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Nigeria : “les femmes sont les premières victimes de Boko Haram”

Nigeria : “les femmes sont les premières victimes de Boko Haram”

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Michelle Obama, #Bringbackourgirls

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Par Aline Cantos

Publié le

Un an après, des conditions de détention toujours incertaines

À ce jour, les informations se font maigres au sujet des lycéennes de Chibok, dans le nord du Nigeria. Après un an de captivité, leurs conditions de détention sont encore bien mystérieuses. Quelques pistes semées çà et là ont néanmoins permis de savoir que certaines avaient été mariées de forces et que d’autres ont fui à temps.

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Une cinquantaine de filles se sont enfuies d’elles-mêmes puis d’autres en ont peut-être fait de même, affirme Geneviève Garrigos. De leurs conditions de détention, on ne sait pas grand chose. Il y a des pistes indiquant où elles pourraient être. Boko Haram a enlevé des milliers de personnes qu’il déplace. Ils se retrouvent en contact les uns avec les autres et nous permettent d’avoir des informations.

Grâce à un lourd travail d’investigation, le déroulement de l’enlèvement a pu être partiellement reconstitué. Il est désormais possible de savoir que les filles ont été dispersées en 3 à 4 groupes répartis dans la forêt de Sambisa, “qui sert de base arrière à Boko Haram” d’après la présidente d’Amnesty International France, mais aussi au Tchad, au Cameroun et très certainement un autre au Nigeria. 

L’affaire, qui a bouleversé le monde entier, a mobilisé la communauté internationale. Comme une prise de conscience, l’enlèvement des jeunes femmes a mis à jour des années d’horreur dans le pays et attiré l’attention sur un massacre qui a commencé il y a bien longtemps.

Une mobilisation massive de la communauté internationale

Avec une viralité massive, le hashtag #Bringbackourgirls (rendez-nous nos filles) s’est diffusé mondialement sur Internet. De nombreuses personnalités publiques, dont la première dame américaine Michelle Obama, ont relayé le mouvement et donné de la visibilité aux évènements. Dès lors, tout l’enjeu est de garder cette mobilisation.

Le travers des mobilisations spontanées, c’est la rapide démobilisation dès lors que les gouvernements font des annonces. Quand un état annonce un sommet sur le sujet, l’attention descend. Ici, le problème majeur c’est la durée, qui chasse l’information des médias. Cette information est remplacée par de nouvelles actualités. Il faut rester mobilisé et se rassembler. Encourager les initiatives telles que des conférences sur le sujet permet de remobiliser.
La situation au nord-est du Nigeria ne s’améliore pas. Depuis le début, des centaines de personnes sont mortes. Les jeunes femmes enlevées n’ont été que le révélateur de ce qu’il se passe depuis longtemps dans le pays. Il faut que cela se transforme en une réflexion globale pour trouver une solution sur le long terme, affirme Geneviève Garrigos.

Malgré cette mobilisation, les circonstances locales rendent bien difficile tout pronostic quant à la suite des évènements. Les élections ont permis un changement de président à la tête de l’État Nigérian. Si le nouvel élu a pris le parti de s’engager contre Boko Haram, lui et son gouvernement doivent encore faire leurs preuves en dévoilant leur mode d’action concret selon la présidente d’Amnesty France.

Une violence exponentielle

Si les initiatives se multiplient, les mois derniers sont cependant loin d’avoir éclairci le sinistre tableau. Geneviève Garrigos en atteste, la violence au sein du pays soumis aux foudres du mouvement connu sous le nom de Boko Haram est exponentielle.

On a assisté à une escalade de violence de Boko Haram qui a tué 4 000 personnes en 2014 contre 1 300 l’année précédente.

Pourtant, la résistance s’organise face à cette folie meurtrière. Les pays occidentaux apportent leur concours logistique et comptent sur l’action militaire des pays concernés sur place. Nigeria, Cameroun, Tchad et Niger ont enfin pris part à la bataille après qu’une attaque du mouvement islamiste a laissé des dizaines de victimes sur les rives du lac Tchad en novembre dernier.

L’engagement des pays voisins s’est fait après les massacres sur les rives du lac Tchad. Aujourd’hui, ils ont extrait Boko Haram de la majorité du territoire, il y a de fortes avancées, confirme Geneviève Garrigos.

Un climat d’insécurité ambiant

Une réaction nécessaire puisque les hommes de Boko Haram continuent à renforcer leur armée grâce à différents pillages effectués au gré de leurs attaques. Aujourd’hui, c’est une armée organisée mais aussi équipée qui fait face aux militaires des différentes nations mobilisées.

Boko Haram dispose aujourd’hui d’une armée très forte. Ceux qui autrefois luttaient avec des armes blanches comme des couteaux ou des machettes sont aujourd’hui plus lourdement armés et ont désormais des véhicules.

Un problème qui est encore accentué par la violence des armées nationales qui semblent avoir de très grandes facilités à recourir à la force elles-mêmes. Selon la présidente d’Amnesty International France, les militaires, sous prétexte de combattre Boko Haram, ont déjà commis nombre d’assassinats et de tortures, perpétuant ainsi le climat de violence ambiant.

Une menace constante sur les civils

La condition féminine n’en est qu’empirée. Avec un taux de viols parmi les plus hauts du monde, le Nigeria est loin d’être une terre sûre pour les femmes d’après Geneviève Garrigos.

Les femmes sont les premières victimes de Boko Haram mais aussi les premières victimes au global au Nigeria. Dans les zones contrôlées par Boko Haram comme dans les autres, les violences sexuelles et physiques sont extrêmement importantes.

Si les hommes, menacés d’exécution ou d’enrôlement par les forces de Boko Haram, ne sont pas à l’abri du danger, une violence sexuelle inouïe vient assombrir le tableau du côté de la condition féminine. Mariées de force, violées, torturées, ces dernières sont les victimes majeures des conflits qui font rage dans la zone nigériane. Aussi, le groupe islamiste de Boko Haram serait responsable du rapt d’environ 2000 femmes et jeunes filles depuis le début de l’année 2014. Néanmoins, les milliers de victimes masculines à déplorer viennent prouver que l’insécurité touche la population toute entière.
Selon la présidente d’Amnesty France, le bureau du procureur de la Cour Pénale Internationale a même été jusqu’à qualifier les actes de Boko Haram de crimes contre l’humanité en raison de leur organisation drastique et de leur caractère systématique. Le Nigeria ayant ratifié le traité de Rome de la Cour Pénale Internationale en 2001, il pourrait ainsi être en droit de saisir la Cour au sujet des massacres perpétrés sur son territoire.