Elle demande à Tinder ses données personnelles : elle reçoit 800 pages

Elle demande à Tinder ses données personnelles : elle reçoit 800 pages

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

On savait, juridiquement, que Tinder récoltait des données sur notre vie intime. Mais on ne se doutait pas que, physiquement, il y en avait autant. Une journaliste raconte quelle a été sa réaction en prenant connaissance de son “bilan Tinder”.

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Après avoir utilisé compulsivement Tinder pendant un peu plus de trois ans (totalisant 870 matchs et 1 700 messages envoyés), Judith Duportail, une journaliste française, s’est demandé quelles sortes d’informations la société américaine avait pu accumuler sur sa personne numérique. Épaulée d’un militant de la protection de la vie privée et d’un avocat, elle a formulé sa demande par mail en mars dernier, invoquant, pour justifier sa requête, une directive européenne, un “act” britannique et une loi française.

Le résultat a dépassé toutes ses espérances : Tinder lui a remis un rapport de 800 pages. Dans ce document : des historiques de ses activités sur Facebook et Instagram (Tinder incite à la synchronisation des comptes) alors que le compte Instagram n’était plus synchronisé et des informations personnelles acquises directement via son utilisation de Tinder (fréquence des connexions, âge des personnes qui suscitaient son intérêt, etc.).

À la lecture de ses données, la journaliste raconte avoir ressenti de la culpabilité : ses informations, parfois très intimes ont été partagées “volontairement” avec l’entreprise. Et de citer Luke Stark, un sociologue en technologie digitale à l’Université de Dartmouth (États-Unis) : “[…] On ne ressent pas les données. Mais quand c’est imprimé, ça devient frappant […].” Après la culpabilité, les craintes : que se passerait-il si un pirate mettait la main sur ses données intimes et les dévoilait ? Elle aurait honte, écrit-elle.

On décrit souvent les données numériques des utilisateurs comme un “or noir” avidement recherché par les géants du Net. Cet or noir sert à deux choses : proposer de la publicité ciblée et faire rester le plus longtemps possible l’utilisateur. Tinder ne fait pas exception. Comme l’indique un employé de Tinder contacté par la journaliste, l’acquisition de données personnelles permet d’affiner l’algorithme de rencontres pour chaque personne. Judith Duportail conclut donc, non sans philosophie : “Il n’y a plus de différence [entre ma vie virtuelle et ma vie réelle]. Je rencontre des gens par Tinder, donc Tinder est devenu ma réalité. Cette réalité est façonnée par d’autres personnes, mais sans que l’on sache comment.”