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Que vaut vraiment Ello, le réseau social anti-Facebook ?

Que vaut vraiment Ello, le réseau social anti-Facebook ?

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Par François Oulac

Publié le

Réseau hipster

Un premier constat évident : malgré de nombreux relais dans les médias, Ello semble pour l’instant rester un phénomène cantonné à un public jeune, urbain et connaisseur des nouvelles technologies.
Félix, 21 ans, est community manager à Paris : il a naturellement connu Ello par son travail. Valentino, 23 ans, habite Charleroi. Animateur radio et étudiant en infographie, il a connu le site “via des community managers [qu’il] sui[t] sur Twitter”, tandis que Sébastien, 27 ans, consultant en communication visuelle à Saint-Brieuc, s’est mis à Ello dès les débuts de la version bêta. Quant à Amélie, 30 ans, bibliothécaire à Choisy-le-Roi, elle a eu vent de l’existence du site par “[sa] bande de geeks”. 
Elle ajoute être une habituée des réseaux sociaux en tous genres :

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Je teste en général tous les réseaux sociaux, j’ai même été inscrite sur Google Wave en son temps. Présente sur Tumblr, Twitter, Pinterest, Instagram, Google+, Snapchat et d’autres trucs que j’ai zappé, j’ai simplement complété ma collec’.

Ces profils sont en accord avec la cible d’Ello, réseau branché et restreint auquel on n’accède que sur invitation. Le fondateur du site, l’artiste et designer Paul Budnitz, déclarait au Monde ne pas viser une base extrêmement large :

Si nous arrivons à rassembler 100 000 utilisateurs réguliers d’Ello, nous aurons rempli notre objectif.

Tant pis donc si votre grand-mère ne connaît pas Ello. Conséquence logique, nos quatre internautes interrogés ont un nombre réduit de contacts – une dizaine en moyenne, à part pour Valentino qui suit 165 personnes et est suivi par 36 abonnés.

Une interface peu intuitive

La première difficulté sur Ello vient de l’interface, dure à appréhender lorsqu’on vient de Facebook – c’est-à-dire comme l’immense majorité des internautes ainsi que 100% de notre échantillon. Si Sébastien a vite trouvé ses marques, Valentino trouve le site “peu pratique et peu intuitif”. Amélie dénonce carrément “une ergonomie WTF” et n’a “toujours pas compris comment ça fonctionne vraiment”.
Même Félix, qui est community manager, a du mal à prendre le site en main :

C’est en même temps très simple et épuré, et assez peu intuitif je trouve. Je me demande d’ailleurs si c’est parce que le site est encore en version beta, ou bien s’il s’agit d’une volonté propre à Ello pour opérer un certain tri parmi ses utilisateurs. J’ai peur que cette interface ne condamne le potentiel de croissance du site une fois la “hype” de la nouveauté passée.

L’interface d’Ello ne favorise donc pas la migration d’un public largement acquis à Facebook. Mais encore une fois, est-ce là son objectif ?

Facebook, un mal nécessaire

Parmi ceux qui nous ont répondu, personne ne voit Ello comme un possible remplaçant de Facebook mais plutôt comme une “nouvelle expérience complémentaire et parallèle”, comme l’explique Amélie. Le réseau Zuckerberg reste la plateforme privilégiée pour communiquer avec les amis, les proches et les contacts professionnels. Ce qui n’empêche pas nos sondés d’être très critiques envers FB.
Valentino, étudiant en infographie, ne mâche pas ses mots quant aux défauts de Facebook :

Facebook est vraiment devenu insupportable : publicités omniprésentes, un fil d’actualité avec 95% de contenus non pertinents, etc. Au final, je me rends compte que j’y reste uniquement parce que mes amis et mes contacts professionnels y sont. Le site est de mon point de vue très laid et trop “bruyant”.

L’expérience plutôt zen d’Ello l’a donc immédiatement séduit :

Le fait qu’il n’y ait pas de like ou de favoris/retweet est génial ! La tyrannie du like n’existe pas sur Ello, ce qui produit des publications moins tape-à-l’oeil et plus originales.  De plus, Ello ne me demande aucune information personnelle, on peut s’inscrire sous pseudonyme.

Valentino reproche tout de même à Ello son manque de richesse et d’options.

“Vous n’êtes pas un produit”

Ello apparaît alors que les affaires liées à la vie privée sur Internet se multiplient. Entre le piratage massif de photos de stars cet été (le Fappening) ou celui dernièrement d’utilisateurs de Snapchat (le Snappening), c’est peu dire que l’angoisse de la protection de la vie privée occupe l’esprit des utilisateurs. Roi des réseaux sociaux, Facebook se trouve régulièrement sous le feu des critiques pour son appétit de données personnelles à des fins lucratives.
Dans un tel contexte, le manifeste d’Ello se veut angélique :

Votre réseau social est la propriété d’annonceurs […] Nous pensons que ceux qui fabriquent des choses et ceux qui en font usage devraient agir en coopération. Nous sommes convaincus qu’un réseau social peut être un outil de responsabilisation. Pas un outil pour tromper, contraindre et manipuler mais pour se connecter, créer et célébrer la vie.

Et de conclure :

Vous n’êtes pas un produit.

On croirait entendre Tyler Durden.

Cette posture peine pourtant à convaincre certains observateurs sceptiques qui font valoir qu’un réseau social ne peut pas vivre de philanthropie et d’interfaces mal fichues. Sur ce point, nos quatre internautes tombent d’accord : la protection des données et l’absence de publicités oui, mais alors où trouver de l’argent ?
Félix veut croire “qu’il s’agit d’un postulat sincère avant d’être un argument pour promouvoir le site”. Sébastien est plus nuancé :

Je le crois, mais comme beaucoup d’entre nous : [Ello] n’est pas philanthrope. Alors sur quel modèle économique compte-t-il s’appuyer ? Si c’est en proposant des options et outils payants, alors il irait à contresens de son discours car la “communication entre les personnes” sur le Web n’a pas à être à plusieurs vitesses en fonction de notre porte-monnaie.

Valentino, lui, veut voir l’émergence d’un nouveau modèle économique :

Nous allons peut-être découvrir un nouveau modèle économique pour les réseaux sociaux, un modèle économique non basé sur la publicité. Mais il faudra bien que ce site génère de l’argent pour qu’il vive. La solution qui est de rendre l’accès au site payant en est une, mais est-ce que les internautes sont prêts ?

Il reste donc à voir la direction que prendra Ello après la fin de la version beta. Avec le risque d’être l’énième rival mort-né de vous-savez-qui.