Agressions sexuelles à Hollywood : quatre hommes brisent le tabou et racontent ce qu’on leur a fait subir

Agressions sexuelles à Hollywood : quatre hommes brisent le tabou et racontent ce qu’on leur a fait subir

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Terry Crews, photo de Gage Skidmore @https://fr.wikipedia.org/wiki/Terry_Crews#/media/File:Terry_Crews_by_Gage_Skidmore_4.jpg

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Par Mélissa Perraudeau

Publié le

L’affaire Weinstein a été l’occasion pour des acteurs et scénaristes d’Hollywood de briser le tabou autour des violences sexuelles dont les hommes sont également victimes.

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Alors que les témoignages d’actrices qui auraient été harcelées sexuellement, agressées sexuellement et/ou violées par le producteur américain Harvey Weinstein continuent de s’accumuler, la parole autour des violences sexuelles semble commencer à se libérer dans le milieu du cinéma. Et si tous les hommes d’Hollywood ne brillent pas pour leur implication et leur soutien des victimes, le tabou autour des abus sexuels dans le milieu est pour le moins bouleversé. Y compris celui, épais, des hommes victimes de violences sexuelles.

Depuis le 10 octobre, quatre hommes célèbres du milieu du cinéma, trois acteurs et un producteur et scénariste, ont ainsi révélé avoir subi des agressions sexuelles et du harcèlement sexuel de la part d’autres hommes du milieu. Comme madmoiZelle le rapporte, ce sont d’abord Brian Scully et Terry Crews qui se sont exprimés sur Twitter le 10 octobre.

Les hommes aussi sont victimes d’agressions sexuelles

Terry Crews, acteur de Brooklyn Nine-Nine également connu pour ses pubs décalées pour les déodorants Old Spice, a expliqué que l’affaire Weinstein lui causait du stress post-traumatique parce que l’année dernière, un “cadre haut placé d’Hollywood” lui avait agrippé l’entrejambe alors qu’il assistait à un événement professionnel avec sa femme. Le fait d’agresser sexuellement l’acteur, et en toute impunité en public, devant sa femme et lors d’un événement professionnel n’avait apparemment causé absolument aucune remise en question chez l’agresseur : Terry Crews rapporte que l’homme a ensuite seulement “souri comme un connard”.

Terry Crews raconte avoir voulu frapper l’agresseur, mais s’être dit qu’étant un homme noir grand et musclé, de l’extérieur cela risquait d’être mal interprété et qu’il serait jeté en prison. À la place, il a raconté ce qu’il s’était passé à toutes les personnes travaillant avec le coupable qu’il connaissait, et l’homme a fini par l’appeler pour s’excuser — sans vraiment s’expliquer. Par peur d’être écarté du milieu, Terry Crews n’a pas voulu engager de poursuites — le prédateur ayant “du pouvoir et de l’influence”.

Le 10 octobre, le scénariste et producteur de télévision Brian Scully (qui a notamment travaillé sur Les Simpsons) a également raconté avoir été victime d’une agression sexuelle par plus d’une personne. Il avait signifié clairement qu’il n’était pas intéressé, et s’est trouvé dans un état de sidération lors de l’agression.

L’acteur, scénariste, producteur et réalisateur Rob Schneider a lui témoigné dans une vidéo pour TMZ pour raconter qu’un “très célèbre réalisateur” l’avait harcelé sexuellement au début de sa carrière. Écho aux exactions supposées de Harvey Weinstein, les faits ont été commis dans une chambre d’hôtel où l’agresseur était en peignoir et demandait au jeune acteur “de ramper sur le sol vers lui”.

Enfin, ce 12 octobre, c’est l’acteur James Van Der Beek, connu pour son rôle principal dans la série Dawson, qui a à son tour révélé sur Twitter avoir eu son “cul agrippé par des hommes puissants, plus âgés” et été “coincé dans des conversations sexuelles inappropriées” quand il était “bien plus jeune”.

Des ravages de la masculinité toxique

Avec leurs témoignages, les quatre hommes célèbres ont exprimé tout leur soutien aux victimes d’Harvey Weinstein, mais aussi mis en lumière les articulations du sexisme, qui ont également des conséquences sur les hommes. Les stéréotypes normés érigent les hommes en modèle de force et de sexualité, en donnent une image toute puissante, et il est difficile de briser cette conception toxique de la masculinité.

“La masculinité toxique. La propagation et la protection de la culture des ‘vrais mecs’, de la domination masculine, de la sexualité masculine. C’est des conneries tout ça…
Voilà comment les hommes voient les agressions sexuelles sur les hommes :
‘Les hommes ne se font pas violer.’
‘Tu sais que tu as aimé.’
‘Ha donc ils ont fait tout le boulot ?’
‘Est-ce que tu as joui au moins ?'”

Ce concept de masculinité toxique a été résumé par Slate, qui explique qu’il a été popularisé par la blogueuse féministe américaine Amanda Marcotte. Pour elle, la masculinité toxique se définit comme “un modèle spécifique de la virilité, orienté vers la domination et le contrôle”, percevant notamment “les femmes et personnes LGBT comme inférieures”. Et elles ne sont pas les seules victimes de la masculinité toxique : la journaliste américaine Suzannah Weiss a expliqué dans son article “les six effets néfastes de la masculinité toxique” sur Bustle que les hommes étaient également soumis à sa violence.

Rob Schneider n’a osé parler à personne de ce qu’il avait subi, tout comme Brian Scully s’est tu à cause de ces injonctions à la masculinité toxique, se disant “Sois un homme”. Terry Crews non plus n’a pas voulu faire de vagues, d’autant plus qu’il correspond particulièrement peu aux clichés sociétaux des victimes d’agressions sexuelles et pouvait donc particulièrement craindre de ne pas être cru. Le fait qu’il ait eu le grand courage d’en parler publiquement a été largement salué sur Twitter.

Et, également comme l’a rapporté madmoiZelle, Brian Scully a lié cette conception stéréotypée de la masculinité qui l’a forcé à se taire et souffrir en silence à la culture du viol et ses conséquences sur les femmes, rabaissées et agressées au quotidien. Le scénariste souligne que la masculinité toxique enseigne aux hommes qu’ils sont supérieurs, et méritent de dominer les femmes — qui n’ont pas à s’opposer à eux.

“Commencez par écouter”

Ces conséquences dramatiques d’un même problème ont également été dénoncées par James Van Der Beek, qui a expliqué qu’il comprenait “la honte injustifiée, l’impuissance et l’incapacité à dénoncer” des victimes de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles, à cause d’une “dynamique de pouvoir semblant impossible à surmonter”. Et contre laquelle Brian Scully a donné des premières solutions.

“Si vous voulez le démolir, commencez par écouter. Commencez par l’inclusion. Commencez par accepter. Commencez par croire. Commencez par soutenir.
Commencez par regarder dans un miroir.”