Après un vote “accidentel” contre l’interdiction des emplois familiaux au Parlement, le Sénat s’apprête à revoter

Après un vote “accidentel” contre l’interdiction des emplois familiaux au Parlement, le Sénat s’apprête à revoter

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Par Astrid Van Laer

Publié le

Mardi 11 juillet, le Sénat devait examiner la proposition de loi concernant l’interdiction d’employer des membres de sa famille comme assistant-e parlementaire et a décidé de rejeter ce point, en pleine nuit et alors que seuls quarante sénateurs étaient présents. Le président de la commission des lois Philippe Bas a demandé à ce qu’un nouveau vote soit organisé.

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Après l’“affaire Penelope Fillon”, qui a profondément marqué l’opinion publique, l’ancien garde des Sceaux François Bayrou avait annoncé qu’il porterait un projet de loi de moralisation de la vie politique afin d’essayer de regagner la confiance des citoyens en la classe politique. La loi était au départ assez fournie mais le gouvernement était déjà revenu sur quelques points. Mais dans la nuit du 11 au 12 juillet, le Sénat a carrément rejeté une des mesures phare de ce projet de loi.

En effet, les sénateurs étaient chargés d’examiner et de voter l’un des points les plus importants de la loi de moralisation de la vie politique : l’interdiction de l’embauche d’un membre de sa famille en tant qu’assistant parlementaire, qu’ils ont décidé de rejeter. Jusqu’ici, strictement aucune disposition légale n’interdit d’employer un membre de sa famille comme assistant parlementaire. Le texte proposé doit également obliger un élu à déclarer si un membre de sa famille est embauché par un autre parlementaire pour éviter les petits arrangements entre collègues, qui permettraient de contourner la loi. D’après Public Sénat, 59 sénateurs emploient actuellement un membre de leur famille, c’est-à-dire 17 % d’entre eux.

“Alors que ce texte part d’une bonne intention, je ne le voterai pas : l’enfer est pavé de bonnes intentions”

À l’origine de ce vote contre : Jacques-Yves Collombat, sénateur RDSE (Rassemblement démocratique et social européen), qui a déposé un amendement de retrait de la mesure, qu’il juge “discriminante”. Pour justifier ce vote “contre”, Catherine Tasca, sénatrice socialiste des Yvelines, a expliqué que selon elle, le problème provient du caractère fictif des emplois et pas du fait qu’un assistant parlementaire ait un quelconque lien familial avec l’élu qui l’embauche :

“Nous critiquons depuis des années la tentation de légiférer d’après des faits divers. Là nous avons un texte tiré de l’affaire des emplois de la famille Fillon. Plus que d’emplois familiaux, il s’agit d’emplois fictifs et hors normes. Il suffirait plutôt d’encadrer les emplois familiaux comme le fait le Sénat.”

Même son de cloche du côté de Jacques-Yves Collombat qui considère que cette disposition “n’offre pas une solution satisfaisante” :

“La priorité est plutôt de s’assurer que les moyens alloués aux parlementaires pour rémunérer leurs collaborateurs soient utilisés à rémunérer des personnes qui assistent effectivement les parlementaires dans leurs fonctions, plutôt que d’introduire des dispositions discriminantes dont les effets sur l’amélioration du travail législatif sont hypothétiques.”
Le titre de cette disposition a également été changé, comme le rapporte Le Monde : ce dernier est passé de “dispositions relatives à l’interdiction de l’emploi de membres de la famille des élus et des membres du gouvernement” à “dispositions relatives aux emplois de collaborateur parlementaire à l’Assemblée et au Sénat, de collaborateur de ministre et de collaborateur d’élu local”.

Un nouveau vote organisé

Ce vote, fait à l’encontre de l’avis gouvernemental et de la commission des lois, a beaucoup fait parler. Un vote en outre plutôt rapide et à main levée, de surcroît réalisé en pleine nuit – à 00h36 -, alors que seule une quarantaine de sénateurs était présente dans l’hémicycle.
 
Mercredi 12 juillet, le président de la commission des lois du Sénat, le Républicain Philippe Bas, a qualifié ce vote de “vote accidentel” et a demandé à ce que soit organisé un nouveau scrutin “le mercredi 12 juillet au soir ou le jeudi 13 juillet au matin”, arguant :
“La commission des lois avait voté à l’unanimité pour l’interdiction des emplois familiaux. Nous avons donc un grave problème de cohérence avec le texte adopté en séance publique et devons agir en conséquence. J’ai demandé au Sénat de revoter sur cette disposition essentielle.”

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