Ces chatons trop mignons sont-ils les bitcoins du futur ?

Ces chatons trop mignons sont-ils les bitcoins du futur ?

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Par Pierre Schneidermann

Publié le

Lancé le 28 novembre dernier, le “jeu” CryptoKitties, basé sur un système de transaction similaire à celui du bitcoin, cartonne. Pour les néophytes en cryptomonnaie, difficile d’y voir clair et de retomber sur ses pattes. Explications.

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Des chatons sur une blockchain

C’est une rencontre improbable que les plus éminents futurologues avaient oublié de consigner dans leur agenda : celle du Tamagotchi et de la “blockchain“. Les Tamagotchi, tout le monde connaît : ce sont ces petits compagnons virtuels nés il y a vingt ans auxquels on s’attachait. Quant à la blockchain, tout le monde commence à en entendre parler : il s’agit d’un système d’échange d’informations décentralisé à l’origine des cryptomonnaies comme le bitcoin.

Cette rencontre des deux mondes a un nom : ce sont les CryptoKitties (les cryptochatons). Chacun de ces petits chatons possède un “ADN” unique. Aussi unique que peut l’être un Tamagotchi. Et comme les bitcoins, une fois qu’on les possède, c’est pour de bon, ils ne sont à personne d’autre et, sauf opération de piratage, nul ne peut ni les répliquer ni les dérober, ni les détruire.

Comment, concrètement, acheter ces chatons ? En fréquentant la superstructure qui chapeaute cette grande garderie animalière, la blockchain Ethereum. Exactement comme pour le bitcoin, cette blockchain permet, au départ, d’échanger une autre cryptomonnaie moins connue que le bitcoin, l’ether. Une des raisons pour lesquelles on parle moins de l’ether que du bitcoin, c’est sa valeur : aujourd’hui, un ether ne vaut “que” 350 euros. Le bitcoin en vaut peu ou prou 40 fois plus.

Ci-dessous, un vrai chaton qui contemple ses concurrents virtuels.

AdopteUnChaton : la procédure

Oui, mais les chatons alors ? On y vient. La blockchain Ethereum ne sert pas qu’à échanger de la monnaie. Elle permet de faire d’autres transactions sécurisées. Un exemple rapporté par L’Usine digitale dans un secteur aux antipodes de nos mignons félins : l’assurance. En septembre dernier, AXA a lancé une blockchain basée elle aussi sur Ethereum. Elle permet d’indemniser plus facilement et automatiquement ses clients en cas de retard d’avion. On échange donc des ethers comme on échange des contrats… et désormais des chatons.

L’adoption vous démange ? Il faudra installer auparavant un “portefeuille” compatible avec Ethereum. Vous y stockerez précieusement vos ethers qui vous permettront dans un second temps d’acheter vos chatons. À l’inscription, CryptoKitties vous conseille d’installer un portefeuille ultrasimple d’utilisation appelé “Meta-Mask”, une extension pour le navigateur Google Chrome.

Meta-Mask demande d’abord de créer un compte. Il faut ensuite remplir son portefeuille avec des ethers. Le moyen le plus simple, c’est de passer par une plateforme d’échange de devises comme Coinbase. Ça y est, vous avez acheté quelques ethers ? Vous n’êtes plus qu’à deux pattes de l’adoption.

Acheter, vendre et se reproduire

Les emplettes peuvent commencer. Tous les chatons sont vendus par les utilisateurs du site. C’est peu dire que les prix varient considérablement. Aujourd’hui, le chaton dont la cote a le plus dévissé ne vaut que 0,0269 ethers, soit un peu moins de 10 euros. Pour le plus cher des plus chers, il faudra compter 274 576 ethers, presque 94 000 euros ! Les chatons sont vendus sur un principe d’offre et de demande en enchère inversée : le prix initial, fixé par le maître, décroît avec le temps.

Chacun de ces chatons possède une petite biographie (Kitty #126588, par exemple, aime Stranger Things et son aïeul aurait bien connu Lady Di) et un ensemble de gènes uniques. Le système est conçu de telle manière que 4 milliards de génomes différents sont possibles.

S’ils ont un sexe que l’on pourrait qualifier “d’alternant” (un chaton mâle peut se transformer en chaton femelle et vice-versa selon les intentions du maître), ils peuvent quand même se reproduire, ce qui fait tout l’intérêt du jeu : dès qu’un utilisateur possède deux chatons, il peut les accoupler et mettre en vente la progéniture qui héritera des gènes de ses parents. Le propriétaire peut aussi choisir d’accoupler l’un de ses chats avec celui d’un autre utilisateur.

Des chiffres ronronnants

CryptoKitties est donc un jeu où l’on dépense et/ou gagne de l’argent. Mais les traders de chatons sont confrontés, dans leur quotidien, à deux types de commission. Pour chaque transaction, l’éditeur du jeu, la société Axiom Zen, basée à Vancouver, au Canada, ponctionne 3,75 %. Mais dès lors qu’il achète des ethers, le collectionneur de chatons paie également une commission à la plateforme de conversion de devises (comme Coinbase que nous avions citée plus haut).

Malgré le côté technique un poil rebutant de la blockchain, CryptoKitties cartonne. Selon CNBC, les utilisateurs de la plateforme ont, pour l’instant, dépensé l’équivalent de 6,7 millions de dollars (5,7 millions d’euros). Mercredi 6 septembre, les petits chats représentaient 13,5 % de l’Ethereum, affectant la vitesse des transactions sur le réseau. Congestion que les créateurs se sont efforcés de juguler en augmentant la taxe sur la reproduction des chatons !

Une nouvelle cryptomonnaie ?

Un succès si fulgurant laisse quand même songeur. Aussi est-on en droit de se demander si les CryptoKitties pourraient rivaliser avec les bitcoins. Dans la FAQ du site Web de CryptoKitties, les concepteurs expliquent que non, ces chatons ne doivent pas être considérés comme une cryptomonnaie. Il faudrait plutôt les envisager comme une “cryptocollection”, sur le modèle des bonnes vieilles images Panini.

N’empêche, il y a quand même quelques similitudes avec le bitcoin : un système d’échange basé sur une blockchain, un phénomène rapide de spéculation, une excitation généralisée et une forme de possession absolue qui n’existait pas avant le bitcoin… Tout est soigneusement rangé dans un portefeuille bien gardé. Et en cas de perte du portefeuille, absolument personne ne pourra vous venir en aide.

Si les CryptoKitties ne sont pas une monnaie, accordons-leur au moins un statut unique de produit dérivé : quelque chose dont la valeur fluctue en fonction d’une autre valeur. Ici, la valeur finale du chaton fluctue selon la valeur dans un instant T de l’ether.

Deux des créateurs, de leur côté, expliquent dans la vidéo ci-dessous que les chatons sont, quoi qu’on dise et quoi qu’on en pense, une formidable initiation ludique et pédagogique à la blockchain.