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Un chercheur a démontré la faisabilité (mathématique) du voyage dans le temps

Un chercheur a démontré la faisabilité (mathématique) du voyage dans le temps

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Par Thibault Prévost

Publié le

Grâce aux travaux de Ben Tippett, la faisabilité du voyage dans le temps est mathématiquement prouvée – même si en pratique c’est toujours impossible.

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Il n’y a pas 36 façons de titrer un article comme celui-là et de toute manière, peu importe comment on tourne la phrase, on finira forcément par décevoir les fantastiques espoirs d’un lecteur fermement décidé à découvrir que nom de Dieu, c’est vrai de vrai, on peut donc remonter dans le temps pour de bon : branche la DeLorean Marty et écrase la pédale de droite, on est reparti comme en quar- non, calmez-vous, ce n’est pas ce que l’on est en train de vous dire. On va donc l’écrire en début de papier, histoire que ce soit clair : là, tout de suite et dans l’état actuel de nos connaissances et techniques, le voyage dans le temps est non seulement impossible mais interdit par les lois fondamentales de la physique relative. Mais ça ne signifie pas pour autant que le constat est définitif.

Les travaux de Ben Tippett, mathématicien et professeur à l’Université de Colombie-Britannique (UBC), publiés début avril dans la revue IOP Classical and Quantum Gravity, ont cela de fascinant qu’ils s’attellent à tester la faisabilité du voyage temporel du “simple” point de vue mathématique et physique, en dehors de toute considération technique. Spécialiste de la théorie de la relativité d’Einstein et de l’étude des trous noirs, le chercheur est parvenu à créer une formule qui permet théoriquement le voyage dans le temps – moyennant plusieurs composants que nous ne possédons pas. Une formule qui porte le doux nom de “Traversable acausal retrograde domains in spacetime”, dont l’acronyme forme le mot “TARDIS”… le nom du véhicule spatio-temporel du cultissime Doctor Who.

Le secret : courber l’espace-temps pour en faire un cercle

Comment fonctionnerait son système ? En fait, c’est plutôt simple… ou presque. La conception généralement admise de l’Univers est qu’il possède trois dimensions spatiales et une dimension temporelle, cette dernière étant indépendante des trois autres. C’est ce que l’on nomme l’espace-temps. Dans un espace-temps formellement plat, les planètes, étoiles et corps solides en mouvement se déplaceraient en ligne droite dans l’espace – c’est Newton qui nous le dit.

Sauf que l’espace-temps n’est pas entièrement plat : lorsqu’un objet est suffisamment massif, la force de gravité qu’il génère courbe le trajet de la lumière, et donc l’espace-temps, autour de lui – pensez à une bâche tendue sur laquelle vous poseriez des boules de pétanque. C’est cette courbure qui crée l’orbite circulaire des planètes autour de notre Soleil, et le mouvement de notre galaxie autour de son (probable) trou noir supermassif central. Tout ça, on le sait depuis Einstein et la théorie de la relativité générale, encore confirmée par la détection, début 2016, des ondes gravitationnelles – qui déforment l’espace-temps sur leur passage.

Du côté temporel, tournons-nous maintenant vers Interstellar : de la même manière que les objets massifs déforment l’espace, ils altèrent également l’écoulement du temps. Plus on s’approche de ces objets, plus le temps ralentit – raison pour laquelle ce pauvre Matthew McConaughey engueule prodigieusement Anne Hathaway lorsqu’il comprend qu’être bloqué pendant une heure à barboter sur une planète trop proche d’un trou noir vient de lui faire perdre sept années avec sa fille restée sur Terre (en pratique, une telle planète ne pourrait pas être visitée, mais ça reste un joli exemple de vulgarisation). La dilatation du temps existe même à une échelle beaucoup plus réduite : lorsque la Nasa a sélectionné deux jumeaux et en a envoyé un sur la Station spatiale internationale pendant 500 jours entre 2014 et 2016, leur différence d’âge n’était plus exactement la même à la fin de l’expérience. Selon Ben Tippett, le voyage temporel est donc faisable si l’on parvient à courber suffisamment l’espace-temps pour en faire… un cercle. Simple, non ?

Percevoir le temps comme un gif

“Mon modèle de machine à remonter le temps utilise la courbure de l’espace-temps pour tordre le temps en cercle pour les passagers, et plus en ligne droite. Ce cercle nous ramène en arrière”, explique Tippett dans son étude. Concrètement, ça ressemblerait à quoi ? Cette torsion créerait une “bulle” d’espace-temps, dans laquelle voyagerait un explorateur temporel placé dans une sorte de boîte ou scaphandre. Imaginons un voyageur A, dans cette bulle, et un observateur B à l’extérieur. Pour le voyageur A, les événements de l’observateur B se dérouleraient de façon répétitive, à la manière d’un gif. L’observateur B, en revanche, verrait le voyageur temporel se dédoubler, l’un des voyageurs A avançant dans une direction temporelle et l’autre dans le sens inverse. Et voilà les enfants comment on résout le paradoxe temporel.

En théorie, donc, ça fonctionne. Mais s’il s’agit de la construire, cette machine, les vrais problèmes commencent. Courber l’espace-temps, ne serait-ce que de quelques secondes, demande une force de gravitation astronomique – tellement astronomique, en fait, que c’est l’une des raisons pour lesquelles le temps est considéré comme une “flèche”, du moins au niveau macroscopique. Courber cette flèche au point de la transformer en cerceau, comme le souhaiterait Tippett, requerrait une force si inimaginable que le chercheur évoque une “matière exotique” capable de le faire, sans avoir la moindre idée de quoi il pourrait s’agir.

Une fois cette merveilleuse “matière exotique” dénichée, il faudrait trouver un moyen de franchir la vitesse de la lumière, considérée par la physique relative comme la limite absolue de vitesse dans l’Univers. Pour faire simple, cette machine à remonter le temps devrait aller plus vite et exercer une gravité plus forte que tout ce que nous avons pu observer dans l’espace jusqu’à présent. À moins de deux découvertes capables de changer à jamais notre perception de l’Univers, la “machine à voyager dans le temps” ne verra donc jamais le jour. De toute façon, tout ça c’est de la faute de H.G Wells et de son superbe bouquin de 1895. Si on pouvait un peu lâcher l’affaire avec ces histoires de machines temporelles, on s’en porterait bien mieux.