L’Arabie saoudite mène une guerre meurtrière au Yémen avec des armes occidentales

L’Arabie saoudite mène une guerre meurtrière au Yémen avec des armes occidentales

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La capitale yéménite, Sanaa (©Ferdinand Reus pour Wikipedia commons)

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Par Théo Mercadier

Publié le

La guerre civile en cours au Yémen est le théâtre de crimes de guerre à répétition, et les pays occidentaux commencent à revoir leur attitude par rapport à l’Arabie saoudite.

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Au Yémen, une guerre silencieuse fait rage. Depuis 2014, l’Arabie saoudite y est engagée dans un conflit contre les rebelles houthistes, soutenus par l’Iran. Et, comme trop souvent, les civils sont les premiers à en souffrir : ils sont près de 3 800 à avoir péri sous les bombes des deux camps.

Ces morts sont à 60 % imputables aux frappes de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite, qui bombarde des zones d’habitation pour atteindre des chefs rebelles. Le 8 octobre, des funérailles étaient ainsi visées par l’aviation saoudienne, tuant 140 personnes et en blessant 525. Une boucherie unanimement condamnée par la communauté internationale, qui a pourtant sa part de responsabilité dans les événements. Au total, 3 millions de Yéménites ont été déplacés et 200 000 ont été exilés depuis le début du conflit.

Un conflit meurtrier qui s’enlise

Tout commence en 2011, lorsque le Printemps arabe met un terme à la dictature d’Ali Abdallah Saleh. La transition politique, d’abord pleine d’espoir, s’enlise : en 2014, une rébellion tente de prendre le pouvoir afin de “sauver” l’État yéménite. L’essentiel de ces forces armées est composé par des rebelles houthistes. Cette faction tire son nom de Hussein Badreddine al-Houthi, un réformateur et leader religieux assassiné par le régime de Saleh en 2004. Sa mort avait engendré une insurrection armée dans le Nord du Yémen, qui s’est poursuivie jusqu’à la chute du régime en 2012.

Les troupes d’Abdul-Malik Al-Houthi, le frère du fondateur du mouvement houthiste, prennent rapidement la capitale Sanaa et une grande partie du pays, en partie grâce au soutien de l’Iran. Inquiète de la possible naissance d’un État chiite à ses frontières – le houthisme étant un courant du chiisme – l’Arabie saoudite (sunnite) décide d’intervenir militairement afin d’instaurer et de défendre un régime à sa solde.

Le royaume saoudien veut notamment éviter que l’Iran ne parvienne à mettre en place un nouvel État allié, renforçant ainsi sa position stratégique dans la région. De fait, le Yémen est donc devenu le théâtre d’une guerre interposée entre les deux puissances revendiquant le leadership de leur courant de l’Islam respectif. Un champ de ruines dans lequel milices islamiques, seigneurs de guerre et trafiquants commencent peu à peu à prendre le dessus sur des structures étatiques en ruines – et où la population, comme en Syrie, est prise entre deux feux. Une fois de plus, l’incapacité de l’ONU à résoudre une telle crise humanitaire est criante, d’autant que certains pays occidentaux sont militairement engagés sur le terrain.

La responsabilité des États-Unis

Car si le conflit yéménite est si brûlant pour les pays occidentaux, c’est que l’Arabie saoudite est une alliée de la plupart des grandes puissances internationales. L’armée américaine fournit la majorité des armes utilisées par le royaume saoudien dans cette guerre, sans parler des nombreux conseillers militaires américains présents sur place pour assurer une partie de la logistique des opérations – et fournir de précieux renseignements, récoltés par la CIA et la NSA.

En 2015, des contrats d’armement d’une valeur totale de 1,3 milliard de dollars (1,2 milliards d’euros) ont ainsi été conclus entre les deux pays, malgré les risques avérés de crimes de guerre. Le leader de la rébellion, Abdul-Malik Al-Houthi, n’a donc pas hésité à dire que les frappes sur les funérailles du 8 octobre avaient reçu le “feu vert” américain. Une allégation vite démentie par le porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche (“La coopération sécuritaire des États-Unis n’est pas un chèque en blanc“), mais qui laisse planer de sérieux doutes sur le degré d’engagement et de contrôle des États-Unis sur la situation. À tel point qu’ils sont aujourd’hui inquiets d’être traînés devant la Cour pénale internationale pour complicité de crimes de guerre. Devant le taux alarmant de morts civiles, les Américains ont annoncé le 13 décembre vouloir mettre un terme à l’approvisionnement de l’Arabie saoudite en armes.

Et la France ? Pas de problème, notre pays continue de vendre allègrement des armes au royaume saoudien, malgré les rapports accablants qui lui parviennent de toute part. En 2015, nous avons exporté pour 141 millions d’euros d’armes vers l’Arabie saoudite, alors que les suspicions de crime de guerre étaient déjà largement répandues. Mieux, notre gouvernement n’a rien trouvé de mieux à faire que d’offrir la légion d’honneur au ministre de l’intérieur saoudien, Mohammed ben Nayef, pourtant à l’origine de l’offensive saoudienne sur le Yémen. Lui qui avait dit d’Adolf Hitler qu’on “aurait dû davantage l’écouter”. La France sait décidément choisir ses amis :