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Pour les Prud’hommes, traiter un coiffeur de “pédé” n’est pas homophobe

Pour les Prud’hommes, traiter un coiffeur de “pédé” n’est pas homophobe

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Par Arthur Cios

Publié le

Ressurgi hier sur Twitter, un jugement des Prud’hommes fait scandale. En cause, une drôle de tolérance de l’instance vis à vis de l’insulte “PD”, tout du moins dans le monde de la coiffure. Explications.
L’affaire remonte au 24 juillet 2015, mais n’est ressortie qu’hier soir, grâce au tweet du journaliste Mathieu Brancourt. Contacté par nos soins, ce dernier nous a racontés l’avoir vu passer sur son fil Facebook, via un contact travaillant dans une association contre les discriminations. En cause, le jugement, jusque là passé inaperçu, rendu par un conseil des Prud’hommes parisien, concernant le renvoi d’un jeune coiffeur et montrant une drôle de tolérance au sujet de l’emploi du terme “pédé”.

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“Le terme de ‘pédé’ ne peut être retenu comme propos homophobe”

Retour en 2015. Alors encore en période d’essai de deux mois après avoir été embauché en CDI, le coiffeur en question ne peut se présenter à son lieu de travail, étant souffrant. Le même jour, il reçoit un message de sa patronne, cette dernière s’étant trompé de destinataire, parlant de notre coiffeur en question.

“Je ne le garde pas. Je ne le sens pas, ce mec. C’est un pédé, ils font tous des coups de p…”

De retour au salon de coiffure le lendemain, la personne se fait effectivement renvoyer, au motif de son absence pour maladie. L’intéressé contacte alors Le Défenseur des droits, une autorité constitutionnelle indépendante qui décide de porter l’affaire devant les Prud’hommes.
Le jugement a lieu le 24 juillet 2015. Si le conseil des Prud’hommes en question a bien rejeté le motif du renvoi pour maladie, tout en laissant le droit à la patronne de mettre un terme la période d’essai du concerné, le scandale porte sur la décision du conseil concernant le texto reçu, et l’emploi du terme “pédé”. Si une indemnisation de 5 000 euros a été accordée au titre de préjudice moral pour propos “litigieux”, un paragraphe absolument absurde figure bien sur le jugement en première instance :

“Le juge prud’homal considère qu’en se plaçant dans le contexte du milieu de la coiffure, le terme de ‘PD’ employé par la supérieure hiérarchique ne peut être retenu comme propos homophobe car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles, notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela pose problème.”

Et c’est bien là que réside le scandale. Même si la victime et le Défenseur des droits ont fait appel, qu’un juge se permette ce genre de propos est “choquant“, pour reprendre le terme utilisé par la ministre du Travail Myriam El Khomri, interrogée ce matin sur le sujet par RTL. Sur les réseaux, les réactions ne se sont pas fait attendre, à commencer par Maître Eolas, célèbre avocat tweetos.
Interrogé par France Info, Slimane Laoufi, chef du pôle de l’emploi privé au Défenseur des droits explique que le conseil de Prud’hommes aurait “ni plus ni moins repris les conclusions de l’avocat du salon de coiffure“. Même si on se doute que le jugement en appel donnera raison à la victime, il n’en reste pas moins scandaleux qu’un conseil des Prud’hommes ait pu porter un tel jugement, même “dans la précipitation” comme le pense Slimane Laoufi.