L’accès à la contraception en pharmacie menacé par une clause de conscience

L’accès à la contraception en pharmacie menacé par une clause de conscience

photo de profil

Par Juliette Geenens

Publié le

L’Ordre national des pharmaciens souhaite introduire dans son nouveau code de la déontologie une clause qui pourrait donner le droit aux professionnels de refuser de délivrer la pilule ou tout autre moyen de contraception.

À voir aussi sur Konbini

Dans son projet de refonte de son code de la déontologie, dont la dernière mise à jour date de 1995, l’Ordre national des pharmaciens a inséré une clause de “conscience” qui fait débat, car elle permettrait à certains pharmaciens de refuser de délivrer la pilule, le préservatif ou d’autres moyens de contraception. Cet article, qui figure parmi les 48 textes que compte le nouveau code déontologique proposé, stipule que :

“Sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine. Il doit alors informer le patient et tout mettre en œuvre pour s’assurer que celui-ci sera pris en charge sans délai par un autre pharmacien. Si tel n’est pas le cas, le pharmacien est tenu d’accomplir l’acte pharmaceutique.”

Beaucoup ont vu dans la phrase suivante, une menace envers le droit à la contraception : “Le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine.” L’inquiétude se comprend car les mouvements pro-vie se positionnent, en grande majorité, contre la pilule et le préservatif.

Mardi 19 juillet, la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a d’ailleurs exprimé sur le site de son ministère ses craintes au sujet de cette clause et a demandé à l’Ordre des pharmaciens de “clarifier l’objet de cette consultation” et de “réaffirmer [son] attachement à assurer aux femmes leur autonomie et la liberté de choisir leur contraception.”

Chargement du twitt...

Une clause qui concerne l’euthanasie

En guise de réponse, Isabelle Adenot, présidente du conseil de l’Ordre des pharmaciens, a publié un communiqué dans la soirée de mardi. Elle y précise que ce texte ne concerne pas l’accès à la contraception :

“Les débats qui se sont déroulés au sein de l’Ordre sur cet article n’ont jamais porté sur la contraception mais sur la fin de vie, situation souvent très délicate à gérer par les pharmaciens de ville et d’hôpital.”

Selon Isabelle Adenot, cette clause de conscience concerne ainsi le problème posé par le débat sur l’euthanasie. Sauf que le texte manque cruellement de précision et présente un risque, selon les professionnels qui s’y opposent, comme le blogueur et pharmacien adjoint “Léo” cité par le site Madmoizelle. Dans un post, il avance plusieurs arguments qui viennent démontrer l’inutilité de l’existence d’une clause de conscience. D’après lui, l’euthanasie étant illégale, elle ne peut pas faire l’objet d’un texte, comme celui proposé par l’Ordre des pharmaciens.

L’accès à la contraception serait donc indirectement, ou implicitement, visé. D’autant que, récemment, une enquête de L’Autre JT de France 4 démontrait que certains pharmaciens refusaient de vendre la pilule du lendemain.

Les pro-vies saluent la clause

Du côté du mouvement pro-vie, on se frotte déjà les mains. Comme le souligne Slate, l’association Objection, proche d’organisations anti-IVG dont la fondation Jérôme-Lejeune, a exprimé son approbation de cette clause sur son site. Cette marque de soutien est bien la preuve que ce texte peut mettre en danger le droit à la contraception, quoi qu’en dise Isabelle Adenot.

Objet d’un débat houleux, cette clause est soumise aux votes des pharmaciens, en France, jusqu’au 31 août, en ligne. Le nouveau code de déontologie du métier sera voté par le conseil de l’Ordre, le 5 septembre prochain, rapporte Le Monde