Alea jacta est, le cours du bitcoin franchit la barre des 10 000 dollars

Alea jacta est, le cours du bitcoin franchit la barre des 10 000 dollars

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Par Thibault Prévost

Publié le

Mercredi 29 novembre, la cryptomonnaie a franchi le seuil historique des 10 000 dollars. En un an, sa valeur a été multipliée par dix. Avant l’explosion ?

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Le Rubicon a finalement été franchi et au fond, cela semblait devenu inévitable. Comme prophétisé par de nombreux observateurs financiers, le cours du bitcoin a atteint, mercredi 29 novembre, 10 058 dollars dans les échanges asiatiques. La barre des 10 000 dollars est franchie pour la première fois, et les inquiétudes des experts sur l’explosion imminente de ce qui ressemble désormais à la plus grosse bulle spéculative de l’histoire récente redoublent.

Il faut dire qu’il y a de quoi, car l’évolution du cours du bitcoin suit une trajectoire exponentielle : le taux de change de la cryptomonnaie a bondi de 8 000 à 10 000 dollars en dix jours à peine, et sa valeur a tout simplement décuplé depuis le 1er janvier 2017 (une époque qui semble aujourd’hui lointaine, lorsqu’un bitcoin valait encore “seulement” un millier d’euros). Depuis plusieurs semaines, le bitcoin est entré dans un cycle de prophéties autoréalisatrices : plus sa valeur augmente, plus la couverture médiatique redoublera, plus les investisseurs se masseront pour spéculer, plus sa valeur augmentera, etc. Depuis la mi-mai, le cours de la monnaie augmente ainsi d’environ 1 000 dollars par mois, et personne ne semble savoir où et quand la croissance s’arrêtera.

Du dark web aux fonds d’investissement

Créée en 2009 par le plus célèbre inconnu du monde de la finance, Satoshi Nakamoto (un pseudonyme que personne n’a encore réussi à démasquer, malgré plusieurs enquêtes internationales), le bitcoin repose sur deux piliers technologiques : le minage et la blockchain. Le premier signifie que la création de nouvelle monnaie est supervisée par un algorithme, le second assure la transparence totale de toutes les transactions entre utilisateurs, de manière entièrement décentralisée.

Ces deux technologies, réservées il y a dix ans à un cercle extrêmement restreint de cryptographes et d’activistes, sont susceptibles de bouleverser entièrement notre rapport au secteur bancaire : avec le bitcoin et ses dérivés, les transactions sont infalsifiables et, surtout, l’intermédiaire bancaire est rendu presque entièrement obsolète. Enfin, la garantie de l’anonymat des transactions fait du bitcoin l’outil de prédilection des acheteurs sur le réseau Tor.

Mais le temps des premières expérimentations semble aujourd’hui révolu. En 2017, il est devenu quasi-impossible pour un particulier de miner du bitcoin, l’activité étant désormais le pré carré d’entreprises spécialisées ayant à leur disposition des puissances de calcul faramineuses (le minage de bitcoin étant proportionnel à la puissance de l’ordinateur mis à contribution). Et les fonds d’investissement ont rapidement compris tout l’intérêt de spéculer sur la cryptomonnaie en achetant de grands volumes des 16,4 millions de bitcoins en circulation.

Le secteur bancaire hésite

Demande gigantesque, offre restreinte : pas besoin d’être Adam Smith pour prédire l’envolée des cours. Aujourd’hui, la capitalisation boursière de la monnaie pèse 150 milliards de dollars, soit 50 % du marché des cryptomonnaies. Entre 2016 et 2017, la capitalisation boursière du marché a progressé de… 140 milliards de dollars. Et tout indique que la folie spéculative va continuer dans les mois à venir : Coinbase, la principale place financière d’échange de bitcoin qui compte désormais environ 13 millions d’utilisateurs, enregistrait 100 000 nouveaux adhérents en un seul jour, après que le bitcoin a franchi la barre des 8 500 euros.

Si les particuliers et les fonds d’investissement se sont donc jetés la tête la première dans le bain des cryptomonnaies, le secteur bancaire, lui, se veut beaucoup plus sceptique. Pour le moment, il est vrai, le bitcoin ne sert pas à grand-chose dans le monde réel : environ 100 000 sites Internet acceptent les transactions et, à Paris, une cinquantaine d’établissements offre de payer grâce à son portefeuille virtuel. Du côté des banques, les choses commencent à se décanter, explique Le Monde : des produits financiers basés sur la cryptomonnaie s’apprêtent à être lancés par le leader CME Group, et de nombreuses start-up lèvent déjà des fonds en cryptomonnaie.

Une pratique dangereuse pour Jamie Dimon, PDG de JPMorgan, qui y voyait “une escroquerie”, bientôt rejoint par le vice-président de la Banque centrale européenne Vitor Costancio, pour qui le bitcoin “n’est pas une monnaie, mais un instrument de spéculation”. En novembre, le gendarme européen des marchés financiers, l’Esma, alertait également sur le risque de ces levées de fonds, dites initial coin offerings (ICO), dans lesquelles un groupe crée sa propre cryptomonnaie pour la vendre immédiatement à des investisseurs.

Insuffisant pour calmer la fièvre des spéculateurs, qui continuent de rêver les yeux ouverts : selon plusieurs observateurs, le bitcoin pourrait grimper à 40 000 dollars d’ici la fin de l’année 2018, et certains lui prédisent des sommets à plusieurs centaines de milliers de dollars, voire un million, dans cinq à dix ans. L’immense John McAfee, dans son style inimitable, pariait ainsi en juillet dernier que la monnaie atteindrait les 500 000 dollars, sans quoi il “mangerait [sa] b*te en direct à la télévision”. Espérons, pour nos yeux et pour les spéculateurs, qu’il n’ait jamais à tenir sa promesse.