Les festivals canadiens ne veulent plus voir de coiffe amérindienne

Les festivals canadiens ne veulent plus voir de coiffe amérindienne

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Par Théo Chapuis

Publié le

Nota Bene : En ces temps de meilleure prise de conscience, le Edmonton Folk Music Festival demande à ses clients de respecter les cultures des Américains d’origine et de ne porter aucune des coiffes des Premières Nations pendant le festival. Ce type de coiffe a un sens culturel et sacré et nous vous demandons de le respecter et de l’honorer en n’en faisant pas un accessoire fashion. Ces accessoires seront confisqués par la sécurité.

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Tel est le message qu’on pouvait lire le 14 juillet sur la page Facebook du festival Edmonton Folk Music : les coiffes amérindiennes sont interdites. Le festival canadien est évidemment tout ce qu’il y a de plus sérieux face à la déferlante de personnes portant ces attributs traditionnels en festival depuis quelques années.
Il n’est pas le seul événement du pays à la feuille d’érable à légiférer contre ces accessoires. VICE News nous apprend que le festival Osheaga, “pilier des festivals à Montréal”, bannissait également les coiffes à plumes de son côté – pour les mêmes raisons. Evenko, le promoteur d’Osheaga, a d’ailleurs annoncé l’interdiction des coiffures amérindiennes dans deux autres événements qu’il produit : Heavy Montreal et Île Soniq.
Le week-end dernier, une femme portant une coiffe amérindienne et des peintures traditionnelles à un festival de musique folk à Winnipeg avait déjà soulevé la gêne parmi les participants. Une représentante de la communauté amérindienne, Dené Sinclair, tweettait qu’elle était “choquée” et “bouleversée” de voir cela de ses propres yeux. Le festival folk a fait amende honorable et promis d’être plus vigilant pour éviter ce type de comportement à l’avenir.


Certaines célébrités ont commis le faux pas de se présenter avec une coiffe amérindienne dans les médias. Ainsi Pharrell Williams posait-il de cette manière pour Elle UK en 2014, une erreur que Gwen Stefani avait déjà commise en 2012 dans son clip “Looking Hot”. Montrés du doigt, les deux pop stars s’étaient excusées. Mais tout de même.

Déjà, en juin 2013, le trio amérindien de musique électronique A Tribe Called Red faisait passer un message à ses followers sur Twitter, on ne peut plus explicite.

Les non-Amérindiens qui viennent à nos concerts, il faut qu’on parle. S’il vous plaît, cessez de porter des coiffes et des peintures de guerre. C’est insultant.

“Le renouveau du pan-indianisme”

Dans une interview au blog du Tall Tree Festival, l’un des membres de la bande explique son malaise, à mettre en lien avec l’insupportable amalgame entre tous les “Indiens” fait par ces Blancs un peu ignorants :

C’est le renouveau du pan-indianisme. Ça nous dérobe notre nationalité. Ça me dérobe d’être Ojibwe et ça dérobe à Bear et Shub d’être Cayuga. Les Cayuga ne portent pas de coiffes mais ils se retrouvent amalgamés et ça les avilit. Ces coiffes sont des imitations, ce sont des faux. Elles représentent une vision raciste et très stéréotypée de ce que nous sommes.

Le white privilege a encore frappé

Sans remonter aussi loin dans la lutte contre le racisme, cette prise de conscience des festivals canadiens face à l’engouement autour des coiffes amérindiennes rappelle également le débat autour de l’appropriation culturelle de codes de la communauté hip-hop noire américaine par de nombreuses pop stars blanches – telles Iggy Azalea, Sky Ferreira et Miley Cyrus.
Ce mimétisme est symptomatique de ce qu’on appelle le white privilege, et qui s’applique également à l’attitude de porter une coiffe “à plumes” et des peintures “de guerre” pour s’habiller “comme les Indiens” en festival. L’ethnomusicologue Emmanuel Parent, contacté par mon confrère François Oulac, décryptait ainsi le phénomène :

Le « privilège blanc » aux États-Unis, comme toutes les questions liées à la couleur de peau, renvoie à la période de l’esclavage où la pensée raciale est née et s’est développée, un système de pensée dans lequel seuls ceux qui sont du mauvais côté de la barrière raciale ont à se préoccuper de celle-ci.
En gros, les Noirs sont tenus de rester cantonnés dans un espace, respecter des attitudes envers les Blancs, se comporter de telle manière, accepter tels emplois après l’abolition, etc., alors que les Blancs, eux, peuvent ignorer les tabous liés à la frontière raciale.

Changez “Noirs” par “Amérindiens” et vous aurez l’idée.