Selon Facebook, les propriétaires de chats sont plus solitaires que les amoureux des chiens

Selon Facebook, les propriétaires de chats sont plus solitaires que les amoureux des chiens

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Par Thibault Prévost

Publié le

En analysant 160 000 profils, Facebook a déterminé que les propriétaires de chats sont des solitaires. Un sujet trivial, une méthode de récolte de données inquiétante.

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Voilà, c’est fini : la toute-puissance de l’analyse de données a réglé une fois pour toutes le débat central – et essentiel au progrès de notre espèce – de la suprématie entre les chats, les chiens et, par extension, leurs propriétaires humains (qui sont finalement les seuls à s’en préoccuper). Les chiffres sont implacables : les propriétaires de chats sont plus solitaires que ceux qui promènent leur clébard à tout bout de champ. Et paf. Prenez ça, attachés de presse des félidés. Fin de l’article, merci, au revoir.

Si la méthode utilisée pour parvenir à ces conclusions vous intéresse, voilà ce qu’il s’est passé : à l’occasion de la Journée internationale du chat, qui a eu lieu le 8 août dernier, Facebook a publié les résultats d’une étude portant sur 160 000 profils d’Américains inscrits sur le réseau social, dont les données ont ensuite été anonymisées. Et le réseau social a observé qu’effectivement, les propriétaires de chats ont en moyenne 26 amis de moins que les amis des canidés. Ce qui est apparemment suffisant pour écrire que “oui, les stéréotypes sont vrais”, que les êtres humains ressemblent à leurs animaux de compagnie – “sociables et décontractés” comme leurs chiens, “timides, indépendants et imprévisibles” comme leurs chats –, que les propriétaires de chats sont misanthropes mais, tenez-vous bien, invités à plus de soirées et qu’ils ont plus tendance à être célibataires.

Mieux ? Les fans de chats sont de gros nerds qui privilégient “la fantasy, la SF et l’anime”, tandis que les gens-chiens et leurs gros cœurs de fourrure aiment particulièrement les histoires d’amour et… de chiens. That’s a good boy. Sinon, on ne serait pas en droit de trouver l’omniscience de Facebook un tantinet flippante ?

Nos profils sont des cibles d’entraînement pour l’intelligence artificielle

Dans son post, le laboratoire de recherche de Facebook ne cache pas une seconde le but réel de cette étude : faire effectuer une petite sortie d’entraînement à son algorithme de reconnaissance d’image, toujours en rodage, officiellement conçu pour aider les malvoyants à utiliser la plate-forme, se vante Facebook. En évitant soigneusement au passage de nous préciser que l’outil de reconnaissance d’image lui sert également à créer des shadow profiles, des profils “fantômes” de personnes qui ne sont pas – ou plus – inscrites sur le réseau, voire des copies de votre propre profil contenant les photos et posts sur lesquels vous avez refusé d’être identifié.

Si Facebook a toujours nié se prêter à de telles activités, un bug avait révélé en 2013 l’existence de ces dossiers contenant des informations non fournies par les utilisateurs, comme par exemple des numéros de téléphone. Derrière le résultat relativement trivial de l’étude sur les chats et les chiens, ont entrevoit donc les derniers progrès d’un algorithme de reconnaissance toujours plus performant, pour lequel nos profils font office de cibles d’entraînement.

À la récolte des émotions

D’autre part, en parcourant les jolies visualisations de données fournies par Facebook, on ne peut que s’étonner du nombre de variables en rapport avec les chats et les chiens récoltées par le réseau. Séries et émissions TV, films, livres, comportements sociaux, localisation géographique et surtout émotions. Oui, Facebook est assis sur un volume de données tellement pharaonique qu’il peut désormais identifier des tendances selon les émotions des gens, et c’est là qu’on remercie les cinq nouveaux emojis apparus en février dernier, spécifiquement conçus dans cette optique. Nous avons tellement pris l’habitude de raconter nos vies sur le réseau social que Facebook a désormais un nombre incalculables de variables sous la main, en plus d’une position de monopole dans le domaine.

Enfin, si cette étude sera forcément moins controversée que celle que le réseau avait menée dans le plus grand calme en 2012 pour vérifier sa capacité à la manipulation mentale de foules (un demi-million de personnes, quand même), étant donné qu’elle n’expose qu’une partie triviale de nos données et n’aura aucun effet autre que d’alimenter la conversation débile du matin à la machine à café, elle illustre tout de même la décontraction avec laquelle Facebook pioche dans l’immense réservoir à données personnelles que nous continuons d’alimenter en permanence, et la précision des résultats qu’il peut en tirer. De là à influencer les comportements, il n’y a qu’un pas. Longue vie aux félins.