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Lassée des “perles” des candidats au bac, une prof en montre les bijoux

Lassée des “perles” des candidats au bac, une prof en montre les bijoux

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Hilary Swank dans le film Ecrire pour exister Copyright Paramount Pictures France @http://www.allocine.fr/film/fichefilm-60975/photos/detail/?cmediafile=18740730

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

“Quel héros a plus de courage qu’un enfant prêt à traverser mille tempêtes afin de fuir celles qui l’habitent ?”

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Cette citation vient de l’écrit d’invention d’un candidat au bac scientifique 2017, qui évoquait l’expérience du visionnage d’un film traitant des souffrances des migrants. Elle se trouve au milieu d’autres “anti-perles du bac” sur une plateforme en ligne, Padlet, lancée par une enseignante lassée de l’image donnée des candidats par les “perles” diffusées chaque année. L’initiative de Françoise Cahen est simple : montrer que “non, le lycéen d’aujourd’hui n’a pas le QI d’une huître” grâce aux “éclairs de génie des candidats au bac 2017 !” Professeure de français dans un lycée du Val-de-Marne, elle a lancé son site le mardi 4 juillet, à la veille des résultats, avec un tweet.

“Encourager l’inventivité, l’originalité, la rencontre personnelle d’un élève avec un texte”

Son initiative a obtenu un succès immédiat : son tweet a été partagé plus de 1 200 fois et les médias s’en sont très rapidement faits le relais, à commencer par Le Monde. Françoise Cahen leur a expliqué qu’elle voyait “des choses merveilleuses se passer chaque année dans [ses] oraux. On écoute des élèves qui ont vraiment rencontré la littérature et nous le montrent de manière étonnante”. Son but est “d’encourager l’inventivité, l’originalité, la rencontre personnelle d’un élève avec un texte”, même si elle ne nie pas l’humour des perles diffusées chaque année. Ces dernières ont cependant pour elle un caractère “malsain”. L’enseignante regrette ainsi qu’il y ait “presque de la jubilation à trouver les élèves nuls”. Loin d’adhérer au discours selon lequel le niveau aurait baissé, elle constate au contraire que les élèves sont meilleurs, notamment à l’oral.
Un discours qui a parlé à de nombreux autres enseignants et parents, qui saluent la démarche positive, et s’émeuvent de l’esprit imprégnant ces “anti-perles”. L’un des nombreux commentaires positifs postés sur Padlet salue l’initiative :

“Merci ! Sortir de la culture du dédain pour les élèves pour entrer dans celle de l’encouragement et de la valorisation, quel beau changement de vision, dont on peut espérer qu’il devienne plus général dans l’éducation nationale et les familles.”

Françoise Cahen n’a confié qu’un seul regret à Libération : avoir lancé la plateforme après la correction des copies. Mais elle compte bien lancer l’année prochaine, en amont, un “vrai site dédié”. Elle souhaite y inclure des onglets “antiperles du brevet” et “antiperles des écoles”, et espère en faire à terme un outil de formation.

“Des mots bien pensés peuvent panser bien des maux”

D’ici là, nous pouvons déjà profiter des jolis mots des candidats au bac 2017. À commencer par cet extrait d’un écrit d’invention d’un candidat au bac en série technologique :

” […] Cette sensation de chaleur qui vient réchauffer mon cœur me rend calme. La verdure. Buissons, arbres, fleurs, fruits, tout cela est si parfait. L’arbre est ce qui me fascine le plus… En été tout est vert et fleuri. Les fleurs de la pureté, offrant des fruits, des pommes, couleur amour ou bien soleil. Voyez-vous ? […] Les paysages courent derrière moi, mais jamais ne me rattrapent. La douce voix de la rivière m’apaise, douce sonorité coulant sur la roche brune… Dans la bruyère j’aperçois de petits trous, ce sont sûrement les entrées des cabanes des lutins de Bretagne, les korrigans. Je les emmène une fois par an. Ils veulent sortir de leur pays pour découvrir le monde… Les grandes villes où passent voitures, motos, vélos. Elles sont grises, tristes, un nid de bruits… Je continuerai de parcourir ce monde qui me rend si heureux…”

Les épreuves de philosophie ont elles aussi donné de belles “anti-perles”, comme celle de ce candidat au bac S qui a analysé un texte de Foucault dont la thèse est “la vie est capacité à l’erreur” :

“Si l’évolution des êtres vivants est liée à la capacité à l’erreur de la vie elle-même, alors on peut dire que l’homme ne descend pas du singe, il est un singe qui s’est trompé.”

Un autre candidat conclut son examen de français sur la parole en spectacle par : “La puissance des mots doit être prise au sérieux car des mots bien pensés peuvent panser bien des maux”. Ou un autre, qui écrit dans un devoir d’invention du bac de français :

“Des trois soldats, un seul eut le courage de regarder vers la caméra. Il me bouleversa. Au-delà d’un homme, je vis la souffrance. Au-delà de ses yeux, je vis l’horreur. Pas seulement la sienne, mais aussi la mienne. Je voyais en ses yeux l’origine de toute souffrance.”