Christiane Taubira répond à la pétition réclamant sa candidature à la présidentielle 2017

Christiane Taubira répond à la pétition réclamant sa candidature à la présidentielle 2017

photo de profil

Par Rachid Majdoub

Publié le

“Plus que jamais vous savez qu’il faut justement s’accrocher à ses principes et ses valeurs pour faire éclore l’humanisme moderne.”

À voir aussi sur Konbini

Et d’ajouter :

“La tentative d’accomplir cet exercice improbable me procure une joie fébrile, nourrie par ma curiosité naturelle pour les gens.”

Je suis extrêmement sensible à l’initiative de cette pétition et à votre adhésion à ce qu’elle demande“, poursuit-elle, avançant deux raisons à cela : la première, affective, et la seconde, politique, sont expliquées ci-dessous dans ce message de remerciement (mais pas seulement) finement écrit :

“Aujourd’hui, j’ai rencontré Frans Torreele, qui avait lancé une pétition à mon endroit qui a recueilli des dizaines de milliers de signatures. À lui et à vous, j’adresse, en forme de remerciements, cette lettre :
Madame, monsieur,
Je vous écris au singulier, car je veux tenter de m’adresser à chacune, chacun d’entre vous. Cela me fait près de cent mille mercis à prononcer. Et ce n’est pas un pensum. Au contraire, la tentative d’accomplir cet exercice improbable me procure une joie fébrile, nourrie par ma curiosité naturelle pour les gens. J’ai rencontré quelques-uns d’entre vous, dans des lieux et situations très variés, attestant d’une assez grande diversité sociologique. J’ai aussi rencontré des personnes qui n’ont pas signé la pétition mais ont formulé le même vœu.
Je suis extrêmement sensible à l’initiative de cette pétition et à votre adhésion à ce qu’elle demande. J’ai pour cela plusieurs raisons. La première est, bien entendu, affective : la confiance que vous me témoignez m’honore et donne force à mes fidélités. Fidélités aux convictions, aux combats menés, à ce que vous attendez des responsables politiques. Cette confiance conforte également le choix du respect, y compris dans les relations politiques, y compris au sein de sa propre famille politique, même en cas de divergence ou de désaccord.
La deuxième raison est politique. Vous êtes lucides sur l’ampleur des défis économiques et écologiques, sociaux, technologiques, européens et internationaux qui, déjà, nous agrippent. Leur nature est en mutation accélérée. Il revient aux responsables politiques d’avoir la clairvoyance, la finesse d’analyse, la réactivité nécessaires pour concevoir des politiques publiques efficaces plutôt que tapageuses. Vous savez aussi quels périls nous guettent, et qu’il ne suffit pas de les rabâcher pour les conjurer, alors que des choix sans nuance de pays-partenaires, sans critique de pays amis, l’abandon d’opprimés à leur triste sort, des complaisances successives peuvent contribuer à rendre le monde plus dangereux. Les nœuds géopolitiques ne se font ni ne se défont tous seuls. Et plus que jamais vous savez qu’il faut justement s’accrocher à ses principes et ses valeurs pour faire éclore l’humanisme moderne qui nous permettra de relever ces défis et déjouer ces périls. Sans nous perdre ni nous renier.
La troisième raison est éthique. Paul Ricœur définissait l’éthique comme ‘le souci de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes’. C’est aussi cela qu’ouvre votre pétition. En exprimant une volonté, librement partagée au fil des signatures, vous avez posé un geste démocratique de haute portée. Evidemment, je suis heureuse qu’il s’accomplisse sur mon nom. Mais par-delà ma personne, cet acte nous rappelle la source de la volonté générale. Il pointe le défaut des institutions : l’absence d’espace pour l’expression citoyenne. Vous vous immiscez de façon inattendue, le plus en amont possible dans un processus très encadré, et par cette expression populaire qui formule le désir d’une candidature, vous vous invitez en avant-scène. Vous rappelez ainsi que, par-delà les ambitions de carrière ou les aventures personnelles, à l’heure des grands enjeux il faut de grandes idées, pas des vade-mecum sous forme de curriculum vitae. Vous signifiez par là même que vous aimez les grandes idées, pas les grandes parades. Ce faisant, avec d’autres initiatives civiques et d’autres actions de la société civile, vous forgez les bases d’une démocratie revigorée. Il faudra qu’on s’en souvienne.
Par-dessus tout, vous soufflez que le désamour des citoyens pour la politique n’est pas total. Leur défiance envers les politiques n’est pas aveugle. En ces temps de ruée démagogique, il fait bon vous savoir là.
Christiane Taubira”


En espérant que ce texte soit une première pierre posée à l’édifice de la candidature – attendue et espérée par bon nombre – de madame Taubira.