La Chine crée son propre Wikipédia (mais qui n’a vraiment rien à voir avec Wikipédia)

La Chine crée son propre Wikipédia (mais qui n’a vraiment rien à voir avec Wikipédia)

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Par Thibault Prévost

Publié le

Alors que l’encyclopédie participative est toujours bloquée par le régime chinois, Pékin va lancer sa propre version “officielle” en 2018.

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Fatigué de censurer Wikipédia depuis plus de 13 ans, le régime de Pékin va engager 20 000 travailleurs pour construire sa propre encyclopédie en ligne et la rendre opérationnelle pour 2018, nous apprend le South China Morning Post. Mais attention, pas n’importe quelle encyclopédie : “l’Encyclopédie chinoise” se veut une “Grande Muraille de la culture”, selon l’élégante formule de Yang Muzhi, responsable du grand chantier encyclopédique, publiée le mois dernier sur le site de l’Académie chinoise des sciences.

Tout roule donc pour l’accès du peuple chinois à une culture mondiale et participative… Sauf que là où Wikipédia est une encyclopédie en ligne éditée bénévolement par des contributeurs anonymes, sa concurrente chinoise sera éditée moyennant finance par 20 000 contributeurs identifiables – majoritairement des universitaires et intellectuels – spécifiquement choisis par le Parti communiste chinois. Lors de sa mise en ligne en 2018, l’encyclopédie chinoise (basée sur une version imprimée de 1993) ambitionne de proposer 300 000 entrées – tandis qu’en 2017 Wikipédia compte 5,4 millions d’articles dans sa version anglophone (et 938 000 dans sa version chinoise).

Le “Grand Pare-Feu” se fissure

Lancé depuis 2011, le projet d’encyclopédie numérique chinoise répond à une pression grandissante subie par les autorités : alors que 731 millions de Chinois ont aujourd’hui accès à Internet et que leur nombre augmente rapidement (+ 6,2 % en 2016 ou 43 millions d’utilisateurs supplémentaires, l’équivalent de la population de l’Argentine), le système de censure étatique – aussi surnommé “le Grand Pare-Feu de Chine” – devient de plus en plus difficile à maintenir.

Si la Chine possède toujours la politique la plus restrictive au monde en matière d’accès à Internet (selon un rapport de 2015 du think tank Freedom House), les plateformes d’accès alternatif à l’information prolifèrent : Baidu Baike et Qihu360, lancées par des multinationales de la haute technologie, proposent ainsi respectivement 14 et 30 millions d’articles collaboratifs… mais qui ne sont pas exempts de censure. Enfin, depuis 2015, Wikipédia utilise le protocole de chiffrement de pages Web HTTPS, qui rend ses adresses plus difficiles à bloquer par le gouvernement chinois.

Si le lancement de sa propre encyclopédie en ligne marque la volonté du gouvernement chinois de contrôler l’information de manière plus “douce”, en proposant sa propre version de l’Histoire – notamment en ce qui concerne les relations du pays avec le Tibet, la Corée du Nord, ou encore au sujet des îles Senkaku en mer de Chine –, le régime n’est pas près de desserrer son emprise sur l’accès à l’information : selon une nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er juin, chaque internaute souhaitant accéder à des sources d’information devra le faire en communiquant son véritable nom, rappelle Phys.org. Le Grand Pare-Feu se fissure peut-être, mais le grand flicage, lui, monte en puissance.