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Quand un “bug” d’Apple faisait planter les iPhone à chaque mention de Taïwan

Quand un “bug” d’Apple faisait planter les iPhone à chaque mention de Taïwan

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Par Thibault Prévost

Publié le

La firme américaine aurait adapté son système d’exploitation aux lois chinoises, en développant un système de censure de toute mention de Taïwan un peu trop efficace.

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Ce n’est un secret pour personne, le gouvernement chinois n’est pas des plus ouverts d’esprit lorsqu’il s’agit de discuter de l’indépendance de Taïwan – l’île est techniquement indépendante du continent depuis 1949, mais jouit d’un statut particulier depuis 1992, à mi-chemin entre l’État et le territoire autonome – et ne manque pas d’imagination pour contrôler les opinions de ses citoyens sur la question.

Sous le dôme virtuel du Grand Firewall de Chine, qui surveille et régule les échanges électroniques sur le territoire chinois, toute compagnie étrangère qui souhaite s’implanter sur le marché local doit nécessairement s’adapter aux desiderata du régime de Pékin. Et ça, Apple le fait avec docilité.

L’année dernière, par exemple, le constructeur américain, répondant à une injonction du ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information, supprimait de l’App Store plusieurs applications de VPN (des réseaux privés virtuels qui, rappelons-le, permettent de contourner la censure d’État en localisant un appareil dans un autre pays). L’année d’avant, sous la pression de Pékin, la firme à la pomme fermait déjà l’application du New York Times. Bref, de jolis exemples d’un système “deux poids, deux mesures” pour une entreprise qui, aux États-Unis, se pose en garante de la vie privée numérique (à raison, par ailleurs).

Et pour continuer à s’implanter tranquillement sur le marché chinois – en 2017, la firme avait réalisé 37 milliards d’euros de recettes dans le pays, soit 19 % du total de son chiffre d’affaires –, Apple n’hésite visiblement pas à implanter des systèmes de censure jusqu’au cœur de ses appareils. Le 10 juillet, Engadget a relayé une étude d’un chercheur en sécurité informatique, Patrick Wardle, qui affirme sur son blog avoir découvert un étrange bug dans le système d’exploitation mobile d’Apple, iOS : sur la version 11.3, taper “Taïwan” dans iMessage éteint immédiatement le téléphone. Houston, la Chine a hacké notre iPhone.

Un bug géolocalisé

Découvert par l’une de ses connaissances et rapidement testé sur un iPhone 7, le bug, détaille Wardle, est également déclenché lorsque l’on utilise un émoji du drapeau taïwanais, et se produit quelle que soit l’application de messagerie instantanée utilisée. Ah, et si un ami vous envoie “Taïwan”, le téléphone s’éteint aussi – un vrai plaisir pour tout pote un peu troll sur les bords. En revanche, lorsque le chercheur plonge dans les abysses du code pour tenter d’autopsier le bug, il découvre que celui-ci est géolocalisé et ne fonctionne que lorsque la région assignée au téléphone est la Chine ou que la langue choisie est le chinois.

Rassurons-nous, néanmoins, puisque Wardle a découvert une solution, d’une part – il suffit de changer la région du téléphone vers la Chine, puis de revenir à sa région d’origine – et que d’autre part, le chercheur en sécurité a prévenu la firme à la pomme qui a corrigé le dysfonctionnement dans iOS 11.4.1, avec un patch sorti le 9 juillet. Sur la nouvelle version, c’est encore plus simple : lorsque la région “Chine” est activée, le drapeau disparaît tout simplement du catalogue !

Tout indique donc qu’Apple a implanté cette “fonctionnalité” dans son téléphone pour aller dans le sens de Pékin, de la méthode utilisée aux buts recherchés. Par exemple, le drapeau taïwanais est banni des claviers émojis sur iOS en Chine, nous apprend Emojipedia. D’autre part, sur le forum MacRumors, d’autres utilisateurs d’iPhone se plaignaient déjà de ce problème en début d’année 2017, voyant leur téléphone s’éteindre à la moindre mention du territoire autonome.

Entendons-nous bien: Apple ne fait ni plus ni moins la même chose que tous ses concurrents étrangers, en se pliant aux souhaits d’un gouvernement autoritaire pour croquer dans un marché monstrueux qui commence doucement à se tarir : au premier trimestre 2018, les ventes de smartphones ont baissé de 21 %, passant à nouveau sous les 100 millions d’unités. Et Apple, jusque-là quatrième constructeur en termes de part de marché, s’est vu piquer la place par Xiaomi. La concurrence n’a pas fini de faire rage, et tant pis pour la pluralité des opinions.