en Afrique du Sud. Beaucoup d’étudiants ne peuvent pas se permettre de payer les frais universitaires, qui ont encore augmenté de 10 à 12 % l’année dernière. Ils se tournent donc vers des bourses, comme celle proposée par le maire d’Uthukela.

On peut donc se poser une question fondamentale : ces tests de virginité obligatoires sont-ils consentis ou contraints ? Le Dr Tlaleng Mofokeng, médecin membre de la Sexuel and Reproductive Justice Coalition, a expliqué à IOL :

“Ce n’est pas normal, juste parce qu’elles sont pauvres, noires et qu’elles ne connaissent pas leurs droits. Elles savent que ce n’est pas bien, mais elles se disent aussi : ‘c’est ce dont j’ai besoin pour avancer dans la vie.’ Si l’une d’elle se rebelle, toute seule, au sein d’un large groupe et qu’elle refuse le test, elle sera ostracisée. Donc elles apprennent à se faire malmener juste pour avoir accès à l’éducation.”

Comme l’explique cette femme médecin, “les garçons ont juste à se lever, aller à l’école et courir après les filles. Alors que les filles se lèvent, font le ménage chez elles, souvent au détriment de leur éducation, passent des tests de virginité et subissent le harcèlement et les sifflements”.

Le Dr Tlaleng Mofokeng soulève ainsi une bonne question. Pourquoi la virginité ne s’applique qu’aux filles ? Les jeunes hommes devraient être tout autant responsables que les filles face à une MST ou une grossesse indésirée. Non seulement ces tests sont sexistes, mais en plus les filles doivent choisir entre deux droits fondamentaux, la sexualité et l’éducation.

De toute évidence, on ne peut pas dire que ces femmes sont consentantes quand elles passent ces tests, car en refusant, elle se fermeraient des portes. Que feriez-vous, vous, à leur place ?

Sexualité ou éducation ? Il faut choisir.
Sexualité ou éducation ? Il faut choisir. (© Flickr)

C’est injuste de juger l’intelligence d’une personne en fonction de ce qu’elle fait de son corps. Et récompenser les filles chastes, qui restent “pures et se concentrent sur leurs études” ne leur apprend clairement pas à s’affirmer en tant que femmes.

Les filles ne devraient pas avoir à choisir entre l’éducation et la sexualité, et la virginité ne devrait pas être une condition pour octroyer une bourse à une étudiante. Si l’argent de ces bourses injustes était investi dans des cours d’éducation sexuelle, des campagnes de prévention contre le sida et des services de conseils sur la sexualité, cette municipalité n’aurait pas à prendre une mesure aussi drastique pour réduire le taux de grossesses non désirées et la propagation des MST.

Traduit de l’anglais par Hélaine Lefrançois.